Vous est-il déjà arrivé de retenir votre souffle pendant un vote parlementaire ? Moi, oui. Hier encore, tout le monde ou presque enterrait le budget de la Sécurité sociale pour 2026. Et puis, ce vendredi midi, patatras : la partie recettes passe. À 26 voix près seulement. Autant dire un cheveu dans la soupe d’un exécutif qui navigue à vue depuis des mois.
On parle quand même du texte qui fixe les ressources de notre système de protection sociale pour l’année prochaine. Sans lui, c’était la panique assurée : plus de pilotage cohérent, des caisses qui fonctionnent en mode dégradé, et surtout un signal catastrophique envoyé aux marchés. Bref, on a frôlé la crise institutionnelle.
Un vote qui a fait trembler l’hémicycle
Imaginez la scène. Quatre jours de débats interminables, des amendements qui pleuvent, des groupes qui menacent de tout faire capoter à la dernière minute. Les écologistes annoncent leur « contre » à grand bruit, une partie des alliés de la majorité fait la gueule… Et pourtant, ça passe.
Le résultat ? Un déficit prévu qui redescend à 15,9 milliards d’euros en 2026. C’est toujours énorme, entendons-nous, mais c’est déjà 7 milliards de mieux que l’année précédente. Pour un gouvernement minoritaire, c’est presque un exploit.
Le compromis surprise sur la CSG du capital
Le gros point de blocage, c’était cette fameuse hausse de la Contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine. À l’origine, la gauche voulait +1,4 point pour remplir les caisses. La droite hurlait au matraquage des classes moyennes supérieures et de l’épargne populaire.
Et là, dans la nuit de jeudi à vendredi, miracle de la négociation à la française : l’exécutif sort un amendement « entre-deux » que personne n’avait vu venir. On garde la hausse de 1,4 point, mais on exonère ou on abaisse fortement le taux pour les petits livrets, les PEA modestes, les contrats d’assurance-vie peu garnis. Résultat ? Même une partie des députés de droite vote pour. Incroyable.
« On protège les petits épargnants tout en assurant le financement de la Sécu. »
Une ministre, visiblement soulagée, au sortir de l’hémicycle
En clair, on taxe plus les gros patrimoines financiers sans trop pénaliser la grand-mère qui a 30 000 euros sur son Livret A. C’est malin, même si ça reste une hausse d’impôt déguisée.
Les franchises médicales : le recul qui fait mal… mais qui sauve
L’autre bombe à désamorcer, c’était le doublement des franchises médicales (vous savez, ces 50 centimes ou 1 euro que vous laissez à chaque boîte de médicaments ou consultation. L’idée était de faire 800 millions d’économies en responsabilisant les patients. Sauf que tout le monde a crié au scandale.
Ce matin même, sur un plateau télé, la porte-parole du gouvernement a fini par lâcher l’affaire : « Nous ne passerons pas en force. » Traduction : on retire la mesure ou on la reporte sine die. Coût politique immédiat : calmer une partie de l’opposition et une frange de la majorité. Coût budgétaire : il va falloir trouver ces 800 millions ailleurs. Bonne chance.
Et maintenant ? Le vrai test, c’est le 9 décembre
Parce qu’il ne faut pas se leurrer : adopter les recettes, c’est bien. Mais le plus explosif reste à venir. La partie « dépenses » sera examinée ce week-end, et là, tout peut encore basculer.
- Retour possible de la question des retraites (suspension de la réforme précédente ?)
- Nouvelles économies à trouver pour compenser l’abandon des franchises
- Risque de cavalier législatif ou d’amendements surprise
- Et toujours cette majorité relative qui oblige à négocier à chaque ligne
Le vote sur l’ensemble du texte est prévu le 9 décembre. D’ici là, les tractations vont aller bon train dans les couloirs de l’Assemblée. On parle déjà de nouveaux gestes envers les retraités modestes, d’une taxation exceptionnelle sur certains secteurs très rentables, ou encore d’un énième report de dépenses d’investissement.
Ce qui est sûr, c’est que le gouvernement joue son va-tout. Un rejet du PLFSS entier serait vécu comme un désaveu majeur, à dix-huit mois d’une présidentielle qui s’annonce déjà tendue.
Pourquoi ce vote était-il si important (au-delà des chiffres)
Beaucoup d’observateurs réduisent l’affaire à une question technique. Erreur. Ce qui s’est joué ces derniers jours, c’est la capacité – ou non – d’un exécutif minoritaire à gouverner dans une Assemblée fragmentée.
Et là, force est de constater que la méthode « compromis au cas par cas » a encore de beaux jours devant elle. On cède un peu à gauche, un peu à droite, on lâche une mesure clivante, on en sauve une autre grâce à un amendement sorti du chapeau. C’est épuisant, mais ça marche. Pour l’instant.
« On est en train d’apprendre à travailler ensemble. Espérons que ça dure. »
Un député de l’opposition modérée, sourire en coin
Personnellement, je trouve ça à la fois fascinant et inquiétant. Fascinant parce qu’on assiste à une forme de parlementarisme retrouvé, où plus rien n’est acquis d’avance. Inquiétant parce que cette instabilité permanente rend la planification à long terme quasi impossible. Comment réformer en profondeur la Sécu quand chaque mesure doit être renégociée trois fois ?
Ce que ça dit de notre système de protection sociale
Derrière les tractations politiciennes, il y a une réalité brutale : notre Sécurité sociale est structurellement déficitaire depuis vingt ans. On bricole, on gagne quelques milliards par-ci par-là, mais le « trou » reste abyssal.
Le compromis d’hier soir ne change rien à l’équation de fond : il faudra bien, un jour, soit augmenter massivement les prélèvements, soit réduire les prestations, soit les deux à la fois. Reporter l’échéance, c’est confortable électoralement, mais ça repousse le mur un peu plus loin.
Et pendant ce temps, les Français continuent de payer parmi les prélèvements obligatoires les plus élevés d’Europe pour un système qui, soyons honnêtes, fonctionne encore plutôt bien… mais qui craque de partout : déserts médicaux, urgences saturées, retraites sous tension.
Le vote d’hier n’est donc qu’une bataille dans une guerre qui dure depuis des décennies. Une bataille gagnée de justesse, mais la guerre est loin d’être terminée.
En résumé : ce qu’il faut retenir
- La partie recettes du PLFSS 2026 a été adoptée ce 5 décembre à une très courte majorité
- Compromis majeur sur la hausse de CSG capital avec protection des petits épargnants
- Abandon (temporaire ?) du doublement des franchises médicales
- Déficit prévu ramené à 15,9 milliards d’euros en 2026
- Le vote sur l’ensemble du texte aura lieu le 9 décembre : rien n’est joué
Alors, soulagement temporaire ou vrai tournant ? Je penche pour la première option. Mais dans cette Assemblée-là, plus rien ne m’étonne. Rendez-vous dans quatre jours pour savoir si le gouvernement aura réussi l’impossible : faire adopter son budget social dans une situation de minorité. Le suspense reste entier.
Et vous, pensez-vous qu’ils vont y arriver jusqu’au bout ?
