Imaginez deux gamins qui, il y a dix ans, soulevaient des fanions sur les pelouses de Marrakech lors d’une compétition de jeunes. Aujourd’hui, ces mêmes garçons portent presque à eux seuls les espoirs d’une nation entière lors de la plus grande messe du football africain. C’est exactement ce qui s’est passé ce mardi soir dans un stade marocain bouillant. Ismaël Gharbi et Hannibal Mejbri, deux purs produits de la formation francilienne, ont une nouvelle fois démontré qu’ils n’étaient pas là pour faire de la figuration.
La Tunisie venait d’enchaîner une victoire laborieuse et une défaite frustrante dans ce groupe C. Tout se jouait donc contre la Tanzanie. Un match à ne surtout pas perdre. Et quand la tension est devenue presque palpable, c’est le duo d’amis d’enfance qui a pris les choses en main. Une main levée pour provoquer un penalty, un autre qui s’empare du ballon… et bim, le destin bascule.
Quand l’amitié d’enfance sauve la qualification
Ce qui frappe quand on regarde le parcours de ces deux joueurs, c’est d’abord leur lien presque fraternel. Hannibal Mejbri et Ismaël Gharbi se connaissent depuis les bancs de l’école de foot. Ils ont grandi ensemble, se sont tirés la bourre à l’entraînement, ont pleuré les mêmes défaites et ont rêvé des mêmes maillots pros. Et voilà qu’en 2025, sous le maillot des Aigles de Carthage, ils écrivent une nouvelle page de leur histoire commune.
Sur ce penalty décisif, tout le monde s’attendait à voir Hannibal ou un autre cadre s’avancer. Mais non. D’un geste simple, presque fraternel, Mejbri tend le ballon à Gharbi. « Vas-y, c’est ton moment », semble-t-il lui dire. Et Ismaël ne tremble pas. Il place le cuir au fond des filets et entre, à seulement 21 ans, dans une case très particulière de l’histoire tunisienne : deuxième plus jeune buteur de la sélection à la CAN, juste derrière une légende du football africain.
« C’est un honneur immense. Mais maintenant, il faut regarder devant. Un autre tournoi commence. »
Ismaël Gharbi après le match
Difficile de ne pas être touché par cette déclaration. Derrière le jeune homme qui parle à la presse, on devine le gamin qui a toujours rêvé de ce genre de moment. Et pourtant, il reste lucide : la qualification est acquise, mais le nul (1-1) a laissé un goût amer aux supporters. Les sifflets ont plu à la fin du match. C’est dur, mais compréhensible. La Tunisie ne se contente jamais du minimum.
Ismaël Gharbi : l’ailier qui fait vibrer les filets
Ce n’est pas la première fois qu’Ismaël Gharbi fait parler de lui sous le maillot tunisien, mais cette CAN marque clairement un tournant. Prêté en Bundesliga cette saison, l’ancien espoir parisien montre enfin l’étendue de sa palette. Vitesse, dribble, frappe enroulée… et surtout, une capacité à se montrer décisif dans les moments importants.
Contre la Tanzanie, il aurait même pu signer un triplé. Une frappe qui heurte le poteau à la 15e minute, un lob de 45 mètres qui frôle la lucarne… et finalement ce penalty clinique. Man of the match logique pour un garçon qui n’a pas froid aux yeux. À 21 ans, il incarne cette nouvelle génération tunisienne qui refuse de se contenter des exploits du passé.
- Vitesse et percussion sur l’aile gauche
- Capacité à frapper de loin
- Sang-froid sur penalty
- Complicité technique avec Hannibal Mejbri
Autant d’arguments qui expliquent pourquoi les supporters commencent à scander son nom avec de plus en plus d’insistance. Et franchement, ça fait plaisir à voir.
Hannibal Mejbri : le métronome discret mais indispensable
Si Gharbi a marqué les esprits avec son but, Hannibal Mejbri, lui, a fait le match presque parfait dans l’ombre. À seulement 23 ans, il compte déjà 42 sélections. Un chiffre qui donne le vertige quand on se rappelle qu’il a grandi dans le même quartier que son pote Ismaël.
Dans l’entrejeu, il est partout : il récupère, il relance proprement, il couvre les espaces, il sert les attaquants. Un vrai patron malgré son jeune âge. Et surtout, il a ce leadership naturel qui fait défaut à pas mal d’équipes africaines quand la pression monte. Ce n’est pas un hasard s’il est devenu l’un des cadres indiscutables des Aigles de Carthage.
J’ai toujours trouvé fascinant de voir à quel point certains joueurs semblent nés pour les grands rendez-vous. Hannibal fait partie de cette catégorie. Calme, posé, mais capable d’accélérer le jeu d’une passe laser ou d’un contrôle orienté. Contre la Tanzanie, il a encore montré qu’il était bien plus qu’un simple relayeur.
Un parcours commun qui raconte une belle histoire
Revenons dix ans en arrière. Octobre 2015, Marrakech, Danone Nations Cup. Deux gosses du Paris FC terminent troisièmes de cette « mini-Coupe du monde » des moins de 12 ans. Ils sourient aux photographes, échangent des fanions avec des équipes du monde entier, et se promettent sans doute de se retrouver un jour sur les plus grandes scènes.
Le destin est parfois farceur. Les voilà aujourd’hui dans le même stade, sous les mêmes couleurs, mais avec dix ans de professionnalisme dans les jambes. Hannibal est passé par l’AS Monaco, Manchester United, Burnley aujourd’hui en Premier League. Ismaël, lui, a connu le PSG, Braga et désormais Augsbourg en prêt. Deux trajectoires différentes, mais une envie commune : porter haut les couleurs tunisiennes.
Et ça, c’est peut-être le plus beau dans cette histoire. Ces deux-là auraient pu choisir la France ou l’Espagne (Ismaël a même porté les couleurs de la Roja chez les jeunes). Ils ont préféré répondre à l’appel du cœur. Et aujourd’hui, ils le font avec une maturité impressionnante.
Direction les huitièmes : le Mali en ligne de mire
La phase de groupes est terminée. La Tunisie termine deuxième du groupe C et se qualifie pour les huitièmes de finale. Le prochain adversaire ? Le Mali. Un gros morceau. Une équipe physique, bien organisée, qui adore les contres rapides. Samedi, à 20 heures, ce sera un match couperet.
Si les Aigles veulent aller plus loin, ils devront élever leur niveau de jeu. Le nul contre la Tanzanie a montré des lacunes : trop de déchets techniques, un manque de liant par moments, et cette habitude agaçante de se faire rejoindre au score. Mais avec Gharbi en feu et Mejbri en patron, tout reste possible.
- Retrouver de la fluidité dans les passes
- Être plus tranchants devant le but
- Contenir les assauts maliens en contre-attaque
- Compter sur l’apport offensif des deux Titis
- Garder la tête froide malgré la pression
Ce n’est pas insurmontable. Mais il faudra montrer un autre visage.
Une nouvelle génération qui veut marquer l’histoire
Ce qui est passionnant avec cette CAN 2025, c’est qu’on assiste peut-être à l’émergence d’une nouvelle vague tunisienne. Derrière les cadres historiques, des jeunes joueurs prennent leurs responsabilités. Gharbi et Mejbri en sont les plus beaux symboles.
Ils ne sont pas les seuls, bien sûr. Mais leur complicité, leur talent et leur attachement à la sélection en font des figures à part. Et quand on sait qu’ils ont grandi dans la même région, qu’ils ont partagé les mêmes rêves, ça donne une dimension presque romanesque à leur parcours.
Alors oui, la Tunisie a encore des progrès à faire. Oui, ce nul contre la Tanzanie a laissé des traces. Mais avec ces deux-là sur le terrain, on sent qu’il y a quelque chose de spécial en train de se construire. Une équipe qui veut écrire sa propre légende.
Et si le parcours s’arrêtait dès les huitièmes ? Ça ferait mal, c’est sûr. Mais même dans ce cas, Gharbi et Mejbri auront marqué cette compétition de leur empreinte. Ils auront montré qu’on peut venir de la même petite ville francilienne et finir par porter une nation entière sur leurs épaules.
Alors on attend samedi avec impatience. On espère voir ces deux amis d’enfance continuer à faire briller le maillot rouge et blanc. Parce qu’au fond, c’est ça aussi, le football : des histoires humaines qui transcendent les frontières et les générations.
Allez la Tunisie.
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