Vous êtes-vous déjà retrouvé coincé dans les bouchons de la nationale 406 un mardi matin, à regarder le ciel en vous disant qu’on devrait pouvoir passer par-dessus tout ça ? Moi oui, souvent. Et demain, samedi 13 décembre 2025, ce rêve un peu fou devient réalité pour des milliers d’habitants du Val-de-Marne.
Parce qu’un téléphérique urbain va bel et bien s’élancer dans le ciel francilien. Pas dans les Alpes, pas à Brest ou à Grenoble… non, en Île-de-France, là où personne n’aurait parié un euro il y a encore dix ans. Et pourtant, c’est bien là, entre Créteil et Villeneuve-Saint-Georges, que bat désormais le cœur d’une petite révolution douce.
Câble 1 : quand le ciel devient une ligne de transport public
Imaginez. Vous montez à la station Pointe-du-Lac, celle que vous prenez déjà pour la ligne 8. Vous validez votre passe Navigo comme d’habitude – oui, le même, pas de tarif spécial – et hop, vous grimpez dans une cabine toute neuve, climatisée, lumineuse, qui s’élève doucement au-dessus des parkings et des routes saturées.
Dix-huit minutes plus tard, vous êtes à Villeneuve-Saint-Georges, tout en haut de la côte que tout le monde redoute à vélo ou en bus. Entre-temps, vous avez survolé Limeil-Brévannes, Valenton, vu défiler les pavillons, les zones industrielles, les petits jardins ouvriers… Le tout sans un seul feu rouge, sans un klaxon. Juste le léger ronronnement du câble et une vue que même les drones envieraient.
4,5 kilomètres qui changent la vie de tout un territoire
4,5 kilomètres, ça ne paraît pas énorme sur une carte. Pourtant, dans le quotidien des habitants, c’est gigantesque. Prenez quelqu’un qui habite le quartier des Mordacs à Valenton et qui travaille à Créteil. Avant ? Quarante-cinq minutes minimum en bus, parfois plus d’une heure quand la circulation est dense. Demain ? Dix-huit minutes porte à porte, avec une correspondance métro directe.
Et ce n’est pas que du gain de temps. C’est aussi une tout autre façon de vivre son trajet. Fini le stress des embouteillages, les odeurs d’essence, les arrêts brutaux. Là-haut, c’est calme. On peut lire, travailler sur son ordinateur (le Wi-Fi est prévu), ou simplement regarder le paysage. J’ai eu la chance de faire un trajet test il y a quelques semaines et, je vous l’avoue, j’ai presque regretté d’arriver si vite.
Un géant discret : le plus long téléphérique urbain d’Europe
Techniquement, Câble 1 entre dans le livre des records sans faire de bruit. Avec ses 4,5 km, il devient officiellement le plus long téléphérique urbain d’Europe. Pas mal pour une première en région parisienne, non ? Il compte cinq stations, soixante-dix cabines de dix places chacune, et une capacité de 11 000 voyageurs par jour. Autant dire que ça va désengorger sérieusement les routes.
- Pointe-du-Lac (correspondance métro ligne 8)
- Emile Zola à Limeil-Brévannes
- Les Temps Durables à Valenton
- Victor Hugo à Valenton
- Villa Nova à Villeneuve-Saint-Georges (tout en haut !)
Et si vous avez peur du vertige, rassurez-vous : la hauteur maximale n’excède pas 50 mètres. C’est largement assez pour voir loin, mais pas de quoi paniquer. D’ailleurs, les cabines sont hyper stables. Même par vent modéré, on ne sent presque rien.
Écologique jusqu’au bout des câbles
On parle beaucoup de transition écologique, mais là, on passe aux actes. Chaque année, Câble 1 va éviter l’émission d’environ 3 000 tonnes de CO2. Comment ? Tout simplement parce que des milliers de voitures resteront au garage. C’est concret, c’est mesurable, et ça fait du bien.
L’électricité qui alimente les moteurs est 100 % renouvelable. Les pylônes ont été pensés pour limiter l’impact visuel – ils sont fins, discrets, presque élégants. Et surtout, le tracé évite soigneusement les zones naturelles sensibles. On est loin de l’image du téléphérique qui défigure la montagne.
« On voulait un équipement qui s’intègre dans le paysage, pas qui l’écrase. »
– Un ingénieur du projet, lors d’une visite de chantier
Accessible à tous, vraiment tous
Un des points qui m’a le plus marqué ? L’accessibilité. Les stations sont conçues pour que les personnes en fauteuil roulant montent sans aide. Les cabines s’arrêtent au niveau du quai, les portes sont larges, il y a des emplacements dédiés. Même les poussettes passent sans problème. Pour une maman seule avec deux enfants, c’est un changement de vie radical.
Et pour les jours où le vent souffle trop fort (au-delà de 70-80 km/h, la sécurité impose l’arrêt), des bus de remplacement sont prévus. On ne laisse personne au bord du chemin. C’est cette attention aux détails qui fait la différence entre un beau projet et un vrai service public.
Un projet qui a failli ne jamais voir le jour
Revenons un peu en arrière, parce que l’histoire mérite d’être racontée. Quand l’idée est née, au début des années 2010, tout le monde a ri. Un téléphérique à Paris ? Sérieusement ? Les oppositions ont été nombreuses : coût, impact visuel, crainte du vent, peur que ça ne serve à rien… Il a fallu des années d’études, de concertations, de nuits blanches.
Mais petit à petit, les habitants ont compris. Lors des enquêtes publiques, ils étaient des milliers à dire oui. Parce qu’ils connaissent la galère quotidienne. Parce qu’ils savent que le bus met parfois une heure pour faire dix kilomètres. Et parce qu’ils ont envie, eux aussi, de solutions modernes.
Et maintenant ? Une nouvelle façon de voir la banlieue
Le plus beau dans tout ça, c’est peut-être ce que ça dit de nous. Longtemps, la banlieue a été vue comme un endroit où on entasse les gens loin du centre. Avec Câble 1, on redonne de la dignité au territoire. On relie des quartiers qui étaient isolés. On offre une vue magnifique sur des coins qu’on ne faisait que traverser en voiture.
Je suis convaincu que dans quelques mois, les gens ne pourront plus imaginer leur quotidien sans. Comme le Vélib’ ou le tramway en leur temps, ça va devenir évident. Et qui sait, peut-être que ce premier câble en appellera d’autres. On parle déjà de projets du côté de Saclay, ou pour franchir la Seine à certains endroits…
En attendant, samedi matin, je serai parmi les premiers à monter dans une cabine. Pas pour le côté « inaugural », non. Juste pour le plaisir simple de voir ma ville autrement. D’en haut. Et si vous habitez dans le coin, je vous parie que vous ferez pareil. Parce que parfois, les meilleures révolutions commencent par un simple trajet un peu plus haut que les autres.
Alors, prêt à prendre de la hauteur ?
PS : Si vous tentez l’aventure ce week-end, n’oubliez pas de lever les yeux de votre téléphone de temps en temps. La vue vaut vraiment le détour.
