Imaginez la scène : on est jeudi matin, et tout à coup, deux des plus gros syndicats du pays apprennent qu’ils ne verront pas le Premier ministre comme prévu. Pas de poignée de main, pas de table ronde, rien. Sébastien Lecornu a tout annulé pour rester cloué à l’Assemblée nationale. Pourquoi ? Parce que le budget de la Sécurité sociale 2026 est en train de partir en vrille, et que tout peut basculer dans les prochaines heures.
Franchement, on sent la panique monter dans les couloirs du pouvoir. Ce nute-là, on joue gros.
Un jeudi qui sent la poudre à l’Assemblée
Ce qui devait être une simple journée de consultations sociales s’est transformé en session de crise permanente. Le cabinet du Premier ministre a prévenu en début de matinée : toutes les rencontres prévues avec les syndicats sont reportées. Même le déjeuner avec les parlementaires sur l’énergie passe à la trappe. La raison officielle ? « Consacrer entièrement sa journée aux débats parlementaires ». Traduction : le texte du PLFSS (le projet de loi de financement de la Sécurité sociale) est en train de se faire démonter en nouvelle lecture, et on n’est pas loin du point de non-retour.
« En l’état des discussions, le Premier ministre souhaite se focaliser sur l’hémicycle »
Son entourage, jeudi matin
Autrement dit, on est en mode survie. Et quand Matignon passe en mode survie, c’est que ça chauffe vraiment.
Pourquoi c’est si tendu, exactement ?
Reprenons depuis le début. Le gouvernement avait pourtant tenté un coup politique plutôt malin fin novembre : recevoir tout le monde – partis politiques, patronat, syndicats – pour discuter de cinq priorités absolues (déficit, réforme de l’État, énergie, agriculture, sécurité). L’idée ? Trouver un compromis largué et faire voter un budget avant Noël.
Sauf que là, on est le 4 décembre, et le compromis ressemble plus à un puzzle dont la moitié des pièces a disparu.
- Le PS a été reçu (et a obtenu des concessions).
- Les Écologistes aussi.
- Le RN et le PCF ont eu leur créneau.
- Le Medef est passé.
- Mais la CGT et la CFDT ? Repoussées à plus tard.
- Force ouvrière ? Déjà reportée la veille.
On voit clairement où sont les priorités du moment : sauver le texte à l’Assemblée, pas causer avec ceux qui risquent de dire non de toute façon.
Le piège de la nouvelle lecture
Depuis mardi, les députés réécrivent le budget de la Sécu en hémicycle. Et là, surprise : le Sénat (majorité de droite) a tout bonnement rayé les concessions faites au PS pour obtenir un vote favorable à l’Assemblée en première lecture. Parmi les mesures supprimées :
- La suspension (même temporaire) de la réforme des retraites.
- La hausse de la CSG sur les revenus du capital.
- Plusieurs mesures de rendement censées ramener des milliards dans les caisses.
Résultat ? Le texte qui revient devant les députés est bien plus dur que celui qu’ils avaient voté il y a quelques semaines. Et là, c’est la douche froide pour les socialistes qui se retrouvent avec une version qu’ils détestent profondément.
Conséquence directe : le vote sur la partie « recettes » (la plus explosive) pourrait intervenir dès ce jeudi ou vendredi matin au plus tard. Si cette partie est rejetée, c’est tout le budget Sécu qui tombe à l’eau. Et on se retrouve sans budget pour 2026. Historique.
Lecornu joue sa crédibilité (et peut-être plus)
Personne ne le dit ouvertement, mais on sent bien que le Premier ministre marche sur une corde raide. Il y a dix jours, il jurait qu’il ne voulait plus du « vieux monde » des 49.3 à répétition. Il promettait une « nouvelle méthode ». Sauf que là, on est à deux doigts de devoir dégoupiller l’arme nucléaire constitutionnelle pour sauver les meubles.
« Nous n’utiliserons pas le 49.3 »
La porte-parole du gouvernement, il y a quelques jours
On verra si cette promesse tient jusqu’à mardi (date prévue du vote final sur le texte). Parce que franchement, j’ai du mal à voir comment on s’en sort sans.
Et les syndicats dans tout ça ?
Ils sont furieux, évidemment. Se faire poser un lapin par Matignon le jour où on devait parler retraites, pouvoir d’achat et conditions de travail, ça passe mal. Surtout quand on sait que le patronat, lui, a déjà eu son tête-à-tête il y a quelques jours.
Pour eux, c’est la preuve que le « dialogue social » promis n’était qu’une façade. Et ils n’ont pas tort de le penser. Quand on annule la CGT et la CFDT pour aller négocier en catastrophe avec des députés socialistes récalcitrants, le message est clair : on privilégie le compromis parlementaire au détriment du compromis social.
Après, soyons honnêtes : est-ce que leur présence aurait vraiment changé grand-chose ? Probablement pas. Mais symboliquement, c’est violent.
Le scénario catastrophe devient probable
Imaginons un instant que la partie recettes soit rejetée demain. Que se passe-t-il ?
- Le texte entier est rejeté à l’Assemblée.
- Retour à la case départ ou pire.
- Impossibilité d’adopter un budget Sécu avant le 31 décembre.
- Reconduction des recettes et dépenses 2025 (avec tous les problèmes que ça pose).
- Crise politique majeure à quelques mois des municipales.
Et là, même le 49.3 ne sauverait plus grand-chose, car il faut un texte voté dans les deux chambres pour éviter ce scénario. Or le Sénat, lui, avance tranquillement sur le budget de l’État et s’apprête à voter une version ultra-réduite en dépenses.
Une fin d’année sous haute tension
On a connu des fins d’année plus sereines. Entre un budget de l’État qui promet d’être caviardé au Sénat, un budget Sécu qui tangue dangereusement, et des syndicats mis sur le côté, on sent que le gouvernement joue son va-tout.
Et le pire, c’est que même si Lecornu arrive à sauver son texte in extremis, il aura brûlé une bonne partie de son capital politique. Parce que gouverner sans dialogue social et avec un Parlement fragmenté, ça use. Très vite.
On va suivre ça de très près dans les prochaines heures. Parce que franchement, on n’a jamais été aussi proche d’un accident budgétaire majeur depuis bien longtemps. Et vous, vous pensez qu’il va s’en sortir comment ?
Article mis à jour en temps réel selon l’évolution des débats à l’Assemblée nationale.
