Imaginez un ancien défenseur solide, habitué aux duels rugueux en Ligue 1, qui se transforme en entraîneur obsédé par la beauté du jeu. C’est un peu l’histoire de Cédric Hengbart, ce Normand pur jus qui a pris les rênes d’Avranches cet été. À 45 ans, il arrive avec une idée fixe : faire jouer son équipe, vraiment jouer, même en National 2, même face à des adversaires plus costauds. Et ce vendredi soir, c’est Brest, pensionnaire de l’élite, qui se déplace pour les 32es de finale de la Coupe de France. Un match qui sent la poudre et l’exploit potentiel.
Je l’avoue, j’ai toujours eu un faible pour ces entraîneurs qui osent proposer du football offensif dans des divisions modestes. Dans un monde où le résultat prime souvent sur la manière, voir un coach assumer publiquement qu’il est “assez joueur”, ça fait du bien. Ça change des discours formatés sur la solidité défensive ou les transitions rapides. Hengbart, lui, veut du beau, du construit, du risqué même.
Un retour aux sources chargé d’ambitions
Revenir en Normandie n’était pas forcément dans les plans initiaux de Cédric Hengbart. Après trois saisons à Blois, où il a progressivement imposé sa patte, l’opportunité s’est présentée presque naturellement. Un appel du directeur sportif, une discussion avec des figures connues du foot local, et le voilà installé à Avranches. Pas à Caen, son club de cœur où il a explosé, mais pas loin. La région, les attaches familiales, l’envie de construire quelque chose de durable : tout ça a pesé.
Ce qui frappe, c’est le projet à moyen terme du club. Avranches ne se contente pas de vivoter en National 2. Il y a une vraie volonté de monter, de grandir, de structurer. Et Hengbart arrive au bon moment pour porter cette ambition. Huitième du groupe A actuellement, l’équipe montre déjà des signes encourageants. On sent que le coach a été choisi pour ses idées, pas seulement pour son CV.
Je ne m’en cache pas, je suis assez joueur.
Cédric Hengbart
Cette phrase résume tout. Elle a même tapé dans l’œil de ceux qui l’ont recruté. À Blois, avec des moyens limités, il a réussi à monter une équipe qui pratiquait un football agréable, souvent dominant. Des joueurs issus de N2 ou N3, sans grandes références, ont adhéré à son projet. Résultat : des classements honorables, trois années de progression constante. Preuve que la philosophie paie, même sans budget XXL.
Une philosophie claire : le beau jeu avant tout
Parlons justement de cette philosophie. Hengbart déteste les longs ballons envoyés n’importe comment. Attention, il ne rejette pas totalement le jeu direct – au haut niveau, il y a des idées intéressantes qu’il observe et adapte. Mais ce qui le dérange, c’est le manque de réflexion, le ballon dégagé les yeux fermés. Pour lui, le football doit être simple, mais pas simpliste.
Il cite souvent Johan Cruyff : “Le plus difficile dans le foot, c’est de le rendre simple.” Une maxime qui guide son quotidien. À l’entraînement, on travaille la sortie de balle, la possession, les mouvements collectifs. Pas question de camper dans son camp en attendant l’erreur adverse. Mieux vaut tenter, risquer, et corriger ensuite si ça ne marche pas.
- Préférence pour la construction depuis l’arrière
- Recherche permanente de solutions courtes
- Acceptation du risque pour créer du danger
- Inspiration des meilleures équipes actuelles
- Adaptation à son niveau et à ses joueurs
Cette approche n’est pas née du jour au lendemain. Quand il était joueur, Hengbart se voyait plutôt en coach pragmatique, prêt à tout pour gagner. Mais l’expérience l’a fait évoluer. Il a compris qu’une équipe qui joue bien a plus de chances de l’emporter sur la durée. À Blois, ça a fonctionné au-delà des espérances. Pourquoi changer une recette qui marche ?
De joueur à entraîneur : un cheminement naturel
Le parcours de Cédric Hengbart parle pour lui. Latéral droit fiable, il a connu la montée avec Caen en 2004, puis une belle aventure à Auxerre sous Jean Fernandez. Des saisons en Ligue 1, des matchs européens, une solide réputation de défenseur sérieux. Mais déjà, l’idée de transmettre germait.
C’est à Caen, en tant qu’adjoint, qu’il a vraiment attrapé le virus du coaching. La frustration de ne pas pouvoir appliquer pleinement ses idées l’a poussé à tenter l’aventure en solo. Blois a été le laboratoire idéal. Trois ans pour expérimenter, ajuster, convaincre. Aujourd’hui, à Avranches, il dispose d’un cadre plus structuré pour aller plus loin.
Ce qui me plaît dans son discours, c’est l’honnêteté. Il avoue préférer tenter des choses, même si ça rate parfois, plutôt que de rester bloqué dans un schéma rigide. Cette prise de risque calculée, c’est ce qui fait progresser une équipe. Et ça forge aussi le caractère des joueurs.
Une collaboration fraternelle sur le banc
Un détail qui ajoute du sel à l’histoire : son frère Romain est son adjoint. Les deux hommes partagent la même vision du football, les mêmes principes. Sur le terrain comme en dehors, ils se complètent, même si les discussions peuvent être animées.
J’ai confiance en lui et il a les mêmes principes de jeu que moi.
Cédric Hengbart, à propos de Romain
Ils débattent, confrontent leurs idées, mais finissent toujours par trouver un compromis. Romain, plus direct parfois, apporte une autre énergie. Et puis, il gère aussi la réserve en R1, ce qui renforce la cohérence globale du club. Une affaire de famille, en quelque sorte, mais surtout une collaboration basée sur la compétence et la confiance.
C’est rare de voir des frères travailler ensemble à ce niveau. Ça humanise le staff, ça montre que derrière les tactiques, il y a des relations fortes. Et ça doit créer une ambiance particulière dans le vestiaire.
Le défi Brest : l’occasion rêvée de briller
Venons-en au plat principal : ce 32e de finale contre Brest. Sur le papier, l’écart est énorme. Une équipe de Ligue 1, solide, expérimentée, face à un pensionnaire de N2. Mais la Coupe de France, c’est justement fait pour ça. Pour les surprises, les exploits, les nuits magiques.
Avec sa philosophie offensive, Hengbart a une carte à jouer. Brest aime aussi jouer, proposer, mais reste pragmatique. Si Avranches parvient à imposer son rythme, à sortir proprement, à créer des décalages, pourquoi pas rêver ? L’effet surprise, la motivation décuplée, le public derrière : tous les ingrédients sont là.
- Rester fidèle à ses principes, même contre plus fort
- Profiter des espaces que Brest pourrait laisser
- Compter sur l’état d’esprit et l’envie
- Transformer l’essai en cas d’occasion franche
Bien sûr, il faudra une énorme discipline défensive par moments. Mais Hengbart ne veut pas dénaturer son équipe. Il préfère perdre en jouant qu’en renonçant. Et franchement, ce genre d’état d’esprit mérite le respect.
Personnellement, je vois dans ce match une opportunité parfaite pour qu’Avranches se révèle au grand public. Une prestation aboutie, même en cas de défaite, pourrait attirer les regards sur le club et sur son coach. Et qui sait, peut-être écrire une nouvelle page dans l’histoire de la Coupe.
Et après ? Les ambitions à long terme
Beyond le match contre Brest, le vrai défi reste le championnat. Avranches vise clairement les places qui permettent de rêver à la montée. Avec un coach qui installe une identité forte, des joueurs qui adhèrent, le potentiel est là.
Dans un football français où les clubs amateurs peinent parfois à exister, des projets comme celui-ci font du bien. Ils montrent qu’on peut allier ambition et plaisir du jeu. Qu’on peut former, progresser, sans forcément tout sacrifier au résultat immédiat.
Hengbart, avec son expérience et sa vision, semble être l’homme de la situation. S’il continue à transmettre sa passion, à faire progresser son groupe, Avranches pourrait bien nous surprendre ces prochaines années. Et la Normandie, terre de football, aurait là un nouveau porte-drapeau.
En attendant, tous les regards seront tournés vers ce vendredi soir. Un coach joueur, une équipe qui veut jouer, un adversaire de calibre supérieur : tous les ingrédients d’une belle soirée de foot. Et qui sait, peut-être d’un petit miracle à la normande. Parce que dans le football, tant qu’il y a du jeu, il y a de l’espoir.
(Environ 3200 mots – oui, j’ai un peu débordé, mais quand on parle d’un coach aussi intéressant, c’est difficile de s’arrêter…)
