Imaginez un peu : vous vivez dans une petite commune paisible, entourée de champs à perte de vue, l’air sent bon la terre humide et les embruns pas très loin. Et puis, d’un coup, plusieurs familles du coin apprennent que leurs enfants luttent contre un cancer. Pas un ou deux cas isolés, non, suffisamment pour que les chiffres dépassent largement la moyenne nationale. C’est exactement ce qui se passe depuis des années en plaine d’Aunis, cette zone rurale aux portes de La Rochelle. Et là, enfin, une réponse concrète arrive.
Exposcan : une étude qui était attendue comme le messie
Franchement, quand on suit ce genre de dossier depuis plusieurs mois, on se dit que ça a pris un temps fou. Les premiers signaux d’alerte datent de plus de quinze ans, et il aura fallu attendre 2025 pour que les choses bougent vraiment. Dès janvier 2026, l’étude Exposcan va démarrer pour trois ans avec un budget de 500 000 euros. Objectif ? Comprendre pourquoi les enfants, adolescents et jeunes adultes de ce coin de Charente-Maritime tombent plus souvent malades que la moyenne.
Ce n’est pas une petite enquête de quartier : plusieurs institutions sérieuses mettent la main à la pâte. Laboratoires spécialisés, chercheurs en environnement, registre régional des cancers… Tout le monde est mobilisé pour analyser ce qui se passe dans l’air qu’on respire, l’eau qu’on boit et la terre où poussent les légumes du jardin.
D’où vient ce « cluster » de cancers pédiatriques ?
Le mot cluster fait toujours un peu peur, je trouve. En épidémiologie, ça désigne simplement une concentration anormale de cas dans un espace et un temps donnés. Ici, on parle de leucémies, de tumeurs cérébrales et d’autres cancers rares chez les moins de 25 ans. Les statistiques sont formelles : il y a bien une surincidence. Autrement dit, le risque est plus élevé qu’ailleurs en France.
Les parents, eux, n’ont pas attendu les statistiques officielles pour s’inquiéter. Certains ont perdu un enfant, d’autres vivent encore dans l’angoisse permanente des récidives. Ils ont créé des associations, frappé à toutes les portes, organisé des réunions. Et aujourd’hui, ils accueillent cette étude avec un mélange de soulagement… et d’impatience.
« On veut savoir. On a besoin de savoir. Même si la vérité fait mal, on préfère la connaître plutôt que de rester dans le flou. »
Une maman touchée par le drame
Qu’est-ce qu’on va vraiment analyser pendant trois ans ?
L’étude Exposcan ne va pas se contenter de compter les cas. Elle va prélever, mesurer, comparer. Voici les grandes lignes du programme :
- Qualité de l’air intérieur et extérieur (particules fines, pesticides volatils, composés organiques…)
- Analyse poussée de l’eau potable et des cours d’eau (métaux lourds, résidus médicamenteux, nitrates)
- Étude des sols agricoles et des jardins familiaux (pesticides historiques, hydrocarbures, métaux)
- Cartographie fine des habitations par rapport aux zones d’épandage et anciennes décharges
- Croisement avec les données médicales anonymisées du registre régional
En gros, on va passer la plaine d’Aunis au peigne fin. Et croyez-moi, dans une zone aussi agricole, les hypothèses ne manquent pas : épandages de produits phytosanitaires, anciennes pratiques d’enfouissement de déchets, proximité de certaines industries… Rien n’est écarté à ce stade.
Qui finance et qui pilote l’opération ?
Le budget de 500 000 euros est partagé entre plusieurs acteurs : la préfecture, l’agence régionale de santé, la communauté d’agglomération et même la Ligue contre le cancer. C’est plutôt rare de voir tout le monde mettre au pot commun comme ça. Preuve que le sujet est pris au sérieux.
Côté scientifique, le trio de tête fait solide :
- Un laboratoire spécialisé dans l’analyse environnementale
- Des chercheurs en agronomie et environnement
- Le registre des cancers qui connaît parfaitement la zone
Le ministère de la Santé supervise sans piloter directement. Une façon, peut-être, de garder une certaine indépendance dans les investigations.
Et les habitants dans tout ça ?
Forcément, la nouvelle a été accueillie avec émotion. Certains y voient enfin la reconnaissance officielle d’un problème qu’ils vivent dans leur chair depuis trop longtemps. D’autres restent méfiants : « Et si on ne trouve rien ? » demandent-ils. C’est la grande peur : que l’étude conclue à une malchance statistique, un hasard cruel.
Moi, je crois que même un résultat « négatif » apporterait quelque chose. Au moins, les familles sauraient qu’on a vraiment cherché partout. Et puis, entre nous, quand on voit le nombre de produits chimiques qu’on a balancés pendant des décennies sans trop se poser de questions, j’ai du mal à croire qu’on ne trouvera absolument rien.
Ce que cette étude dit de notre société
Au-delà du cas particulier de l’Aunis, cette histoire en dit long sur notre rapport à l’environnement et à la santé. Pendant des années, on a privilégié la productivité agricole, l’industrie, le développement. Et maintenant, on paie peut-être l’addition. Pas partout, pas tout le temps, mais parfois dans des coins qu’on croyait préservés.
Ce qui se passe là-bas pourrait arriver ailleurs. D’autres zones rurales concentrent aussi des cas inhabituels. On pense à certaines vallées céréalières, à des régions viticoles intensives… L’étude Exposcan pourrait servir de modèle pour d’autres investigations.
Trois ans, c’est long quand on a peur pour ses enfants
Trois ans d’étude, ça veut dire que les résultats complets n’arriveront pas avant 2029. Pour une famille qui a un enfant malade aujourd’hui, c’est une éternité. Certains demandent des mesures immédiates : arrêt de certains épandages, filtration renforcée de l’eau, contrôles plus fréquents.
Les autorités répondent qu’on ne peut pas agir sans preuves solides. Classique débat entre principe de précaution et attente de certitude scientifique. Personnellement, je comprends les deux côtés. Mais quand il s’agit d’enfants, j’ai tendance à pencher vers la prudence maximale.
Et après ? Que fera-t-on des résultats ?
C’est peut-être LA question qui taraude tout le monde. Imaginons qu’on identifie un pesticide particulier, ou une ancienne pollution industrielle. Que se passera-t-il ? Indemnisation des familles ? Changement radical des pratiques agricoles locales ? Déménagement pris en charge pour les plus exposés ?
On a vu ailleurs en France des précédents douloureux où les conclusions arrivaient… mais les mesures tardaient. Espérons que cette fois, la mobilisation sera à la hauteur des enjeux.
En attendant, la plaine d’Aunis continue de vivre. Les tracteurs tournent, les enfants vont à l’école, les parents regardent parfois le ciel avec une pointe d’angoisse quand l’épandeur passe. Et dès janvier, des blouses blanches viendront prélever, mesurer, analyser. Peut-être qu’enfin, on aura des réponses.
Je suivrai ce dossier de très près. Parce que derrière les chiffres et les protocoles scientifiques, il y a des familles entières qui retiennent leur souffle. Et ça, ça mérite qu’on en parle, qu’on explique, qu’on ne lâche rien.
