Vous est-il déjà arrivé de marcher dans les Buttes-Chaumont un soir d’été, quand la lumière rasante fait briller les rochers et que l’on oublie presque qu’on est à Paris ? Moi oui, souvent. Et à chaque fois, je me dis que ce parc est un miracle. Un miracle un peu fatigué, il faut bien l’avouer. Les escaliers qui s’effritent, les barrières rouillées, les zones sombres où l’on n’ose plus trop s’aventurer après 20 heures… On sent que l’âge commence à peser sur ce géant vert du XIXe arrondissement.
Alors quand la mairie a annoncé un chantier à 100 millions d’euros pour redonner vie à la partie centrale du parc, l’excitation était palpable. Mais deux mois après la grande présentation du projet, une question trotte dans toutes les têtes : qu’en pensent vraiment ceux qui foulent ces pelouses tous les jours ?
Un « chantier du siècle » qui ne laisse personne indifférent
Fin novembre, la salle des mariages de la mairie du XIXe était pleine à craquer. Une centaine de personnes – habitués du matin, promeneurs du dimanche, parents avec poussettes, joggeurs en tenue – tous venus écouter ce que la Ville avait retenu de leurs remarques. Parce que oui, entre la première présentation et cette réunion de restitution, les Parisiens ont eu le temps de réfléchir, de râler un peu, de rêver beaucoup.
Et franchement, c’était touchant. On sentait une vraie appropriation du lieu. Ce n’est pas juste « un parc ». C’est leur parc.
La sécurité, la grande priorité qui revient sans cesse
Si vous demandez à n’importe quel habitué ce qui le préoccupe le plus, la réponse fuse : la sécurité. Pas forcément la grande criminalité, non. Plutôt cette impression diffuse que certaines zones deviennent des trous noirs dès la nuit tombée.
« On adore venir pique-niquer en haut, mais dès qu’il fait sombre, on redescend vite. C’est dommage. »
– Une mère de famille du quartier, présente à la réunion
L’éclairage, donc, arrive en tête des demandes. Pas n’importe lequel : un éclairage doux, qui ne transforme pas le parc en stade de foot, mais qui rassure. Des lampadaires plus nombreux sur les chemins secondaires, des spots discrets le long des escaliers escarpés. Et surtout, une réflexion sur les horaires d’ouverture. Fermer à 22 h en été ? Pourquoi pas prolonger un peu, quand la météo le permet ?
Préserver l’âme sauvage des Buttes-Chaumont
Attention, terrain miné. Car si tout le monde veut plus de sécurité, personne ne veut d’un parc aseptisé. L’esprit Buttes-Chaumont, c’est ce côté un peu fou, un peu romantique anglais, avec ses falaises, ses grottes, son temple de la Sibylle perché comme dans un conte.
Les habitants l’ont dit clairement : pas touche au relief, pas touche à la végétation dense. Certains ont même plaidé pour laisser quelques zones en friche, histoire de garder cette sensation d’évasion totale. J’ai trouvé ça beau, cette envie de garder un peu de sauvagerie en pleine ville.
- Renforcer la biodiversité plutôt que de tout lisser
- Préserver les points de vue exceptionnels
- Éviter la « disneylandisation » du parc
- Conserver les arbres centenaires coûte que coûte
Accessibilité : enfin penser à tous
Autre sujet qui a fait consensus : l’accessibilité. Aujourd’hui, monter jusqu’au temple avec une poussette ou en fauteuil, c’est mission impossible. Les escaliers sont raides, les chemins parfois dangereux.
Les propositions fusent : un ascenseur discret (oui, on a osé le dire), des rampes mieux intégrées, des cheminements plus doux. Et tant qu’à faire, pourquoi pas un petit train électrique comme dans certains parcs londoniens ? L’idée a fait sourire, mais elle n’est pas si bête.
On a aussi beaucoup parlé des personnes âgées du quartier, qui adorent le parc mais n’osent plus y aller seules. Un banc tous les 50 mètres, des toilettes propres et accessibles, des points d’eau… Des détails qui changent la vie.
Et les travaux, ça va durer combien de temps ?
La grande angoisse, évidemment. Cent millions, ça ne se dépense pas en claquant des doigts. Le chantier doit débuter fin 2027 et s’étaler sur plusieurs années. Comment limiter la casse ?
La Ville promet une phasage intelligent : travailler zone par zone pour que le parc reste toujours ouvert, au moins en partie. Mais soyons honnêtes, on sait tous que ça va être compliqué. Poussière, bruit, chemins barrés… Il va falloir être patients.
« On préfère attendre un peu plus longtemps mais que ce soit bien fait, plutôt que de bâcler. »
– Un riverain sexagénaire, applaudi par la salle
Un parc pour demain : quelles nouveautés ?
Au-delà de la rénovation pure, les habitants rêvent aussi de petites améliorations qui feraient toute la différence :
- Plus de tables de pique-nique ombragées
- Des aires de jeux modernes et inclusives
- Un café-guinguette ouvert toute l’année près du lac
- Des panneaux explicatifs sur l’histoire et la faune du parc
- Des cours de yoga ou tai-chi organisés
Rien de révolutionnaire, mais tellement de bon sens. Et surtout, l’envie que le parc redevienne un vrai lieu de vie pour toutes les générations.
Ce qui m’a marqué, c’est cette maturité collective. Pas de revendications extravagantes, pas de guerre de chapelle. Juste des gens qui aiment leur parc et qui veulent le meilleur pour lui. Dans une ville où l’on s’engueule souvent pour pas grand-chose, c’était presque reposant.
Fin 2027, les pelleteuses arriveront. D’ici là, d’autres réunions auront lieu, d’autres ajustements seront faits. Mais une chose est sûre : les Buttes-Chaumont ne seront plus jamais tout à fait les mêmes. Et quelque part, c’est plutôt une bonne nouvelle.
Parce qu’un parc, c’est vivant. Il grandit, il vieillit, il se transforme. Et si on arrive à lui redonner une seconde jeunesse tout en gardant son âme, alors oui, ces 100 millions vaudront chaque centime.
En attendant, continuons d’y aller. De profiter des derniers rayons de soleil sur l’île du Belvédère, de regarder les canards sur le lac, de grimper jusqu’au temple pour admirer Paris qui s’étend à nos pieds. Parce que même fatigué, même abîmé par endroits, ce parc reste l’un des plus beaux cadeaux que Paris nous ait faits.
Et bientôt, il sera encore plus beau.
