Vous souvenez-vous de votre premier frigo Brandt ? Celui qui trônait dans la cuisine de vos parents, indestructible, made in France, avec cette petite étiquette tricolore dont on était si fier ? Moi oui. Et pourtant, hier, un tribunal a décidé de liquider cette marque centenaire. Sept cents familles se retrouvent dans l’angoisse au ventre. Mais, surprise, l’État monte au créneau et jure qu’il ne laissera pas tomber. Vraiment ?
Brandt liquidé : la fin d’une époque ou juste un mauvais chapitre ?
Jeudi matin, le couperet est tombé. Le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire du groupe Brandt. Plus de cent ans d’histoire industrielle française qui semblent s’arrêter net. Les sites de Vendôme, d’Orléans ou encore de Lyon vont fermer, du moins en l’état actuel des choses. C’est brutal, presque irréel.
Mais dès le lendemain, le ministre chargé de l’Industrie était sur les plateaux télé pour dire tout haut ce que beaucoup espéraient tout bas : « Le gouvernement ne laisse pas tomber Brandt ». Il parle même d’« incompréhension » face à la décision judiciaire et annonce vouloir pousser pour un nouveau projet industriel. En clair : on cherche un repreneur sérieux, vite.
D’où vient le coup de massue ?
Pour comprendre, il faut remonter un peu. Brandt, c’était autrefois un géant. Dans les années 70-80, pratiquement une cuisine française sur deux avait au moins un appareil de la marque. Puis vint la concurrence asiatique, les délocalisations, les rachats successifs. Le groupe a changé plusieurs fois de mains – on se souvient du passage chez le groupe espagnol Fagor, puis chez l’algérien Cevital en 2014.
Promesses de relance, investissements annoncés… et puis la réalité : usines fermées les unes après les autres, dettes qui s’accumulent, carnets de commandes qui se vident. Placement en redressement judiciaire il y a quelques mois, et maintenant la liquidation. Le scénario classique, presque lassant, de tant d’entreprises industrielles françaises ces vingt dernières années.
« On nous avait promis la lune en 2014, et aujourd’hui on nous liquide sans même chercher un repreneur sérieux. C’est une trahison. »
Un salarié anonyme du site de Vendôme, entendu hier soir
L’État dans tout ça : parole ou vraie volonté ?
Le discours du ministre peut sembler opportuniste. Évidemment, personne n’a envie d’avoir 700 chômeurs de plus sur les bras en pleine période pré-électorale. Mais, soyons honnêtes, on a déjà entendu ce genre de déclarations cent fois. Et souvent, ça se termine par un plan social déguisé et une marque qui disparaît doucement.
Cette fois, pourtant, plusieurs éléments laissent penser que ça pourrait être différent. D’abord, le ton est offensif : on parle d’« incompréhension » et de volonté de « d’aller jusqu’au bout ». Ensuite, des contacts seraient déjà pris avec des industriels français et européens. Enfin, l’État dispose d’outils : Bpifrance, fonds de modernisation… sans parler de la possibilité de jouer sur les aides à la relocalisation.
- Possibilité d’un repreneur qui garderait au moins une partie de la production en France
- Maintien de la marque Brandt (valeur sentimentale + savoir-faire reconnu)
- Conversion partielle vers des produits plus haut de gamme ou éco-conçus
- Aides publiques conditionnées à la préservation d’un maximum d’emplois
L’idée, semble-t-il, serait de transformer Brandt en vitrine du made in France qui reprend des couleurs. Un peu comme ce qui se passe dans le textile avec certaines marques ou dans le vélo avec des acteurs comme Lejeune ou Peugeot qui reviennent.
Les salariés entre colère et maigre espoir
Sur place, l’ambiance est lourde. À Vendôme, les salariés ont bloqué l’usine hier après-midi. Pancartes, pneus qui brûlent, slogans… la routine tristement française. Beaucoup n’y croient plus. « On nous balade depuis dix ans », me confiait l’un d’eux au téléphone. Et il n’a pas complètement tort.
Mais il y a aussi ceux qui veulent y croire. Les plus anciens, ceux qui ont vu la marque à son apogée. Ceux qui savent que le savoir-faire existe toujours, que les machines ne sont pas toutes obsolètes, que la marque parle encore aux Français. Ils attendent un signe concret. Un nom de repreneur, un calendrier, un projet chiffré.
Et si Brandt devenait le symbole d’une vraie réindustrialisation ?
Soyons fous deux minutes. Imaginons que l’État aille au bout. Qu’un consortium français – pourquoi pas avec un acteur comme Seb ou Legrand en chef de file – reprenne les actifs, garde deux usines, relance la marque sur le segment milieu/haut de gamme avec des produits éco-conçus, labellisés Origine France Garantie.
On pourrait avoir :
- Des lave-linge fabriqués à Vendôme avec 80 % de composants français
- Un positionnement « durable et réparable » qui répond à la nouvelle loi anti-gaspillage
- Un partenariat avec l’Éducation nationale pour former les futurs techniciens
- Et surtout, la preuve que oui, on peut relancer une marque industrielle en France en 2025
Utopique ? Peut-être. Mais pas plus que de croire, il y a vingt ans, que Renault allait redevenir bénéficiaire ou que STX à Saint-Nazaire allait construire les plus gros paquebots du monde.
Ce que cette affaire dit de la France industrielle en 2025
Brandt, ce n’est pas qu’une marque. C’est le miroir de nos renoncements successifs. On a laissé filer l’électroménager, comme on a laissé filer le textile, les jouets, l’électronique grand public. On s’est dit que la Chine ferait mieux, moins cher. Et aujourd’hui, on redécouvre les vertus de la souveraineté industrielle à coups de pénuries de masques, de semi-conducteurs et de principes actifs.
Alors oui, sauver Brandt aurait une portée symbolique énorme. Pas seulement pour les 700 salariés. Pour tout un pays qui a besoin de croire à nouveau qu’on peut fabriquer ici des produits du quotidien de qualité. Que l’industrie n’est pas forcément une relique du passé.
« Si on laisse mourir Brandt sans même essayer, on envoie le message que plus rien n’est possible en France. »
Un cadre de l’entreprise qui préfère rester anonyme
Les prochaines semaines seront décisives
Pour l’instant, la liquidation est prononcée mais l’activité continue quelques mois le temps de trouver une solution. C’est la période où tout peut basculer. Soit un repreneur crédible se manifeste rapidement, soit on passe à la casserole et on enterre définitivement une partie de notre patrimoine industriel.
Le gouvernement a mis la pression publique. Reste à voir s’il a les moyens – et la volonté réelle – d’aller jusqu’au bout. Parce que, entre nous, on a vu trop de « fleurons » promis à un grand avenir finir en entrepôt logistique ou parking de supermarché.
Au moment où j’écris ces lignes, des discussions seraient en cours avec plusieurs industriels. Rien n’est officiel, rien n’est perdu. Mais une chose est sûre : Brandt mérite mieux qu’une fin en catimini. Et la France aussi.
Et vous, vous y croyez à un sursaut pour Brandt ? Ou pensez-vous que c’est déjà plié ? Dites-le moi en commentaire, j’ai vraiment envie de connaître votre avis sur cette histoire qui, finalement, nous concerne tous un peu.
