Vous êtes dimanche matin, le café fume sur la table du jardin, les oiseaux chantent enfin après une semaine de télétravail. Et là, vrombissement. Un petit avion vous passe au-dessus de la tête, puis un deuxième, puis un troisième. Dix minutes de répit, et ça recommence. Au bout d’une heure, vous rentrez. Voilà le quotidien de nombreux habitants du Vexin, ce coin de campagne pourtant préservé à une quarantaine de kilomètres de Paris.
Quand le ciel devient une autoroute le week-end
Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai entendu cette plainte, presque mot pour mot, en discutant avec des gens qui ont choisi la verdure pour fuir le bruit de la capitale. Ils pensaient avoir trouvé le calme absolu. Raté. L’aérodrome de Pontoise-Cormeilles-en-Vexin, posé en plein parc naturel régional, attire chaque week-end des dizaines, parfois des centaines de pilotes amateurs ou en formation. Résultat : un ballet aérien incessant au-dessus des villages.
Et le pire, c’est que ça ne date pas d’hier. Mais depuis quelques années, l’activité a explosé. Plus de clubs, plus d’écoles de pilotage, plus de baptêmes de l’air offerts à Noël ou pour les anniversaires. Le ciel du Vexin est devenu une salle de classe à moteur.
Un arrêté en consultation qui fait déjà débat
En ce moment même, jusqu’au 14 décembre 2025, un nouvel arrêté préfectoral est soumis à consultation publique. Objectif affiché : mieux encadrer l’activité de l’aérodrome. Sur le papier, ça part d’une bonne intention. En pratique, beaucoup de riverains trouvent que ça ne va pas assez loin.
« On nous propose des miettes alors qu’on demande simplement de pouvoir déjeuner en terrasse le dimanche sans casque antibruit. »
Un habitant de Courcelles-sur-Viosne, excédé
Le point qui cristallise toutes les colères ? Les riverains réclament trois heures consécutives de silence total le dimanche matin, typiquement entre 10 h et 13 h ou 11 h et 14 h. Une pause. Un vrai break. Dans les faits, l’arrêté actuel envisage plutôt des limitations horaires plus floues et surtout pas de coupure franche.
Pourquoi c’est si compliqué de dire stop trois petites heures ?
Parce que l’aérodrome, ce n’est pas qu’un loisir de riches. C’est aussi une activité économique. Des emplois (mécaniciens, instructeurs, personnel administratif), des entreprises installées, des taxes locales. Et puis il y a la passion. Les pilotes, eux, défendent leur liberté de voler le week-end, moment où la plupart travaillent la semaine.
Mais franchement, entre nous, quand on habite à côté et qu’on subit 8 heures de bruit continu chaque samedi et dimanche dès le printemps, on finit par comprendre pourquoi certains parlent de « harcèlement sonore ».
- Un Cessna 152 fait environ 90-100 décibels au décollage quand il passe à basse altitude
- Un être humain supporte mal plus de 85 dB en continu
- Le week-end, certains villages enregistrent des passages toutes les 3 à 5 minutes en pleine saison
Faites le calcul. C’est intenable.
Le parc naturel régional, victime collatérale
Ce qui rend la situation encore plus absurde, c’est le cadre. Le Vexin français, c’est 71 000 hectares classés parc naturel régional depuis 1995. L’idée, c’était de protéger un patrimoine exceptionnel : villages en pierre, champs, chemins de randonnée, faune. Sauf que le bruit, lui, n’a pas de frontières. Et les oiseaux, les chevreuils ou les promeneurs n’ont pas de bouchons d’oreilles.
J’ai croisé un jour une dame qui nourrit les mésanges dans son jardin depuis trente ans. Elle m’a dit, les larmes aux yeux : « Cette année, elles ne viennent presque plus. Elles ont peur du bruit. » Ça vous fait quelque chose, ce genre de phrase.
Et les solutions, elles existent ou pas ?
Bien sûr qu’elles existent. Partout en France, des aérodromes ont trouvé des compromis acceptables :
- Pause méridienne obligatoire de 12 h à 15 h le week-end
- Interdiction totale de vol le dimanche matin jusqu’à 11 h ou 12 h
- Circuits d’évitement au-dessus des zones habitées
- Utilisation préférentielle d’avions plus silencieux
- Création d’une charte de bonne conduite signée par tous les clubs
Rien de révolutionnaire. Juste du bon sens. Mais pour l’instant, l’arrêté en consultation reste timide. Pas de pause obligatoire de trois heures, pas d’interdiction formelle le dimanche matin. Juste des « recommandations » et des créneaux un peu réduits.
Ce que disent vraiment les riverains
« On n’est contre l’aviation. On a le droit d’exister. Mais on veut juste pouvoir vivre normalement chez nous le week-end. Trois heures, c’est pas la mort. »
Ils ne demandent pas la fermeture de l’aérodrome. Ils demandent un peu de respect. Un peu de respiration. Et franchement, on peut les comprendre.
Et maintenant ?
La consultation publique est ouverte jusqu’au 14 décembre 2025. C’est le moment ou jamais de se faire entendre. Les habitants s’organisent, pétitions, courriers, présence aux réunions. L’enjeu n’est pas seulement local : il touche à la question plus large de la cohabitation entre activités de loisir et qualité de vie en zone rurale.
Parce qu’au fond, qui a envie de vivre dans un endroit magnifique… pour mieux s’enfermer chez soi le week-end ?
Le Vexin mérite mieux que d’être une piste d’entraînement géante. Ses habitants méritent de pouvoir profiter du silence qu’ils sont venus chercher. Trois petites heures le dimanche, ce n’est pas négociable. C’est un minimum.
Et vous, vous en pensez quoi ? Vous laisseriez-vous envahir par le bruit des moteurs pour préserver la passion de quelques pilotes ? La parole est à vous dans les commentaires.
