Imaginez-vous pousser la porte d’un immeuble qui sentait encore le café de réunion et les imprimantes il y a quelques années à peine. Et là, bam : des jeunes qui rigolent dans un couloir, une odeur de pop-corn qui vient d’une salle obscure improvisée, des baskets qui claquent sur ce qui était autrefois un sol en moquette grise de bureau. C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui à Nanterre, dans un bâtiment que plus personne n’aurait misé un euro il y a encore peu de temps.
Franchement, quand on pense crise du logement étudiant, on imagine plutôt des files d’attente interminables devant le Crous ou des studios de 9 m² à 900 euros. Et pourtant, à quelques kilomètres de La Défense, un projet complètement fou vient de voir le jour et change la donne.
Quand 22 000 m² de bureaux vides deviennent le paradis des étudiants
Le bâtiment ? Un ancien mastodonte de 22 000 mètres carrés, déserté depuis plus de huit ans. Huit ans, c’est énorme. Le temps que plusieurs promotions d’étudiants galèrent ailleurs, que des familles entières se serrent dans des appartements trop petits, que les loyers flambent partout en Île-de-France.
Pendant ce temps-là, ce géant de verre et de béton dormait. Fenêtres condamnées, parkings vides, open-spaces qui prenaient la poussière. Et puis un jour, quelqu’un a eu l’idée : et si on transformait tout ça en logements ? Pas n’importe quels logements. Une vraie cité dédiée aux étudiants et jeunes chercheurs.
Le résultat ? 640 logements tout équipés, du studio au T2 partagé, qui ont ouvert leurs portes ces derniers mois. Et attention, on ne parle pas de dortoirs sinistres. Non. On parle de quelque chose qui fait presque pâlir les résidences neuves classiques.
Des équipements qui font rêver n’importe quel étudiant
Entrons dans le vif du sujet. Qu’est-ce qu’on trouve vraiment dedans ?
- Des studios meublés à partir de 760 euros (oui, vous avez bien lu, à Nanterre !)
- Des espaces de coworking ouverts 24/7 avec imprimantes, cabines téléphoniques insonorisées
- Une salle de sport complète (vélo elliptique, rameur, poids… le grand jeu)
- Une salle de jeux avec baby-foot, billard et consoles dernière génération
- Un vrai cinéma de 50 places avec projecteur 4K et fauteuils confortables
- Des terrasses partagées, des potagers urbains, des barbecues
- Laverie, local vélos, conciergerie… tout y est
Je vous vois venir : « Encore un projet hors de prix pour bobos ». Eh non. Le loyer de base à 760 euros reste très en dessous des prix du marché privé dans le secteur. Et pour les boursiers, des dispositifs permettent d’aller encore plus bas. C’est peut-être ça le plus fou : rendre accessible ce qui ressemble à une résidence de luxe.
« Je pensais que c’était du neuf ! »
« Sérieusement ? Des bureaux ici avant ? J’y crois pas. Moi je pensais que tout avait été construit pour les étudiants. C’est trop bien fait. »
Styves, 22 ans, nouvel arrivant
Cette réaction, elle revient tout le temps. La plupart des résidents ignorent totalement le passé du bâtiment. Et c’est plutôt un compliment. Les architectes ont réussi l’impossible : effacer huit ans de vide et de grisaille pour créer des lieux qui respirent la vie.
Les anciens plateaux open-space ? Transformés en appartements lumineux avec cuisines équipées. Les immenses halls d’accueil ? Devenus des espaces de vie communs ultra chaleureux. Même les parkings souterrains ont été réaménagés en locaux techniques et rangements.
105 millions d’euros plus tard… était-ce vraiment rentable ?
Forcément, on arrive à la question qui fâche : combien ça coûte de transformer des bureaux en logements ? La réponse : 105 millions d’euros. Une somme colossale, oui. Mais quand on regarde de plus près, c’est presque une aubaine.
Construire du neuf sur le même terrain aurait coûté bien plus cher (foncier, démolition, reconstruction…). Là, la structure existante était saine, les fondations solides, les réseaux déjà en place. Il a « suffi » de tout repenser de l’intérieur.
Et surtout, ce genre de projet répond à une urgence absolue. En Île-de-France, on manque cruellement de logements étudiants. Les listes d’attente explosent, les prix s’envolent, les jeunes dorment parfois dans leur voiture. Voir 640 places sortir de terre d’un coup, c’est énorme.
Un modèle qui pourrait se multiplier partout en France ?
Maintenant, la grande question : est-ce reproductible ? La réponse est clairement oui. Partout en France, des milliers de mètres carrés de bureaux se vident. Télétravail oblige, les entreprises réduisent la voilure, déménagent ou ferment purement et simplement leurs sites secondaires.
À La Défense, à Lyon Part-Dieu, à Lille Euralille… les exemples de friches tertiaires ne manquent pas. Et si demain, on transformait tout ça en logements accessibles ? Étudiants, jeunes actifs, familles modestes… les besoins sont immenses.
D’ailleurs, ce projet à Nanterre n’est pas isolé. D’autres opérations du même genre sont déjà en cours ou à l’étude un peu partout. On parle de plusieurs dizaines de milliers de logements qui pourraient voir le jour dans les cinq prochaines années rien qu’en recyclant des bureaux obsolètes.
Les défis techniques (parce que oui, il y en a eu)
Transformer des bureaux en logements, ce n’est pas juste changer les meubles. Il y a des normes à respecter, et elles sont drastiques.
- Isolation phonique renforcée (parce que les cloisons de bureau, c’est léger)
- Arrivée d’eau et évacuations dans chaque logement (pas prévu à l’origine)
- Ventilation double-flux partout
- Mise aux normes incendie complète
- Création de balcons et loggias là où il n’y en avait pas
Résultat ? Des travaux titanesques qui ont duré plusieurs années. Mais le jeu en valait la chandelle. Aujourd’hui, les appartements sont aux normes BBC rénovation, lumineux, bien isolés. Mieux que beaucoup de constructions neuves, même.
Et les étudiants, ils en pensent quoi au quotidien ?
Parce que bon, sur le papier c’est beau. Mais dans la vraie vie ? J’ai discuté avec plusieurs résidents. Le retour est unanime : ils kiffent.
Le cinéma ? Utilisé plusieurs fois par semaine. La salle de sport ? Pleine dès 7h du matin et tard le soir. Le coworking ? Sauvateur pendant les partiels. Et surtout, cette impression d’appartenir à une vraie communauté.
« Ici, on se croise tout le temps, on s’entraide, on organise des soirées. C’est pas juste un logement, c’est une vie. »
Une étudiante en master
Même les plus sceptiques au départ ont changé d’avis. L’emplacement est idéal : RER A à dix minutes à pied, tramway, proximité de l’université Paris-Nanterre. Et surtout, un cadre qui change des résidences classiques souvent vieillottes.
Ce que ça dit de notre société (et c’est plutôt positif)
Au-delà du projet immobilier, il y a quelque chose de profondément encourageant. On recycle. On optimise. On répond à des besoins criants avec de l’existant plutôt que de bétonner encore et encore la périphérie.
C’est une forme d’intelligence collective. Prendre un bâtiment qui ne servait plus à rien et lui redonner un sens, un cœur qui bat. Transformer un symbole de crise (la vacance tertiaire) en solution concrète à une autre crise (le mal-logement des jeunes).
Et mine de rien, ça redonne espoir. Quand on voit que c’est possible, on se dit que d’autres projets du même genre pourraient fleurir. Que les milliers d’étudiants qui galèrent chaque année pourraient, un jour, trouver des solutions dignes de ce nom.
Alors oui, 760 euros le studio, ce n’est pas donné pour tout le monde. Mais dans le contexte francilien actuel, c’est presque un miracle. Et surtout, ça montre la voie. Une voie créative, maligne, qui recycle plutôt que de détruire.
Si vous passez par Nanterre un de ces jours, levez les yeux vers cet immeuble qui brille de mille feux le soir. Derrière ces fenêtres, il y a 640 histoires d’étudiants qui ont trouvé un toit correct, un endroit où vivre vraiment. Et quelque part, c’est une petite victoire collective dont on peut être fiers.
La prochaine fois qu’on vous dira qu’il n’y a plus de solutions à la crise du logement… pensez à cet ancien siège social qui pulse aujourd’hui au rythme des jeunes. La preuve que, parfois, les meilleures idées naissent dans ce qu’on croyait condamné.
