Vous est-il déjà arrivé de passer devant quelqu’un qui fait la manche, de fouiller vos poches… et de repartir un peu gêné parce qu’il n’y avait plus une seule pièce ? Moi, oui. Souvent. Et je crois que je ne suis pas le seul. En 2025, on paie le pain en sans contact, mais on reste démuni face à la pauvreté de rue. C’est là qu’intervient une idée aussi simple qu’elle est maligne : une carte qui permet de donner sans cash, tout en garantissant que l’argent servira à des besoins essentiels. Son nom ? Solly.
Une carte qui redonne confiance… aux deux côtés
Imaginez la scène. Il fait nuit, il caille, un bénévole s’accroupit devant une personne assise sur un carton. Au lieu de tendre un sandwich ou deux euros, il sort une carte bancaire toute neuve et un gros QR code plastifié. « Avec ça, les gens pourront vous aider directement par téléphone, et l’argent ne pourra servir qu’à manger, vous laver ou dormir. » La personne lève les yeux, un peu méfiante d’abord, puis sourit. « C’est intelligent, ça. » Et voilà, une petite révolution tranquille est en marche.
Ce qui frappe, c’est que cette carte répond à deux frustrations très concrètes :
- Le donateur n’a plus de monnaie et se sent coupable.
- Quand il en a, il se pose souvent la question : « Est-ce que mon euro va vraiment aider ? »
Solly coupe court au débat. L’argent chargé dessus est strictement encadré. Impossible d’acheter de l’alcool, du tabac, de jouer ou même de retirer du cash. Seuls les commerçants acceptant la carte (et ils sont de plus en plus nombreux) peuvent débiter pour des produits de première nécessité.
Comment ça marche concrètement ?
Le système est d’une simplicité enfantine :
- Le passant scanne le QR code avec son téléphone.
- Il choisit le montant (entre 2 € et 100 €).
- Il paie en un clic (Apple Pay, Google Pay, carte bancaire).
- L’argent tombe directement sur la carte de la personne.
- Celle-ci peut payer chez les commerçants partenaires avec un code PIN.
Et pour le donateur ? Bonne nouvelle : le don est défiscalisé à 66 %, comme tout don classique à une association.
« Avant, je n’osais presque plus demander. Avec le QR code, les gens s’arrêtent, ils sont curieux. Ça change tout. »
– Un bénéficiaire qui a récolté 50 € en dix jours
Un test grandeur nature dans douze villes
Depuis quelques semaines, mille cartes circulent dans douze villes françaises. L’expérimentation dure six mois. Les associations distribuant les cartes sont diverses : certaines font des maraudes classiques, d’autres interviennent en journée. Le retour est déjà très positif. Certains bénéficiaires ont récolté jusqu’à 150 €, ce qui, quand on dort dehors, représente plusieurs nuits au chaud ou des semaines de repas décents.
Ce qui m’impressionne, c’est la rapidité avec laquelle l’idée a pris forme. Un jeune entrepreneur de 22 ans a eu l’intuition, a lancé une cagnotte citoyenne, récolté 80 000 € et hop, le projet décolle. Pas d’État, pas de grande fondation, juste des citoyens qui disent « on essaye ». Ça fait du bien.
Les limites (parce qu’il y en a)
On ne va pas se mentir, tout n’est pas rose.
D’abord, il y a cette commission de 9 % prélevée sur chaque don. C’est beaucoup. Même si l’équipe est 100 % bénévole et que l’excédent finance des associations logement, ça reste un point sensible. Quand on donne 10 €, 90 centimes ne vont pas à la personne… c’est rude à avaler.
Ensuite, la question de la dignité. Certains diront que contrôler l’usage de l’argent est infantilisant. Je comprends l’argument. Personnellement, je trouve que c’est un compromis acceptable : on aide plus, et mieux. Mais le débat mérite d’être posé.
Enfin, il faut un smartphone pour donner. Dans les petites villes ou chez les personnes âgées, ça peut freiner. Même si, soyons honnêtes, même ma grand-mère de 83 ans a appris à payer avec son téléphone…
Et si c’était le futur de la solidarité de rue ?
Franchement, j’ai du mal à imaginer qu’on reviendra en arrière.
Le cash disparaît à toute vitesse. En Suède, certains commerces n’acceptent déjà plus les billets. En France, on n’en est pas là, mais la tendance est claire. Si on veut continuer à aider dans la rue, il faudra passer par le numérique. Solly, ou une autre solution, deviendra probablement la norme.
Ce qui est intéressant, c’est que cette carte crée un cercle vertueux :
- Plus de dons parce que plus de confiance.
- Plus de dignité pour les bénéficiaires qui peuvent choisir ce qu’ils achètent.
- Moins de méfiance de part et d’autre.
- Et surtout, une vraie traçabilité qui peut rassurer tout le monde.
Je trouve ça assez beau, finalement. Une technologie toute bête qui remet un peu d’humanité dans une relation souvent compliquée.
Ce que ça dit de notre société
Au-delà de la carte, il y a un constat un peu brutal : on a besoin qu’on nous prouve que notre aide sera « bien » utilisée. Ça en dit long sur la fracture de confiance qui s’est installée.
Mais plutôt que de s’en désoler, certains choisissent d’agir. Et ça, ça redonne espoir.
Parce que oui, il y aura toujours des gens qui critiqueront. « C’est paternaliste », « c’est la fin de la liberté », bla bla bla. Moi je vois surtout des personnes qui dormaient dehors et qui, grâce à cette carte, ont pu se payer un hôtel une nuit, ou simplement un repas chaud choisi par elles-mêmes.
Et ça, ça vaut tous les débats du monde.
Dans six mois, on aura les résultats de l’expérimentation. Mille cartes, douze villes, des milliers de dons. Si ça fonctionne – et tout porte à croire que oui –, on pourrait voir ces QR codes un peu partout. Et peut-être que, pour une fois, la technologie aura servi à quelque chose de vraiment humain.
En attendant, la prochaine fois que vous passerez devant quelqu’un avec un petit panneau « J’accepte la carte », vous saurez quoi faire.
Et si jamais vous hésitez encore… demandez-vous simplement ce que vous ressentez quand vous donnez un billet en vous posant mille questions.
Puis essayez. Juste une fois.
Vous verrez, ça fait du bien. Aux deux côtés de la main tendue.
