Imaginez la scène : vous jouez tranquillement en sixième division brésilienne, dans un coin perdu du Mato Grosso, et un matin votre téléphone sonne. À l’autre bout du fil, on vous annonce que vous êtes sélectionné pour disputer la Coupe d’Afrique des Nations avec le Cameroun. Pas un rêve d’enfant, non. Une réalité brutale et complètement dingue. C’est exactement ce qui arrive à Arnaud Mael Kamdem en ce mois de décembre 2025.
Franchement, quand j’ai vu le nom circuler dans la liste officielle, j’ai d’abord cru à une blague. Puis à une erreur de frappe. Et enfin… j’ai compris que le football camerounais venait, une fois de plus, de nous offrir un scénario digne d’un film hollywoodien à petit budget.
Une convocation qui tombe comme un coup de tonnerre
David Pagou, fraîchement nommé sélectionneur par Samuel Eto’o, a décidé de frapper fort. Très fort. Exit certains cadres historiques, bienvenue à des profils totalement inattendus. Et parmi eux, Arnaud Mael Kamdem, 25 ans, milieu relayeur au Sinop Sport Clube – un club qui évolue dans la deuxième division de l’État du Mato Grosso. Pour ceux qui ne situent pas, c’est l’équivalent d’une régionale 3 chez nous, voire pire.
Le joueur remplace numériquement Brice Ambina, blessé ou écarté selon les versions. Mais là n’est pas la question. La vraie interrogation, c’est : comment un garçon qui courait encore il y a quelques mois sous les couleurs de Peñarol-AM (cinquième division nationale) se retrouve-t-il propulsé parmi les vingt-trois Lions Indomptables qui viseront un sixième titre continental au Maroc ?
La clé du mystère ? Une vieille connaissance
La réponse est plus simple qu’humaine. Elle s’appelle David Pagou. L’actuel sélectionneur a entraîné Arnaud Mael Kamdem il y a quelques années à la Renaissance de Ngoumou, un club de l’élite camerounaise à l’époque. Les deux hommes se connaissent, se font confiance. Et dans le football, parfois, la confiance vaut plus qu’un CV long comme le bras.
« Arnaud est un garçon qui donne tout sur le terrain. Un vrai box-to-box, intense, généreux. Je sais ce qu’il est capable de faire quand il a la confiance », aurait glissé Pagou à son entourage.
Le Sinop Sport Clube, lors de la présentation officielle du joueur en début de saison, n’avait pas tari d’éloges : « Un renfort d’expérience avec un gros volume de jeu ». Sauf que l’expérience en question se limite pour l’instant à des championnats régionaux brésiliens et quelques passages éclair en Serie D.
Un précédent qui n’existe pas… ou presque
Dans l’histoire récente des grandes nations africaines, je défie quiconque de me citer un joueur appelé en sélection nationale alors qu’il évoluait en sixième division à l’étranger. Même les fameuses « surprises » de Rigobert Song ou de Volker Finke paraissent sages à côté.
Le Cameroun a déjà connu des sélectionnés évoluant dans des championnats modestes (Chypre, Turquie D2, Norvège D2…), mais jamais aussi bas dans la pyramide. C’est un saut quantique. Un pari complètement fou. Et c’est précisément ce qui rend l’histoire fascinante.
- Âge : 25 ans (dans la force de l’âge)
- Poste : Milieu relayeur box-to-box
- Clubs récents : Peñarol-AM, Tocantinópolis, São Raimundo-AM, Sinop SC
- Meilleur niveau atteint : Serie D brésilienne (équivalent D4)
- Passage connu au Cameroun : Renaissance de Ngoumou
Le contexte chaotique qui explique (un peu) tout
Il faut remettre les choses en perspective. Le Cameroun vit une crise institutionnelle sans précédent. Marc Brys, l’ancien sélectionneur, affirme n’avoir jamais été officiellement licencié et a même publié sa propre liste. David Pagou a donc dû composer dans l’urgence, avec les moyens du bord, et surtout avec des joueurs qui acceptent de répondre présent dans ce climat délétère.
Résultat : André Onana, Vincent Aboubakar et Éric-Maxim Choupo-Moting brillent par leur absence. Des cadres historiques préfèrent zapper cette CAN plutôt que de cautionner le désordre ambiant. Dans ce vide, David Pagou a choisi de faire appel à des garçons qu’il connaît, qu’il sent prêts à mouiller le maillot sans poser de questions.
Est-ce la meilleure stratégie sportive ? Clairement non. Est-ce compréhensible humainement ? Évidemment oui.
Et si c’était le début d’une belle histoire ?
Le football nous a habitué à des épopées improbables. Souvenez-vous de Roger Milla en 1990, rappelé à 38 ans alors qu’il jouait à La Réunion. Ou de N’Kono en 1982, gardien titulaire alors qu’il évoluait à Canon Yaoundé. Le talent n’a pas toujours besoin d’un gros club pour s’exprimer.
Arnaud Mael Kamdem aura l’occasion de s’entraîner avec Bryan Mbeumo, Karl Toko-Ekambi ou Christian Bassogog. S’il montre ne serait-ce que 20 % de plus que ce qu’il montre à Sinop, il pourrait créer la surprise. Et qui sait, devenir le héros inattendu d’un match de poule ?
« Dans le foot, il y a ceux qui ont le CV et ceux qui ont le cœur. Parfois, le cœur gagne. » – un vieil entraîneur camerounais
Ce que cette sélection dit de l’état du football camerounais
Plus que l’anecdote Kamdem, c’est tout le système qui est montré du doigt. Quand un pays cinq fois champion d’Afrique en est réduit à piocher en sixième division brésilienne, c’est que quelque chose ne tourne pas rond.
Manque de suivi des binationaux ? Crise de confiance avec les cadres ? Guerre des ego à la fédération ? Probablement un peu de tout ça. L’arrivée de Samuel Eto’o à la tête de la FECAFOOT devait professionnaliser le football camerounais. Trois ans plus tard, on a parfois l’impression d’un retour vingt ans en arrière.
Mais paradoxalement, cette sélection ultra-artisanale redonne aussi un côté romanesque au football camerounais. Celui des années 80-90, quand on allait chercher les gars là où ils étaient, sans se poser mille questions.
Conclusion : pari perdu d’avance ou génie caché ?
Personne ne sait ce que donnera Arnaud Mael Kamdem sous le maillot vert-rouge-jaune. Peut-être sera-t-il transparent. Peut-être sera-t-il le seul à courir 90 minutes quand les stars seront épuisées par le Ramadan et les voyages.
Ce qui est sûr, c’est que son histoire nous rappelle une vérité simple : le football reste le sport le plus imprévisible du monde. Et tant qu’il y aura des entraîneurs prêts à faire confiance à un gamin de sixième division brésilienne, il gardera cette magie qui nous fait vibrer.
Alors, Arnaud, fais-nous rêver. Même cinq minutes. Même un tacle glissé propre. Même juste un sourire sur le banc quand le Cameroun marquera. Parce que parfois, les plus belles histoires commencent dans les endroits les plus improbables.
Allez les Lions. Et vive le foot, celui qui ne respecte rien ni personne.
