Il y a des légendes qui ne meurent jamais. Elles se transforment, parfois s’effacent un peu, mais restent là, ancrées dans notre imaginaire collectif. Brigitte Bardot fait partie de celles-là. À 91 ans, elle aurait pu se contenter du silence, laisser les images d’Et Dieu créa la femme ou du Mépris parler pour elle. Pourtant, elle a choisi de prendre la parole une dernière fois, ou presque.
Un film qu’elle a voulu comme un testament
Imaginez la scène : deux réalisateurs sonnent à la grille de La Madrague ou plutôt de La Garrigue, sa propriété discrète sur les hauteurs de Saint-Tropez. Elle les reçoit, accepte de parler, mais pose une condition ferme : pas de caméra sur son visage abîmé par le temps. Juste sa voix, rocailleuse, toujours aussi franche, pour accompagner des archives et des témoignages. Le résultat sort en salles cette semaine et, franchement, c’est une claque douce et profonde à la fois.
Ce n’est pas une énième biographie complaisante. C’est son récit, corrigé et augmenté par ceux qui l’ont côtoyée. Et surtout, c’est le moment où elle règle ses comptes avec la célébrité, avec les hommes, avec elle-même, et où elle rappelle pourquoi elle a tout plaqué à 39 ans pour les animaux.
La femme qui a inventé la liberté féminine avant l’heure
On oublie parfois à quel point elle a bousculé les codes. Dans les années 1950-1960, alors que la France sort à peine de la guerre et reste engoncée dans le puritanisme, elle arrive avec ses bikinis, ses danses lascives, son franc-parler. Elle fume, elle divorce, elle choisit ses amants, elle refuse la maternité classique. Scandale ? Non, révolution.
« J’ai vécu comme je voulais, pas comme on voulait que je vive. »
Brigitte Bardot, voix off du documentaire
Cette phrase résonne tout au long du film. Et on comprend mieux pourquoi certaines réactions d’aujourd’hui : oui, elle a parfois tenu des propos excessifs, oui, elle a choqué. Mais elle a aussi payé le prix fort d’une liberté que beaucoup enviaient sans oser la prendre.
Quand la star devient militante
1973. À l’apogée de sa beauté et de sa célébrité, elle annonce qu’elle arrête le cinéma. Tout le monde pense à un caprice. En réalité, elle a déjà commencé son vrai combat : la cause animale. Phoques au Canada, chiens en Roumanie, éléphants, taureaux… Elle remue ciel et terre, écrit aux présidents, manifeste, choque encore.
- Elle fait interdire l’importation de peaux de phoques en Europe
- Elle crée sa fondation en 1986 avec ses propres deniers
- Elle vend aux enchères bijoux et robes mythiques pour financer ses refuges
Dans le documentaire, on la entend rire doucement en repensant à ceux qui la traitaient de folle. « Ils disaient que je perdais la tête. Moi je pense que j’ai enfin retrouvé la mienne. » Touché.
Une voix fragilisée mais toujours debout
À 91 ans, elle ne cache rien. Les problèmes respiratoires, les hospitalisations à répétition, la douleur physique quotidienne. Elle parle de son corps comme d’un vieil ami qui fatigue. Pourtant, quand elle évoque les animaux maltraités, la voix se raffermit d’un coup. C’est impressionnant.
Les réalisateurs ont choisi de ne montrer qu’un seul plan d’elle : un profil fugace, cheveux blancs au vent, regardant la mer. Suffisant. On reconnaît immédiatement la ligne de l’épaule, la nuque fine. BB est toujours là.
Pourquoi ce film arrive au bon moment
En 2025, alors que le féminisme est parfois réduit à des slogans ou des polémiques stériles, revoir Bardot rappeler qu’elle a vécu sa liberté sans attendre la permission de quiconque fait un bien fou. Elle n’a jamais réclamé le titre de féministe – elle détestait les étiquettes – mais elle a ouvert des portes à coups de talon aiguille.
Et puis il y a cette question lancinante : qu’est-ce qu’on laisse derrière soi ? Des films cultes ? Des photos iconiques ? Elle, elle a choisi de léguer une fondation qui sauve des milliers d’animaux chaque année. Pas mal comme héritage.
Ce que j’ai ressenti en sortant de la salle
Je ne vais pas vous mentir : j’avais les larmes aux yeux à plusieurs reprises. Pas de tristesse, non. D’émotion brute. Parce qu’on voit une femme qui a tout eu, tout perdu, tout repris autrement. Parce qu’elle assume ses erreurs avec une dignité rare. Parce qu’elle nous regarde droit dans les yeux (enfin, dans les oreilles) et nous dit : vivez, mais vivez vraiment.
Alors oui, allez voir ce documentaire. Pas par nostalgie. Par respect pour une femme qui a refusé de rentrer dans le moule et qui, cinquante ans plus tard, continue de nous apprendre ce que signifie être libre.
Brigitte Bardot n’est pas une icône figée dans les années 60. Elle est vivante, combative, parfois rugueuse, toujours sincère. Et ce film est peut-être le plus beau cadeau qu’elle pouvait nous faire avant de, peut-être, tirer sa révérence.
À vous de jouer maintenant : irez-vous écouter sa voix une dernière fois ?
