Imaginez-vous poser le pied à Helsinki un samedi de novembre. Le ciel est déjà noir à 15 heures, le thermomètre flirte avec les -10 °C et, quelque part dans la ville, sept mille supporters finlandais répètent déjà leurs hurlements de loups. C’est exactement ce qu’ont vécu les Bleus ce week-end. Après avoir dominé la Belgique à Rouen, l’équipe de France version « sans les stars » a pris la direction du Grand Nord pour y défier une nation qui rêve de revanche. Et franchement, l’atmosphère promet d’être aussi glaciale dehors que bouillante dedans.
Dans la tanière des Susijengi : pourquoi ce match sent la poudre
La Finlande, ce n’est pas qu’un pays de lacs et de rennes. En basket, c’est devenu une place forte. Quatrième du dernier Eurobasket, les « Loups » (Susijengi, en finnois) ont montré qu’ils savaient mordre. Et ils viennent de se faire surprendre à domicile par la Hongrie (82-89). Autant dire que lundi soir à la Metro Arena d’Espoo, ils auront les crocs plus aiguisés que jamais.
De notre côté, Frédéric Fauthoux aligne un groupe ultra-remasterisé. Pas de Wembanyama, pas de Gobert, pas de Fournier ni de Batum. À la place, des jeunes qui découvrent ou redécouvrent le maillot bleu, et quelques vétérans comme Andrew Albicy, qui dispute là sa 110e et dernière campagne avec les Bleus. Un mélange explosif entre envie débordante et expérience précieuse.
Un voyage cinq étoiles pour une mission commando
Dès la sortie de l’hôtel à Rouen, on a senti que cette fenêtre internationale n’avait rien de classique. Vol privé, bus aux vitres teintées, staff aux petits soins… Tout est fait pour que les joueurs pensent uniquement au ballon orange. Gérald Ayayi, rookie de luxe, n’en revenait pas : « C’est loin des cars de Pro B avec Cholet, hein ! »
« Le confort, les moyens mis en œuvre pour nous soulager… On y prend vite goût. Ça donne faim de haut niveau. »
Gérald Ayayi, après son premier match avec les Bleus
Quatre heures de vol plus tard, les voilà qui débarquent dans un Helsinki plongé dans l’obscurité. Bonnets, gants, doudounes noires : la délégation ressemble plus à une expédition polaire qu’à une équipe de basket. Mais le sourire est là. L’ambiance aussi. Louis Labeyrie fait le clown, Matthew Strazel chambre tout le monde, Albicy joue les grands frères. Ce groupe vit bien, vraiment bien.
Première séance dans le silence olympique
À peine posées les valises, direction Urhea Halli, le centre olympique finlandais. Une salle ultramoderne, immaculée, où les Bleues avaient laminé les Finlandaises il y a deux ans. Les gradins sont vides, mais le terrain est déjà marqué aux couleurs françaises. Trois heures après l’atterrissage, les joueurs enchaînent déjà les systèmes. Pas de temps à perdre.
Frédéric Fauthoux et son staff ont passé la nuit à décortiquer deux matchs : la victoire contre la Belgique (79-63) et, surtout, la surprenante défaite finlandaise contre la Hongrie. Chaque action est codée par couleur, chaque écran tactique décrypté. On sent la volonté de ne rien laisser au hasard.
Albicy, le sage qui guide les jeunes loups
À 35 ans, Andrew Albicy dispute ses derniers instants en bleu. Et il le fait avec classe. Vendredi, il a déjà distribué 8 passes décisives contre la Belgique. Lundi, il dépassera la barre symbolique des 110 sélections. Mais plus que les chiffres, c’est son rôle de grand frère qui impressionne.
« Je leur dis aux jeunes : respirez. Si tu stresses trop à l’idée de porter le maillot, tu passes à côté. Commencez par des choses simples, le reste viendra. »
Andrew Albicy, capitaine d’un soir… et de toujours
Il parle à Gérald Ayayi, à Bodian Massa, à tous ceux qui découvrent la pression internationale. Et on sent que ça porte. Vendredi, les Bleus ont mis du temps à se lâcher, mais une fois lancés, ils ont été intraitables en deuxième mi-temps.
La Metro Arena, un volcan prêt à entrer en éruption
Lundi soir, 17 h 30 heure locale, 7 000 supporters vont transformer Espoo en chaudron. Les Finlandais ont cette culture basket incroyable : chants, hurlements de loups, drapeaux géants. Lors de l’Euro 2022, ils avaient fait trembler les plus grandes nations. Cette fois, ils jouent presque leur survie dans ces qualifications après la claque hongroise.
- Miika Muurinen, 18 ans, révélation de l’Euro et nouvelle idole nationale
- Un public qui ne lâche rien, même quand son équipe est menée de 15 points
- Une salle compacte où le moindre contre fait vibrer les murs
Les deux seuls rescapés du dernier déplacement en Finlande (défaite 69-76 en 2019) sont Axel Bouteille et… Andrew Albicy. « Je me souviens qu’il faisait froid et que l’ambiance était folle », sourit le meneur. Sous-entendu : on sait à quoi s’attendre.
Un groupe qui a faim, vraiment faim
Ce qui frappe dans cette équipe de France version 2025, c’est l’envie. Matthew Strazel, seul joueur d’Euroligue avec Bodian Massa, répète que ces fenêtres sont « une bouffée d’oxygène » dans la saison de club. Louis Labeyrie, de retour après trois ans et demi d’absence, amène sa bonne humeur communicative. Même les plus discrets, comme Gérald Ayayi, dégagent une énergie folle.
Frédéric Fauthoux a insisté sur un mot dès le début de la préparation : valeurs. Travail, solidarité, intensité. Vendredi contre la Belgique, on a vu que le message était passé. Maintenant, il faut reproduire ça dans un contexte mille fois plus hostile.
Et si les Bleus créaient la surprise ?
Soyons honnêtes : sur le papier, la Finlande part favorite. Mais le basket nous a appris que le papier ne gagne jamais les matchs. La Hongrie l’a prouvé il y a quelques jours. Avec un Albicy en mode chef d’orchestre, un Strazel libéré, un Labeyrie revanchard et toute une bande de jeunes qui n’ont rien à perdre… tout est possible.
Et puis, il y a cette statistique qui donne le sourire : lors des dernières fenêtres, les Bleus version B ont souvent surpris. On se souvient de cette victoire en Lituanie sans aucune star, ou de ce hold-up en Bosnie. Pourquoi pas en Finlande ?
Lundi soir, sous les lumières de la Metro Arena, dans le froid polaire et la chaleur humaine, on saura si cette génération intermédiaire est prête à écrire sa petite histoire. Moi, j’ai envie d’y croire. Parce que parfois, le basket récompense les audacieux.
Allez les Bleus. Et rendez-vous à Espoo pour, peut-être, un nouveau chapitre de légende.
