Vous est-il déjà arrivé de regarder votre bulletin de paie et de vous demander où partent vraiment vos cotisations ? Ces derniers jours, des centaines de députés se posent exactement la même question, mais à l’échelle de 650 milliards d’euros. Le budget de la Sécurité sociale pour 2026 est de retour à l’Assemblée nationale et, croyez-moi, l’ambiance est électrique.
Après l’échec de la commission mixte paritaire, le texte repart presque à zéro. Et cette fois, le temps presse sérieusement : une seule journée en commission ce samedi, puis l’hémicycle dès mardi, pour un vote final prévu le 9 décembre. Autant dire que l’on entre dans le vif du sujet, et pas qu’un peu.
Un calendrier sous haute tension
Imaginons la scène : cinq cents amendements à examiner en une seule journée de commission. C’est un peu comme demander à un étudiant de réviser tout son semestre la veille de l’examen. Les rapporteurs vont devoir faire des choix rapides, parfois brutaux, pour préparer le terrain à la semaine décisive.
Le plus délicat ? Les députés repartiront du texte voté par le Sénat, qui a remis en cause plusieurs mesures phares du gouvernement. Parmi elles, la suspension de la réforme des retraites a purement et simplement disparu. Autant dire que la copie finale risque de ressembler à un patchwork négocié dans l’urgence.
« On va vraiment rentrer dans le dur »
Un député socialiste expérimenté
Le déficit : la grande inconnue qui fait trembler tout le monde
Commençons par le chiffre qui donne des sueurs froides à tout le monde : 24 milliards d’euros de déficit en sortie de première lecture à l’Assemblée. Le gouvernement, lui, vise toujours les 20 milliards maximum pour 2026. Quatre milliards d’écart, ça peut paraître peu quand on parle de centaines de milliards, mais en réalité c’est énorme.
Pour combler cet écart, toutes les pistes sont sur la table, même les plus douloureuses. J’ai rarement vu un sujet capable de mettre d’accord la gauche et une partie de la droite sur le principe… tout en les opposant violemment sur la méthode.
- Augmentation de la CSG sur les revenus du capital (proposition venue de la gauche sénatoriale)
- Soumission aux cotisations sociales des primes d’intéressement au-delà de 6 000 euros pour les salaires supérieurs à trois SMIC
- Report de la revalorisation des retraites et prestations sociales
- Doublement des franchises médicales et extension à de nouveaux dispositifs
Chacune de ces mesures fait bondir une partie de l’hémicycle. Et pourtant, il va bien falloir choisir.
Les retraites : le point le plus explosif
Si vous voulez voir un député s’énerver en moins de dix secondes, parlez-lui du gel des pensions de retraite. En première lecture, l’Assemblée avait tout dégelé. Le Sénat a tout remis en cause. Résultat : on repart sur un gel général, sauf peut-être pour les petites retraites si un compromis est trouvé ce week-end.
Entre nous, je comprends les retraités qui suivent ça de très près. L’inflation a beau ralentir, elle reste bien réelle au quotidien. Se retrouver avec une pension qui ne suit plus les prix, c’est dur à avaler. Mais de l’autre côté, les comptes sont dans le rouge et personne ne veut assumer une dégradation supplémentaire.
Franchises médicales : la mesure qui cristallise les colères
Autre sujet qui fait grincer des dents : le doublement des franchises médicales. Aujourd’hui, on laisse déjà 50 centimes sur chaque boîte de médicaments (dans la limite de 50 euros par an). Le gouvernement veut passer à 1 euro, et étendre le principe à d’autres actes.
Sur le papier, ça rapporte quelques centaines de millions. Dans la vraie vie, ça touche tout le monde, surtout ceux qui ont des traitements chroniques. Et psychologiquement, c’est terrible : on a l’impression de payer deux fois pour le même service.
« C’est une mesure injuste socialement et inefficace économiquement »
Un député de l’opposition
Un enjeu qui dépasse largement la Sécu
Ce qui rend cette séquence fascinante, c’est qu’elle dépasse très largement le seul budget de la Sécurité sociale. Plusieurs ministres le disent en privé : si le PLFSS passe, le budget de l’État a de grandes chances de suivre. Si ça bloque, c’est tout le programme économique du gouvernement qui risque de vaciller.
On assiste en direct à un jeu d’équilibriste politique. Chaque groupe parlementaire sait qu’il tient entre ses mains une partie du destin de la législature. Et personne ne veut être celui par qui le chaos arrive… mais personne ne veut non plus céder sur ses lignes rouges.
Les tractations du week-end : le vrai cœur du réacteur
Pendant que vous lirez ces lignes, des discussions auront lieu dans les salons de l’Assemblée, dans les ministères, parfois même dans des restaurants discrets du VIIe arrondissement. On parle chiffres, on échange des amendements, on teste des compromis.
Les points durs sont connus :
- Jusqu’où dégel des petites retraites ?
- Quelle hausse de recettes accepter (CSG, cotisations sur primes…)
- Franchises médicales : tout doubler ou trouver un entre-deux ?
- Maintien ou suppression de certains articles ajoutés par le Sénat
Chaque concession d’un côté appelle une contrepartie de l’autre. C’est un marché de dupes permanent où tout le monde essaye de sauver la face.
Et si aucun accord n’est trouvé ?
La question mérite d’être posée. Techniquement, le gouvernement dispose encore de l’article 49.3. Mais après l’avoir déjà utilisé plusieurs fois, l’exécuter sur le budget de la Sécu serait un signal politique très fort – et très risqué.
Beaucoup d’observateurs estiment que le gouvernement préférerait un vote, même arraché de justesse, plutôt qu’un énième 49.3. Question de crédibilité. Question de survie aussi, à moyen terme.
Ce qu’il faut retenir de cette semaine décisive
Pour résumer, voici les éléments qui me semblent essentiels :
- Le déficit reste le grand sujet : 20 ou 24 milliards, la différence est énorme
- Retraites et franchises médicales sont les deux mesures les plus clivantes
- Un accord sur la Sécu ouvrirait la voie au budget de l’État
- Les tractations du week-end seront déterminantes
- Le vote final est prévu le 9 décembre – dans dix jours exactement
Personnellement, je pense que nous allons assister à un compromis au forceps. Pas forcément élégant, pas forcément juste, mais probablement suffisant pour faire passer le texte. L’histoire politique récente nous a habitués à ce genre de scénario.
Mais une chose est sûre : cette semaine va marquer durablement le paysage politique français. Soit on entre dans une période de stabilisation relative, soit on ouvre grande la porte à une crise majeure. Il n’y a pas vraiment d’entre-deux possible.
Alors oui, c’est du budget, des chiffres, des amendements. Mais derrière chaque ligne, il y a votre consultation chez le médecin, votre future retraite, vos cotisations qui augmentent ou non. Bref, c’est tout sauf abstrait.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Le gouvernement va-t-il réussir son pari ou va-t-on vers une nouvelle crise ? Les paris sont ouverts.
