Imaginez rentrer chez vous un soir d’été, poser vos clés, et découvrir que votre serrure a littéralement fondu. Plus de cylindre, juste un trou béant et corrosif. C’est ce qu’ont vécu des dizaines de familles en Île-de-France entre 2022 et 2023. Et le plus dingue ? L’un des auteurs présumés a expliqué au tribunal avoir appris la technique… en scrollant sur son téléphone.
Franchement, quand j’ai lu ça, j’ai eu un frisson. Parce que ça veut dire que la frontière entre un tuto bricolage et un mode opératoire criminel est devenue aussi fine qu’une feuille de papier à cigarette.
Une méthode qui a bouleversé les enquêteurs
Pendant longtemps, ouvrir une porte blindée sans faire de bruit relevait du fantasme pour la plupart des cambrioleurs. Pied-de-biche, perceuse, bump key… les méthodes classiques laissaient toujours des traces et du bruit. Puis est arrivé l’acide.
Plus précisément de l’acide nitrique concentré, versé directement dans le cylindre. En quelques minutes, le mécanisme se désagrège complètement. Pas de bruit, pas d’outils encombrants, juste un petit flacon et une seringue. Le rêve pour des équipes qui veulent frapper vite et repartir avec bijoux, cash et objets de valeur.
Et c’est exactement ce qui s’est passé dans une vingtaine de communes franciliennes : Saint-Cloud, Vélizy, Maisons-Alfort, Brunoy, Paris intra-muros… Les vols ont eu lieu surtout l’été, quand les appartements sont vides. Un schéma tellement répétitif que les policiers ont rapidement compris qu’ils avaient affaire à une seule et même équipe.
Cinq hommes dans le box, une organisation bien rodée
Le procès qui s’est ouvert à Nanterre réunit cinq hommes d’origine géorgienne, âgés de 37 à 46 ans. Quatre sont présents, le cinquième jugé par défaut. Ce qui frappe, c’est leur apparente banalité. Costard sombre ou jogging Adidas, ils pourraient être vos voisins. Et pourtant.
Les enquêteurs les soupçonnent d’appartenir à une mouvance criminelle spécialisée dans les cambriolages « propres ». Repérages en amont, voitures de location banalisées, déplacements éclair, partage des tâches très clair : un qui verse l’acide, un qui fouille, un qui fait le guet, un qui conduit.
- 25 faits reprochés officiellement
- Plusieurs centaines de milliers d’euros de préjudice
- Des quartiers résidentiels aisés principalement visés
- Toujours la même signature : la serrure détruite chimiquement
« Je l’ai vu sur internet » : l’excuse qui ne passe plus
Et là, arrive le moment où tout le monde dans la salle d’audience a dû lever un sourcil. À la barre, un des prévenus sort la carte TikTok. Oui, TikTok. Selon lui, c’est en regardant des vidéos qu’il aurait découvert qu’on pouvait dissoudre une serrure avec de l’acide.
« Je scrollais, j’ai vu une vidéo, j’ai trouvé ça intéressant… »
Sincère ou pas, l’argument a le mérite de poser une question qui dépasse largement ce procès : jusqu’où les réseaux sociaux diffusent-ils, sans le vouloir, des connaissances dangereuses ?
Car soyons honnêtes : taper « comment ouvrir une serrure sans clé » sur certains moteurs de recherche vous sort des résultats… disons très complets. Des vidéos montrent même comment fabriquer des outils interdits. Alors un produit chimique du commerce détourné de son usage ? C’est presque trop facile.
L’acide, nouvelle star des malfaiteurs ?
Ce qui est sûr, c’est que la technique a fait des émules. Depuis 2023, plusieurs affaires similaires ont été signalées, pas seulement en France. En Espagne, en Italie, les polices locales parlent d’une « vague » de cambriolages à l’acide, souvent attribuée à des équipes venues de l’Est.
Le produit est facile à trouver dans le commerce (destiné à des usages industriels ou au décapage), relativement peu cher, et surtout très difficile à tracer. Pas besoin de permis, pas de registre de vente comme pour les armes ou les explosifs.
Du coup, les serruriers tirent la sonnette d’alarme. Les cylindres classiques, même haut de gamme, résistent mal à une attaque chimique prolongée. Les modèles anti-acide existent, mais ils restent rares et chers.
Et nous, on fait quoi maintenant ?
La première réaction, c’est la colère. Puis vient l’envie de blinder sa porte. Alarme, caméra, barre de sécurité, cylindre anti-corrosion… les ventes explosent dans certaines communes touchées.
Moi je trouve ça rageant. On paye déjà cher notre tranquillité, et voilà qu’il faut rajouter une couche de protection parce que des gars ont eu une idée « géniale » en regardant leur téléphone.
- Vérifier que votre assurance couvre bien le vol avec effraction chimique (beaucoup de contrats excluent encore cette notion)
- Penser aux cylindres anti-acide (marques comme Vachette ou Bricard en proposent)
- Installer une mini-caméra à l’étage ou un détecteur d’ouverture
- Ne jamais laisser vos volets fermés plusieurs jours (signal classique d’absence)
Parce que oui, ces équipes adorent l’été et les appartements qui sentent les vacances prolongées.
Un phénomène qui dépasse les frontières
Ce qui est fascinant – et terrifiant – c’est la vitesse à laquelle une technique peut se répandre aujourd’hui. Il y a vingt ans, un savoir-faire criminel mettait des années à traverser un pays. Aujourd’hui, une vidéo postée à Tbilissi peut inspirer une équipe à Madrid en 48 heures.
Les réseaux sociaux ne sont pas responsables, bien sûr. Mais ils agissent comme un accélérateur de particules pour tout, le bon comme le moins bon.
Et pendant ce temps, les forces de l’ordre courent après des groupes ultra-mobiles, qui changent de plaques, de téléphones, de planques comme de chemises.
Le verdict attendu : jusqu’à 10 ans possibles
Le procès doit se terminer vendredi. Les peines encourues vont jusqu’à dix ans de prison. Vu le nombre de faits et l’organisation manifeste, il y a peu de chances que les juges fassent dans la dentelle.
Mais au-delà de la sanction, c’est tout un modèle de délinquance qu’on est en train de voir émerger : rapide, low-tech, high-impact, et terriblement difficile à endiguer.
Alors la prochaine fois que vous verrez une vidéo « astuce du jour » un peu trop maline, posez-vous la question : est-ce que quelqu’un, quelque part, pourrait en faire une utilisation… disons créative ?
Parce qu’entre un tuto pour réparer sa chaise et un autre pour faire fondre une serrure, il n’y a parfois qu’un scroll d’écart.
Et vous, vous avez déjà renforcé votre porte après avoir entendu parler de ce genre d’histoires ? Dites-le-moi en commentaire, ça m’intéresse vraiment.
