Vous est-il déjà arrivé de retenir votre souffle pendant un vote à l’Assemblée nationale ? Moi, oui. Vendredi 5 décembre 2025, vers midi, j’étais comme des milliers de Français scotchés aux écrans : allait-on enfin sortir de l’ornière budgétaire ou plonger un peu plus dans l’inconnu ? Quand le président de séance a annoncé l’adoption du volet recettes du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026, un soupir collectif a traversé le pays. Victoire pour le gouvernement, certes. Mais franchement, à voir la tête de certains ministres, on aurait dit qu’ils venaient de gagner au loto… avec un ticket à moitié déchiré.
Une adoption qui sent le compromis à plein nez
Reprenons depuis le début. Un an et demi après la dissolution, l’hémicycle ressemble toujours à un patchwork politique. Aucune majorité claire, des alliances qui se font et se défont au gré des textes. Et quand arrive le budget de la Sécu – ce mastodonte de plusieurs centaines de milliards d’euros – tout le monde retient son souffle.
Le gouvernement avait pourtant prévenu : pas question de toucher à la réforme des retraites ni de geler les pensions. Message reçu cinq sur cinq par une partie de l’opposition qui, du coup, menaçait de tout faire capoter. Résultat ? Des nuits entières de négociations, des amendements rédigés à la va-vite, des cafés qui coulent à flots dans les salons de l’Assemblée.
« Cette étape importante reflète le travail de concertation mené avec les différents groupes et les compromis proposés. »
Sébastien Lecornu, juste après le vote, sur les réseaux sociaux
Belle formule, n’est-ce pas ? En réalité, derrière les mots polis, c’est une tout autre musique qu’on entend dans les couloirs.
Les concessions qui font grincer des dents
Alors, qu’a-t-il fallu lâcher pour faire passer la pilule ? D’abord, le rétablissement de la suspension temporaire de certains effets de la réforme des retraites – un camouflet symbolique pour l’exécutif qui avait juré qu’on n’y toucherait plus. Ensuite, l’abandon du gel des minima sociaux et de certaines pensions. Des mesures qui, sur le papier, ne pèsent pas des milliards, mais qui politiquement valent de l’or.
- Suspension partielle de la réforme des retraites jusqu’à nouvel ordre
- Maintien de la revalorisation des pensions et minima sociaux
- Renoncement à certaines taxes initialement prévues sur les complémentaires santé
- Engagements flous sur de futures concertations (comprendre : on verra plus tard)
Autant de renoncements qui font hurler la droite de la droite et une partie de la majorité relative. « Une copie horrible », a-t-on entendu dans les travées. Le mot est lâché. Et il résume assez bien l’état d’esprit.
Lecornu sous pression : la nervosité était palpable
Il faut dire que le Premier ministre n’a pas caché son stress. Ceux qui étaient dans l’hémicycle racontent qu’il se mordillait les ongles, jetait des regards inquiets vers les bancs centristes et républicains. À un moment, il a même échangé un long regard avec le président de l’Assemblée comme pour dire : « Si ça passe pas, on est morts. »
Et pourtant, ça a passé. Grâce à qui ? Grâce à une coalition improbable : une partie des centristes, quelques républicains modérés, et même des voix surprises venues de la gauche modérée qui, finalement, ont préféré un texte imparfait à l’absence totale de budget. Car oui, l’argument massue a fonctionné : sans budget Sécu voté, c’est la catastrophe assurée pour les hôpitaux, les retraites, les allocations familiales.
Le vote solennel de mardi : rien n’est encore joué
Mais attention, on n’est pas sortis de l’auberge. Le vote de vendredi ne concernait que la partie recettes. Reste la partie dépenses, bien plus explosive, et surtout le vote solennel sur l’ensemble du texte prévu mardi. D’ici là, tout peut encore basculer.
Les oppositions fourbissent déjà leurs armes. À gauche, on promet de déposer des centaines d’amendements pour faire durer le plaisir (ou plutôt le supplice). À droite, certains menacent de retirer leur soutien si de nouvelles concessions sont faites. Quant aux écologistes, ils restent sur leur ligne : pas de vote favorable sans mesures fortes sur la santé environnementale.
Un déficit qui reste abyssal
Et pendant ce temps, le trou de la Sécu, lui, ne se bouche pas comme par magie. On parle toujours d’un déficit prévu autour de 15 milliards d’euros pour 2026, même avec les mesures d’économies prévues. Les hôpitaux crient famine, les médecins libéraux menacent de nouvelles grèves, et les Français regardent leur feuille d’impôts avec des yeux ronds.
Personnellement, ce qui me frappe le plus dans cette séquence, c’est le retour en force du compromis à la française. On croyait cette espèce en voie de disparition depuis la crise des gilets jaunes et les premières années Macron. Eh bien non. Elle est toujours là, tapie dans l’ombre, prête à resurgir quand la survie politique est en jeu.
Ce que ça dit de la politique française en 2025
Cette adoption bancale, c’est un peu le miroir de la France politique d’aujourd’hui : plus personne ne gagne vraiment, mais tout le monde sauve les meubles. Le gouvernement évite la crise institutionnelle majeure, l’opposition peut crier à la victoire sur quelques points symboliques, et les Français, eux, auront leur budget… même s’il ne règle presque rien sur le fond.
Est-ce que c’est ça, la nouvelle normalité ? Des textes adoptés à l’arrachée, avec des majorités de circonstance qui changent à chaque article ? Possible. Et franchement, c’est à la fois déprimant et fascinant à observer.
Et maintenant ? Les scénarios possibles pour mardi
Petit exercice de prospective entre nous :
- Scénario optimiste : le texte passe globalement tel quel, avec quelques ajustements cosmétiques. Lecornu sort renforcé pour quelques semaines.
- Scénario réaliste : adoption finale grâce à un ultime compromis de dernière minute, probablement sur les dépenses hospitalières.
- Scénario catastrophe : rejet du texte complet, crise politique majeure, et peut-être dissolution bis en ligne de mire pour 2026.
Je vous laisse deviner lequel a actuellement le plus de chances de se produire. Moi, j’ai ma petite idée… mais je garde ça pour mardi soir.
En attendant, une chose est sûre : cette séquence budgétaire aura montré que, même dans la tempête, la politique française garde une certaine forme de résilience. Bancale, épuisante, parfois décourageante, mais résilience quand même.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Ce budget Sécu 2026, victoire technique ou défaite stratégique pour le gouvernement ? Les commentaires sont ouverts, comme toujours.
Nota bene : cet article a été rédigé le 5 décembre 2025 au soir. Les événements peuvent évoluer rapidement d’ici le vote solennel de mardi. Nous mettrons à jour si nécessaire.
