Vous est-il déjà arrivé de lâcher une phrase un peu cash entre amis, persuadé que personne d’autre ne l’entendra… et de la retrouver le lendemain sur toutes les réseaux ? C’est exactement ce qui vient d’arriver à Brigitte Macron. Une vidéo volée, quelques mots crus, et c’est tout l’équilibre fragile entre liberté d’expression et rôle institutionnel qui vacille.
Une phrase qui met le feu aux poudres
Samedi 6 décembre, théâtre des Folies Bergères. Ary Abittan s’apprête à remonter sur scène pour la première fois depuis son non-lieu dans une affaire de viol. Dans les coulisses, la Première dame vient lui apporter son soutien. L’échange est filmé à son insu :
« S’il y a des sales connes, on va les foutre dehors (…) surtout des bandits masqués »
Brigitte Macron, quelques minutes avant le spectacle
La vidéo sort lundi soir. Moins de vingt-quatre heures plus tard, le hashtag #salesconnes devient viral et la gauche entière monte au créneau. Ce qui pouvait passer pour une boutade de couloir se transforme en tempête politique.
Pourquoi cette phrase choque autant ?
D’abord parce qu’elle vient de la Première dame. On attend d’elle une certaine retenue, même en privé. Ensuite parce qu’elle vise des militantes qui luttaient contre les violences sexuelles – un combat que l’exécutif dit porter depuis 2017 avec la « grande cause du quinquennat ».
Le contraste est violent. D’un côté, des discours officiels sur « on vous croit ». De l’autre, une insulte crue contre celles qui osent perturber un spectacle. Pour beaucoup, c’est l’illustration parfaite d’un féminisme de façade.
J’ai moi-même été surpris par la brutalité du mot. « Connes » avec deux « n », c’est le genre d’expression qu’on réserve aux copines autour d’un verre, pas à des militantes qui risquent l’expulsion et parfois plus pour leurs actions.
Le collectif Nous Toutes reprend l’insulte à son compte
La réponse des militantes ne s’est pas faite attendre. Le collectif, dont quatre membres avaient interrompu le spectacle, a immédiatement lancé le hashtag #salesconnes. Stratégie classique mais redoutablement efficace : retourner l’insulte contre son auteure.
- Judith Godrèche : « Moi aussi, je suis une sale conne. Et fière de l’être. »
- Des centaines d’anonymes partagent leur photo avec le hashtag en légende.
- En quelques heures, le mot-dièse devient un symbole de résistance.
C’est là toute la force du mouvement : transformer une agression verbale en acte militant collectif. Et franchement, le résultat est impressionnant.
La classe politique s’en mêle (et c’est parti pour durer)
À gauche, les réactions sont unanimes. Manon Aubry parle d’un quinquennat qui « commence par les droits des femmes grande cause et termine en les insultant ». Aurélie Trouvé exige des excuses publiques. Cyrielle Chatelain y voit « une insulte à toutes les victimes ».
« Insulter des militantes féministes, c’est cracher à la figure de toutes celles qui luttent contre les violences sexuelles depuis des décennies. »
À droite et au centre, on tente de calmer le jeu. Certaines voix parlent d’« agacement compréhensible » face aux interruptions répétées de spectacles. D’autres rappellent le non-lieu et le droit de travailler. Mais même là, on admet que le choix des mots est… discutable.
Non-lieu ne veut pas dire acquittement : le rappel qui fâche
Un point revient sans cesse dans le débat : le non-lieu prononcé en avril 2024 (confirmé en appel en janvier 2025) n’équivaut pas à un acquittement. Les militantes le répètent en boucle, et elles n’ont pas tort juridiquement.
Un non-lieu signifie qu’il n’y a pas assez de preuves pour juger. Pas que les faits n’ont jamais existé. C’est une nuance essentielle que beaucoup oublient dans la précipitation à défendre le « retour à la normale » d’Ary Abittan.
Et c’est peut-être là que le bât blesse le plus : le sentiment que, une fois le non-lieu obtenu, on doit faire comme si rien ne s’était passé. Comme si dénoncer restait suspect.
Liberté d’expression… mais jusqu’où quand on est Première dame ?
Personne ne conteste le droit de Brigitte Macron à avoir une opinion. Ni même à l’exprimer en privé. Le problème, c’est le lieu et le contexte. Quand vous soutenez publiquement un artiste accusé (puis non-lieu) et que vous traitez ses opposantes de « sales connes », vous ne parlez plus seulement en tant que citoyenne.
Vous parlez avec le poids symbolique de l’Élysée derrière vous. Et ça change tout.
D’ailleurs, l’entourage présidentiel a tenté une justification : il s’agissait de critiquer « la méthode radicale » des militantes. Mouais. Difficile de faire avaler ça quand la phrase commence par « sales connes ».
Et maintenant ?
Pour l’instant, pas d’excuses officielles. Pas de communiqué. Juste ce silence gêné qu’on connaît bien dès qu’une polémique touche le couple présidentiel.
Mais le mal est fait. Le hashtag continue de tourner, les réactions politiques s’enchaînent, et l’image d’un pouvoir déconnecté des luttes féministes prend un coup supplémentaire.
Ce qui m’interpelle le plus, au fond, ce n’est pas tant l’insulte (on a tous nos moments de colère). C’est la rapidité avec laquelle on passe de « grande cause nationale » à « on va les foutre dehors ». Comme si, quand ça touche quelqu’un de proche, les principes devenaient soudain négociables.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Une maladresse isolée ou le révélateur d’un malaise plus profond ? Les commentaires sont ouverts.
Une chose est sûre : cette affaire n’a pas fini de faire parler. Et quelque part, c’est peut-être ça le plus intéressant.
