Il y a quelques mois encore, on se pinçait pour y croire. L’équipe de France féminine alignait les buts comme on enfile des perles : deux contre l’Angleterre, quatre face au pays de Galles, cinq contre les Pays-Bas. Neuf buteuses différentes, une variété offensive qui faisait plaisir à voir. Et puis, patatras. Depuis la fin de l’Euro, c’est la panne sèche, ou presque. Deux petits buts en demi-finale aller contre l’Allemagne (défaite 1-0), deux autres au match aller contre la Suède (victoire 2-1 mais laborieuse). Le reste ? Des xG faméliques et une impression tenace que la machine s’est grippée. Alors, que se passe-t-il vraiment ?
Une attaque qui a perdu son étincelle : les chiffres qui font mal
Commençons par les faits, parce que les chiffres parlent parfois mieux que mille analyses. Lors de la phase de groupes de l’Euro, les Bleues affichaient fièrement la deuxième meilleure attaque du tournoi. Depuis ? La chute est brutale. Contre l’Allemagne à l’aller, trois tirs cadrés seulement pour moins d’1 xG. Vendredi dernier à Reims face à la Suède, rebelote : trois frappes dans le cadre, 0,55 xG hors penalty. Autant dire que même quand on marque, c’est souvent sur un coup de pied arrêté ou un exploit individuel.
Ce n’est pas juste une question de malchance. La continuité dans les performances a disparu. On peut dominer une mi-temps, comme en Normandie contre ces mêmes Allemandes (2-2 au retour avec un sursaut intéressant), puis retomber dans l’à-peine-acceptable dès le match suivant. Le sélectionneur l’a lui-même reconnu : il y a du boulot devant le but.
Les blessures : le fléau qui n’en finit pas
Quand on regarde la liste des absentes ces derniers mois, on comprend mieux pourquoi l’attaque tousse. Marie-Antoinette Katoto, la patronne de la surface, a enchaîné les pépins physiques et les périodes de méforme. Trois buts seulement lors de ses onze dernières sélections, c’est peu pour une joueuse de son calibre. Forfait pour les deux derniers rassemblements, elle regarde les matchs depuis chez elle et son club ne brille pas non plus par son efficacité (trois réalisations en neuf rencontres). Dur.
Mais elle n’est pas la seule. D’autres cadres traînent des bobos ou reviennent tout juste. Quand la moitié de ton arsenal offensif est diminué ou absent, forcément, ça coince. Le corps, parfois, dit stop plus vite que prévu dans le football moderne et son calendrier infernal.
La méforme collective : quand même les stars déçoivent
Delphine Cascarino, par exemple. Capable du meilleur (on se souvient tous de son festival en Suisse), elle a été transparent ces derniers temps. Titularisée à droite contre la Suède, elle n’a quasiment rien montré. Kadidiatou Diani, replacée en pointe après la blessure de Katoto en 2022, avait donné satisfaction à l’époque. Cette fois ? Beaucoup moins. L’alchimie n’y était pas.
Grace Geyoro, cette milieu qui peut se muer en cinquième attaquante quand elle est en jambes, n’a pas pesé offensivement lors des trois dernières sorties. Sandy Baltimore, polyvalente et talentueuse, a été baladée partout – relayeuse, ailière, latérale – sans jamais trouver son poste ni son niveau. Même Melvine Malard, buteuse décisive contre l’Allemagne au retour, s’est retrouvée excentrée contre la Suède. Résultat ? Un zéro pointé créatif.
« On a manqué d’efficacité. Il faut travailler devant le but. »
Le sélectionneur, lucide après l’élimination
Les choix tactiques : à la recherche de la bonne formule
Et puis il y a les choix du coach. Laurent Bonadei a tenté, testé, modifié. Passage en défense à trois en fin de match contre la Suède pour être plus offensif, replacement de joueuses à des postes qui ne sont pas forcément les leurs… Parfois ça paye (le but de Malard contre l’Allemagne), parfois non. Le problème, c’est que l’équipe semble avoir perdu cette fluidité qui faisait sa force à l’Euro.
J’ai l’impression – et je ne suis pas le seul – qu’on cherche encore le système idéal post-Katoto dominante. L’abondance de talents, c’est bien, mais quand tout le monde peut jouer partout, on finit parfois par ne plus savoir qui fait quoi. Clara Matéo, meilleure joueuse du championnat de France selon beaucoup, n’a été titularisée qu’une fois sur les sept derniers matchs. Ça laisse songeur.
- Delphine Cascarino → décevante à droite récemment
- Kadidiatou Diani → moins tranchante en pointe qu’espéré
- Sandy Baltimore → perdue dans les changements de poste
- Grace Geyoro → invisible offensivement ces temps-ci
- Clara Matéo → sous-exploitée malgré son niveau en club
Le constat est là : trop de mouvements, pas assez de stabilité. L’équipe a besoin de repères clairs, surtout devant.
Ce qu’il faut retenir avant le match retour contre la Suède
Ce mardi soir à 19 heures, les Bleues jouent plus qu’une troisième place. Elles jouent leur crédibilité offensive sur la scène européenne. Un succès large ferait du bien au moral et aux stats. Une contre-performance, et les questions deviendront pressantes à six mois de la prochaine grande échéance.
On sait de quoi cette génération est capable quand tout roule : du spectacle, des buts en pagaille, du plaisir. Mais aujourd’hui, il manque clairement un déclic. Peut-être que retrouver Katoto en pleine possession de ses moyens changera la donne. Peut-être qu’un système plus stable, avec moins de bricolage, permettra enfin aux individualités de s’exprimer. Ou peut-être que c’est juste une période creuse, de celles que toutes les grandes équipes traversent.
Ce qui est sûr, c’est que le chantier offensif est ouvert. Et qu’il va falloir le régler rapidement. Parce que dans le football féminin, comme chez les hommes, on ne te pardonne pas longtemps de ne pas marquer. Surtout quand on porte le maillot bleu.
Allez les Bleues. On croit encore en vous. Mais il va falloir le prouver sur le terrain, et vite.
