Imaginez un instant : nous sommes le 23 décembre, les lumières de Noël clignotent partout, et pourtant, dans les couloirs du pouvoir, on parle encore et toujours d’argent… ou plutôt, de manque d’argent. Cette fin d’année 2025 restera sans doute dans les mémoires comme celle où le budget de l’État a pris des allures de véritable saga politique. Après des semaines de tractations interminables, les parlementaires viennent finalement de voter une loi spéciale qui fait office de pansement temporaire. Mais tout le monde le sait : le vrai match se jouera en janvier.
Personnellement, je trouve assez fascinant de voir à quel point la mécanique budgétaire peut devenir un miroir grossissant des fractures françaises. Entre une Assemblée morcelée depuis la dissolution de 2024 et un Sénat qui campe sur ses positions, le chemin vers un accord semble aujourd’hui aussi étroit qu’une corde raide.
Un budget provisoire pour ne pas couper les vivres à l’État
La fameuse loi spéciale, adoptée à l’unanimité ce mardi par les deux chambres, n’a rien de glamour. Elle reconduit tout simplement les grandes lignes du budget 2025 pour quelques semaines. En clair : l’État peut continuer à lever l’impôt et à payer les fonctionnaires. Point.
Aucune nouvelle dépense n’est autorisée, même dans les secteurs considérés comme prioritaires. La défense, pourtant mise en avant face aux tensions géopolitiques actuelles, devra attendre. C’est un peu comme si on demandait à un moteur de tourner au ralenti en pleine montée : ça tient, mais ça ne va pas très loin.
Pourquoi en est-on arrivé là ?
Pour comprendre la situation actuelle, il faut remonter un peu en arrière. Depuis la dissolution surprise de l’Assemblée en 2024, plus aucune majorité absolue n’existe. Chaque texte budgétaire devient donc une épreuve d’équilibriste pour le gouvernement. L’an dernier déjà, une situation similaire avait obligé l’exécutif à passer par une loi spéciale avant de finalement faire passer les budgets 2025… en février.
Cette année, l’histoire se répète avec quelques variantes. La commission mixte paritaire n’a pas réussi à trouver de terrain d’entente entre députés et sénateurs. Résultat : le gouvernement a dû sortir l’artillerie lourde, c’est-à-dire cette loi de continuité budgétaire minimaliste.
Prendre le temps de bâtir un bon budget n’est pas une faiblesse.
D’après les déclarations récentes du chef du gouvernement
Cette phrase résume assez bien l’état d’esprit actuel de l’exécutif : oui, on prend du retard, mais non, ce n’est pas forcément dramatique… à condition que janvier soit le mois de tous les possibles.
Les cinq chantiers prioritaires pour trouver un accord
Pour tenter de débloquer la situation, le Premier ministre a clairement posé ses cartes sur la table. Cinq thèmes prioritaires ont été identifiés comme autant de points d’accroche possibles avec les différentes forces politiques :
- L’avenir de l’agriculture française
- Le soutien aux collectivités locales
- La crise du logement
- Les spécificités des territoires d’outre-mer
- La jeunesse et les perspectives d’avenir pour les nouvelles générations
Ces cinq dossiers ont le mérite d’être transversaux : ils parlent à peu près à tout le monde, de la gauche à la droite en passant par le centre. Reste à savoir si ces sujets suffisamment rassembleurs permettront vraiment de faire bouger les lignes sur le point central : le niveau du déficit.
L’objectif du 5 % : neuf milliards à trouver
C’est le chiffre qui revient en boucle dans toutes les conversations budgétaires depuis plusieurs semaines : moins de 5 % de déficit public en 2026. Un objectif ambitieux quand on sait que le texte issu du Sénat se situe actuellement à 5,3 %. Neuf milliards d’écart. Pas énorme à l’échelle d’un budget de l’État, mais suffisamment pour cristalliser toutes les oppositions.
Deux écoles s’affrontent : d’un côté ceux qui veulent augmenter certains prélèvements, de l’autre ceux qui exigent des coupes plus franches dans les dépenses. Entre les deux, le gouvernement tente de trouver un chemin médian… pas toujours évident quand on a affaire à des positions parfois tranchées.
La surtaxe sur les grandes entreprises fait son retour
Parmi les pistes concrètes qui reviennent sur la table, la fameuse surtaxe sur les grandes entreprises figure en bonne place. Supprimée par le Sénat, elle pourrait bien être réintroduite dans le texte final, tant elle représente une manne financière non négligeable pour l’État.
En revanche, d’autres mesures plus clivantes ont été définitivement écartées, comme la réforme envisagée de la TVA pour les auto-entrepreneurs. Preuve que, même dans l’urgence, certains sujets restent intouchables.
Le coût caché de la loi spéciale
Ce que l’on dit moins, c’est que cette fameuse loi spéciale n’est pas gratuite. Selon plusieurs estimations concordantes, elle représenterait un surcoût minimum de l’ordre de 12 milliards d’euros. Une facture supplémentaire qui vient s’ajouter à un endettement déjà très élevé. On comprend mieux pourquoi tout le monde a intérêt à trouver un accord rapidement en janvier.
Et le 49.3 dans tout ça ?
La question que tout le monde se pose en coulisses : le gouvernement va-t-il finir par dégainer l’article 49.3 ? Officiellement, on assure que non. On veut absolument éviter cette arme nucléaire politique, surtout après les engagements pris auprès de certains partenaires.
Mais dans les faits, la pression monte. Certains responsables politiques estiment que l’exécutif n’aura peut-être pas d’autre choix si les négociations patinent trop longtemps. Pour que le 49.3 passe sans déclencher de motion de censure, il faudrait toutefois un accord tacite avec certains groupes clés. Notamment les socialistes, dont les voix seraient déterminantes.
Je suis très opposée à l’utilisation du 49.3. Il faut que nous travaillions pour trouver le chemin du compromis.
Extrait des déclarations récentes de la présidente de l’Assemblée nationale
Cette position, assez largement partagée à gauche comme au centre, montre bien à quel point le recours à cet article reste perçu comme un aveu d’échec du dialogue politique.
Calendrier prévisionnel : janvier s’annonce chargé
- Reprise des travaux en commission des finances à l’Assemblée nationale dès le 8 ou 9 janvier
- Débat en hémicycle à partir du 13 janvier
- Vote solennel espéré avant la fin du mois
Le calendrier est serré, mais pas impossible. Reste à savoir si les différentes forces politiques sauront mettre de côté, ne serait-ce que temporairement, leurs calculs partisans au profit de l’intérêt général.
Ce que cette séquence nous dit de la France d’aujourd’hui
Au-delà des chiffres et des dates, cette longue bataille budgétaire est révélatrice de plusieurs réalités profondes de notre pays. D’abord, la difficulté croissante à gouverner sans majorité absolue. Ensuite, le fossé qui s’est creusé entre une Assemblée plutôt favorable à des prélèvements supplémentaires et un Sénat plus attaché à la maîtrise des dépenses.
Enfin, et c’est peut-être le plus inquiétant, la sensation diffuse que les grands équilibres financiers du pays deviennent de plus en plus difficiles à tenir sans provoquer de fortes tensions sociales ou politiques.
J’ai parfois l’impression que nous sommes entrés dans une sorte d’ère de la « gestion au jour le jour » des finances publiques, où chaque budget ressemble davantage à un compromis fragile qu’à une véritable vision d’avenir.
Et maintenant ?
Le plus dur reste à venir. Trouver ces fameux neuf milliards d’écart sans fâcher tout le monde relève presque du miracle politique. Pourtant, l’histoire récente montre que, parfois, dans l’urgence, des consensus improbables finissent par émerger.
Janvier 2026 sera donc un mois décisif. Pas seulement pour les comptes publics, mais aussi pour tester la capacité réelle des différentes forces politiques à travailler ensemble sur les sujets les plus structurants pour l’avenir du pays.
En attendant, les Français peuvent dormir tranquilles sur un point : les salaires des fonctionnaires tomberont bien à la fin du mois, et les impôts continueront d’être prélevés. Pour le reste… rendez-vous dans quelques semaines.
Et vous, que pensez-vous de cette nouvelle séquence budgétaire ? L’exécutif trouvera-t-il vraiment la voie du compromis ? Ou sommes-nous partis pour une nouvelle confrontation majeure ? Les commentaires sont ouverts.
