Vous savez ce qui m’agace le plus dans le football moderne ? Cette impression que tout se décide loin des terrains, dans des bureaux feutrés où les intérêts économiques pèsent toujours plus lourd que le romantisme du jeu. Prenez la CAN 2025 qui démarre le 21 décembre au Maroc. À trois semaines du coup d’envoi, on apprend que les joueurs ne rejoindront leurs sélections qu’à partir du 15 décembre au lieu du 6-7 comme prévu initialement. Et là, honnêtement, ça sent le coup fourré.
Je ne vais pas vous refaire l’histoire complète du calendrier FIFA, vous la connaissez. Mais quand une décision tombe sans communiqué officiel, juste par des lettres envoyées directement aux fédérations, on comprend tout de suite que quelque chose cloche. Les clubs européens ont obtenu gain de cause. Point final.
Un revirement qui ne passe pas inaperçu
À la base, tout était clair : les clubs devaient libérer leurs internationaux deux semaines avant le début de la compétition. C’était déjà une concession énorme par rapport aux anciennes CAN disputées en janvier-février. Mais non, ça ne suffisait pas. L’association européenne des clubs a tapé du poing sur la table et, miracle, la FIFA a plié.
Le 15 décembre au lieu du 6-7. Neuf jours de moins pour préparer une compétition majeure. Neuf jours où les Salah, Mané, Hakimi ou Osimhen resteront avec leurs clubs pour disputer des matchs de championnat souvent décisifs en cette période de fêtes.
Et le pire ? Personne n’a jugé utile d’officialiser la chose proprement. Les fédérations africaines découvrent la nouvelle par courrier des clubs eux-mêmes. Vous imaginez l’ambiance ?
L’exemple Salah, symbole d’une tendance lourde
Prenez Mohamed Salah. Arne Slot, l’entraîneur de Liverpool, l’a dit cash en conférence de presse : « Je pense que la FIFA a déclaré que le 15 était la nouvelle date limite ». Traduction : on garde Mo jusqu’au bout, tant pis pour l’Égypte.
« Je pense que la FIFA a déclaré que le 15 était la date limite à laquelle un joueur devait être libéré »
Arne Slot, entraîneur de Liverpool
Et Salah n’est pas un cas isolé. Imaginez les entraîneurs africains qui avaient déjà booké des stages, organisé des matchs amicaux début décembre… Tout à la poubelle. Certains sélectionneurs découvrent aujourd’hui qu’ils n’auront leurs cadres que six jours avant le premier match. Six jours !
Pourquoi les clubs ont-ils autant de poids ?
La réponse est simple : l’argent. Les championnats européens tournent à plein régime en décembre. Boxing Day en Angleterre, fêtes chargées en Espagne et en Italie… Chaque match compte pour les droits TV, les sponsors, le classement.
Perdre ses meilleurs joueurs pendant trois semaines en plein money time ? Impensable pour les gros clubs. Et quand on sait que l’association européenne regroupe les mastodontes du continent, on comprend mieux pourquoi la FIFA a préféré céder plutôt que d’ouvrir un nouveau front.
J’ai presque envie de dire : c’était prévisible. Depuis des années, on assiste au même scénario. La CAN, malgré son prestige et son histoire, reste traitée comme une compétition de seconde zone par les instances européennes.
Les conséquences concrètes pour les sélections
- Stages préparatoires annulés ou raccourcis
- Matchs amicaux reportés ou supprimés
- Temps de récupération réduit pour les joueurs après les fêtes
- Cohésion d’équipe mise à mal
- Risque accru de blessures à l’arrivée (voyages, décalage horaire, fatigue accumulée)
Certains pays avaient prévu des regroupements dès début décembre pour travailler tactiquement, créer du lien, tester des schémas. Tout ça tombe à l’eau. Et ne me parlez pas des clubs qui « protègent » leurs joueurs. On sait très bien que l’argument santé arrive toujours après l’argument financier.
Un précédent dangereux pour l’avenir
Ce qui me gêne le plus, c’est le précédent. Si la FIFA cède aujourd’hui sans même daigner communiquer officiellement, qu’est-ce qui empêchera les clubs de demander encore plus demain ? Une CAN en hiver, c’est déjà un compromis énorme. La repousser encore plus près des dates de matchs européens ? On marche sur la tête.
Et que dire des joueurs eux-mêmes ? Pris en sandwich entre leur club qui paye grassement et leur pays qui représente tout. Mohamed Salah, par exemple, va devoir jongler entre les exigences de Liverpool et celles de l’Égypte. Pas simple de satisfaire tout le monde.
Les voix qui s’élèvent (et celles qui se taisent)
Du côté africain, la colère gronde. Des sélectionneurs, des présidents de fédérations, d’anciens joueurs… Tout le monde y va de son commentaire. On parle d’injustice, de deux poids deux mesures. Et franchement, ils n’ont pas tort.
Mais curieusement, les instances dirigeantes du football africain restent plutôt discrètes. Est-ce par peur de froisser la FIFA ? Par résignation ? Un peu des deux sans doute. Pourtant, c’est le moment ou jamais de faire bloc.
Et si on regardait le positif (si, si, il y en a)
Bon, je vais jouer l’avocat du diable deux minutes. Les joueurs arriveront peut-être plus frais physiquement, ayant évité un stage long et potentiellement usant. Certains diront aussi que six jours bien utilisés valent mieux que quinze jours mal organisés.
Mouais. Disons que c’est une maigre consolation. Surtout quand on sait que les meilleurs équipes du monde disposent de plusieurs semaines pour préparer un Euro ou une Coupe du Monde.
Ce que ça dit de l’état actuel du football
À mon sens, cette histoire est révélatrice d’un mal plus profond. Le football africain, malgré ses talents incroyables et son public passionné, reste dominé par les intérêts européens. Les meilleurs joueurs africains enrichissent les championnats du Vieux Continent, mais quand il s’agit de rendre la pareille… on repousse toujours l’échéance.
La CAN 2025 sera magnifique, j’en suis convaincu. Le Maroc est prêt, les stades sont superbes, l’engouement populaire énorme. Mais cette décision laisse un goût amer. Comme un rappel que dans le football business, certains pèsent plus lourd que d’autres.
Alors oui, les clubs garderont leurs stars jusqu’au 15 décembre. Oui, les sélections feront avec. Mais à quel prix pour l’équité sportive ? À quel prix pour l’image d’une compétition qui mérite mieux que d’être traitée en parent pauvre ?
Le ballon rond roule, les millions aussi. Mais parfois, j’aimerais qu’on se souvienne pourquoi on aime ce sport. Pas seulement pour les chiffres, mais pour les histoires, les émotions, les nations qui se battent avec leurs tripes.
La CAN 2025 commence dans trois semaines. Espérons que sur le terrain, le football africain saura rappeler à tout le monde sa grandeur. Malgré les bureaux, malgré les compromis, malgré ceux qui décident loin des projecteurs.
Parce qu’au final, c’est bien sur le rectangle vert que tout se joue. Et là, personne ne pourra retenir les lions, les éléphants ou les aigles plus longtemps que nécessaire.
