Vous savez ce petit frisson quand vous sentez que ça sent le roussi ? C’est exactement ce que j’ai ressenti en découvrant cette info, hier soir, en scrollant les dépêches tardives. Le Premier ministre vient d’envoyer une lettre – une vraie, en papier – au directeur général de la Sécurité sociale pour lui demander, noir sur blanc, d’évaluer toutes les conséquences si le budget de la Sécu pour 2026 n’était pas voté à temps. Autrement dit : on passe en mode plan B avant même d’avoir essayé le plan A jusqu’au bout.
Franchement, ça m’a scotché. Parce que, il y a encore quinze jours encore, on nous jurait que le texte serait adopté avant Noël, coûte que coûte. Et là, paf, on prépare déjà le scénario catastrophe. C’est un peu comme si votre patron vous demandait de préparer votre lettre de démission… alors que vous êtes en pleine négo d’augmentation.
Un aveu d’impuissance qui ne dit pas son nom
Officiellement, c’est une « simple précaution ». En coulisses, tout le monde comprend que c’est un signal fort : Matignon n’est plus du tout certain de pouvoir faire passer le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2026 dans les temps. Et quand on parle « dans les temps », on parle avant le 31 décembre 2025, sinon c’est la douche froide.
Pourquoi c’est si grave ? Parce que sans PLFSS voté, la Sécu se retrouve sur le régime du 1/12e : elle ne peut dépenser chaque mois que ce qu’elle a dépensé le même mois de l’année précédente. Dans un pays où les dépenses de santé augmentent de 4 à 5 % par an, vous imaginez le trou d’air que ça crée en quelques semaines à peine.
« Il faut anticiper tous les scénarios, même les plus défavorables »
Le mot circule dans les couloirs de Matignon depuis mardi
Qu’est-ce qui coince exactement à l’Assemblée ?
Pour faire simple : personne n’est d’accord sur rien. La majorité relative tente de tenir la barre, mais elle doit négocier avec tout le monde – les Républicains qui veulent tailler dans les dépenses, la gauche qui refuse toute mesure d’âge ou de durée de cotisation, et l’extrême droite qui joue sa partition habituelle.
Le gouvernement a déjà repoussé plusieurs mesures explosives (report de l’âge de départ, déremboursements, etc.) pour essayer de calmer le jeu. Résultat ? Le texte est devenu un patchwork qui ne satisfait personne. Et plus on attend, plus les amendements pleuvent. On en est à plusieurs milliers.
- Les Républicains exigent 15 milliards d’économies supplémentaires
- La Nupes veut supprimer la réforme des retraites de 2023
- Le RN pose des conditions sur l’immigration et l’aide médicale d’État
- Les centristes menacent de lâcher si on touche trop aux hôpitaux
Bref, on est dans une partie de poker menteur géante, et tout le monde a intérêt à faire durer jusqu’à ce que l’autre craque.
Concrètement, que se passe-t-il si le budget n’est pas voté ?
C’est là que ça devient intéressant – et flippant. J’ai creusé un peu, et voilà les principaux risques qui planent si on bascule en régime de crise :
- Les hôpitaux en tension maximale
Les établissements publics ne pourraient plus financer les hausses de salaires prévues (Ségur, revalorisations) ni les embauches. On parle de plusieurs milliers de postes gelés dès janvier. - Retraites et allocations gelées au niveau 2025
Pas de revalorisation au 1er janvier. Avec une inflation qui repart, c’est une perte de pouvoir d’achat immédiate pour des millions de retraités. - Remboursements de soins : le grand flou
Techniquement, les nouveaux dispositifs (100 % santé renforcé, prise en charge psychologue, etc.) pourraient être suspendus ou limités. - Pharmacies et labos en panique
Les officines avancent déjà des milliards chaque année. Un retard de paiement, même de quelques semaines, peut faire tomber des centaines d’entre elles. - Les arrêts maladie et indemnités journalières
Le gouvernement pourrait être tenté de serrer la vis en urgence par décret, ce qui déclencherait une grève massive.
Et je ne vous parle même pas des cotisations sociales des entreprises qui, elles, continueraient à être prélevées plein pot. Sympa l’asymétrie.
Le 49.3, solution ou bombe à retardement ?
Beaucoup pensent que le gouvernement finira par dégainer l’article 49 alinéa 3. Techniquement, c’est possible sur le PLFSS. Politiquement, c’est du nitroglycérine.
Déjà parce que ça ferait la troisième ou quatrième fois en six mois – on commencerait à battre des records. Ensuite, ça déclencherait presque certainement une motion de censure. Et là, tout dépend si une partie de la droite classique accepte de sauver le gouvernement ou pas. Vu l’ambiance actuelle, rien n’est moins sûr.
« Utiliser le 49.3 sur la Sécu, c’est dire aux Français qu’on est incapable de discuter de ce qui touche leur vie quotidienne. C’est un aveu de faiblesse terrible. »
Un député de la majorité, sous couvert d’anonymat
Et les partenaires sociaux dans tout ça ?
Ils étaient censés être reçus ce jeudi à Matignon. Finalement, rendez-vous annulé. Officiellement, le Premier ministre voulait « se consacrer aux débats parlementaires ». En réalité, il n’avait plus rien de concret à leur proposer.
Du coup, la CGT et la CFDT sont furax. Elles parlent déjà de mobilisation début 2026 si le texte passe en force. Et quand les syndicats de la santé se mettent en colère, ça bloque tout : urgences, blocs opératoires, Ehpad… On l’a vu en 2019-2020, ça peut durer des mois.
Ce que ça dit de l’état du pays, au fond
Entre nous, cette lettre au sujet du budget de la Sécu, c’est le révélateur d’un malaise beaucoup plus profond. On a une majorité qui ne peut plus gouverner normalement, une opposition qui bloque par principe, et un exécutif qui alterne entre l’enfumage et la brutalité.
Le plus dingue ? Personne ne semble prêt à céder un pouce de terrain, alors que tout le monde sait que le déficit va exploser en 2026 (on parle de plus de 15 milliards pour la seule Sécu). C’est comme regarder un accident de voiture au ralenti.
L’aspect le plus inquiétant, à mon sens, c’est que même les scénarios « raisonnables » deviennent inaudibles. Baisser certains remboursements ? Tabou. Augmenter les cotisations ? Impensable. Reporter l’âge de la retraite d’un an ? Guerre civile. Du coup, on continue à empiler la dette en espérant que demain sera plus clément.
Et nous, dans tout ça ?
Vous, moi, nos parents, nos enfants. On va payer l’addition, comme toujours. Soit par des impôts en plus dans deux ou trois ans, soit par une dégradation des services (délais de rendez-vous qui explosent, urgences saturées, médicaments plus chers).
Le pire, c’est qu’on le sait tous. Mais on continue à élire des gens qui nous promettent la lune en refusent de regarder la facture. Et quand arrive le moment de choisir, on bloque tout plutôt que de trancher.
Alors oui, cette lettre de Matignon au directeur de la Sécu, c’est un petit événement administratif. Mais c’est aussi le symbole d’un système qui craque de partout. Et quelque part, ça fait peur. Parce que quand la Sécu tousse, c’est toute la société qui s’enrhume.
Je ne sais pas vous, mais moi, je vais suivre les prochains jours avec une attention particulière. Parce que, pour une fois, ce qui se joue à l’Assemblée nous concerne vraiment, directement, dans notre quotidien. Et quelque part, j’espère me tromper. Mais j’ai bien peur que non.
