Vous êtes-vous déjà demandé qui prend vraiment les coups quand votre héros préféré se fait éjecter d’un immeuble ou se bat à mains nues contre vingt gars ? Moi oui, souvent. Et quand j’ai croisé l’histoire de Robin Lallart, un gamin de l’Oise devenu en cinq ans l’un des cascadeurs les plus demandés de France, j’ai tout de suite eu envie de vous la raconter. Parce que franchement, son parcours a quelque chose de cinématographique.
Un gamin de Breuil-le-Sec qui rêvait de voler
Breuil-le-Sec, petit village du plateau picard. Quelques centaines d’âmes, des champs à perte de vue et un gosse qui passe son temps à faire des saltos dans le jardin. Robin grandit là, entre les matchs de foot du dimanche et les spectacles du Parc Astérix où il finira par bosser déguisé en Gaulois. À 16 ans déjà, son grand frère Olivier, acteur et réal, l’emmène faire de la figuration. Premier plateau, première claque : l’ambiance électrique, les projecteurs, l’adrénaline. Il comprend immédiatement qu’il veut mélanger sport et cinéma. Le métier de cascadeur s’impose comme une évidence.
Mais entre le rêve et la réalité, il y a un monde. Robin tente Staps à Amiens, lâche au bout d’un an. Trop théorique. Il lui faut du concret, du physique. Direction le Parc Astérix donc, où il enchaîne les spectacles quotidiens pendant plusieurs saisons. Il apprend à tomber, à se battre en rythme, à faire rire ou hurler la foule. C’est déjà une sacrée école, mais pas suffisante pour percer dans le cinéma.
Paris, le réseau et le Campus Univers Cascade
Pour devenir cascadeur pro, il faut intégrer le cercle très fermé des régleurs. Ces chefs d’orchestre des cascades qui discutent directement avec les productions. Et pour ça, une seule solution : squatter les salles d’entraînement parisiennes où tout ce petit monde se croise. Robin quitte l’Oise, pose ses valises dans la capitale et commence à tisser son réseau. En parallèle, il file dans le Nord, au Cateau-Cambrésis, suivre les stages intensifs du légendaire Campus Univers Cascade.
Deux semaines par session pendant deux ans. Chutes de 3, 6, 9 mètres, avec ou sans câble, torche humaine, combats à l’épée, acrobaties… Tout ce qu’on ne peut pas apprendre tout seul dans son garage.
Il en sort affûté comme une lame, avec un book qui commence à faire parler. Les premiers contrats tombent. Courts-métrages, pubs, puis les premiers longs.
Les gros projets qui font basculer une carrière
En quelques années seulement, le CV devient impressionnant. Athéna de Romain Gavras, les courses-poursuites de Balle perdue 3, la bataille géante d’Astérix et l’Empire du Milieu avec ses 400 figurants en armure… Robin est partout. Il raconte encore les yeux brillants la scène des barricades tournées à Bordeaux pour la prochaine adaptation des Misérables réalisée par Fred Cavayé. Chaleur écrasante, pavés, fumées, chevaux. Du lourd.
Mais le moment qui le marque le plus ? Sans hésiter, son passage sur The Walking Dead : Daryl Dixon. Tournage de nuit au Mont-Saint-Michel, équipe réduite, ambiance glaciale. Il joue un garde qui se fait assommer par Carol (Melissa McBride en personne).
J’étais fan de la série depuis le début. Me retrouver seul avec elle dans la ruelle, juste nous deux et l’équipe technique… J’ai failli oublier mon texte de garde ! Mais on reste pro, on est là pour bosser, pas pour la selfie.
Robin Lallart
Doubler Orelsan dans Yoroï : le running gag qui marque
Et puis arrive l’été 2024. Appel pour Yoroï, le premier film réalisé par le rappeur caennais. Robin devient la doublure cascade du réalisateur-acteur lui-même. Le gag récurrent du film ? Un puits. Des chutes, des remontées, des plans de dos. Pendant plusieurs jours dans les studios de Bry-sur-Marne, il aide Orelsan à enfiler le baudrier, règle les prises sur la paroi, prend les impacts à sa place.
À la fête de fin de tournage, ils finissent par discuter tranquillement. Le rappeur est d’une simplicité désarmante malgré la pression. Robin garde un souvenir ému de ces échanges « de tout et de rien ».
Un métier magnifique… et précaire
Parce que oui, derrière le glamour, il y a la réalité du terrain. Les cascadeurs sont intermittents du spectacle. Pour toucher le chômage, il faut valider 507 heures par an, soit environ 43 cachets. En 2024, Robin les a largement dépassés. En 2025 ? Il tourne autour de 44. Quand il n’y a pas de film avec des cascades, il n’y a pas de boulot. Point.
Et le risque est quotidien. Une chute mal réceptionnée, un accessoire qui lâche, une mauvaise coordination… Il connaît des collègues qui ont fini à l’hôpital pour des mois. Lui touche du bois, mais reste lucide :
Il faut avoir peur, mais une peur raisonnable. Si tu n’as plus peur, tu deviens dangereux. Pour toi et pour les autres.
Ce qui fait un bon cascadeur selon Robin
- Maîtrise parfaite de son corps et de l’espace
- Concentration absolue même après 15 heures de tournage
- Capacité à répéter dix fois la même chute sans variation
- Anticipation permanente : sol, caméra, partenaires, météo…
- Humilité : on est là pour servir l’histoire et protéger l’acteur, pas pour briller
Et surtout, une passion qui ne s’éteint jamais. À 30 ans à peine, Robin Lallart a déjà un palmarès que beaucoup lui envient. Mais il sait que rien n’est acquis. Chaque nouveau projet est une bataille. Chaque cascade, une petite victoire.
Alors la prochaine fois que vous verrez un héros tomber de trois étages ou se prendre un coup de sabre, pensez à ces gars de l’ombre. Ceux qui viennent de l’Oise ou d’ailleurs, qui se lèvent à 4 h du matin pour répéter une chute parfaite et rentrent le soir avec des bleus mais heureux d’avoir fait rêver des millions de spectateurs.
Robin, lui, continue de grimper. Littéralement et figurativement. Et quelque chose me dit qu’on n’a pas fini d’entendre parler de ce Picard volant.
(Article mis à jour le 7 décembre 2025 – plus de 3200 mots d’interview et d’anecdotes exclusives pour vous plonger dans les coulisses d’un métier fou)
