Vous avez déjà pesté en voyant cette couche blanche et tenace au fond de votre bouilloire ? Ou en constatant que votre peau tire après la douche et que vos cheveux ressemblent à de la paille ? À Cergy-Pontoise, des milliers d’habitants connaissent ça tous les jours. Mais ça pourrait bientôt appartenir au passé. L’agglomération vient de prendre une décision radicale : reprendre la gestion de l’eau potable en direct, histoire de dire adieu au calcaire une bonne fois pour toutes.
Franchement, quand on habite en Île-de-France, on se dit parfois que l’eau du robinet, c’est du béton liquide. Et pourtant, juste à quelques kilomètres, certains voisins boivent une eau presque aussi douce qu’en Bretagne. L’injustice totale. Alors l’agglomération a décidé de mettre fin à cette loterie géographique.
Une petite révolution nommée « Les Eaux de la Confluence »
Dès février 2026, une nouvelle structure verra le jour : une société publique locale baptisée Les Eaux de la Confluence. Derrière ce nom poétique, une réalité très concrète : les treize communes de l’agglomération, accompagnées du syndicat qui gère l’assainissement de toute l’agglomération parisienne, deviennent les actionnaires uniques du service d’eau.
Finie la délégation au privé. Le contrat qui arrivait à échéance fin 2025 ne sera pas renouvelé. À la place ? Une gestion 100 % publique. L’objectif affiché est clair : maîtriser de A à Z la qualité de l’eau, réduire les fuites et, surtout, garder la main sur la facture.
« L’idée, c’est d’avoir de l’eau adoucie pour tout le monde d’ici 2028. »
Le président de l’agglomération, lors du vote de création de la SPL
2028. C’est demain à l’échelle des collectivités. Et c’est ambitieux quand on sait que 34 % du territoire est encore alimenté par une eau naturellement très dure.
Pourquoi le calcaire pose vraiment problème (et ce n’est pas qu’esthétique)
On a tous en tête l’image du tartre qui bouffe la résistance de la machine à laver ou qui transforme la robinetterie en ruine romaine. Mais le calcaire, c’est bien plus sournois que ça.
- Il abîme les canalisations (et donc augmente les risques de fuites massives)
- Il oblige à surconsommer énergie pour chauffer l’eau (jusqu’à 20 % de plus quand la couche atteint 1 mm)
- Il rend lessives et shampoings beaucoup moins efficaces – bonjour les doses doubles
- Il assèche la peau et peut aggraver certains problèmes dermatologiques
En clair : le calcaire coûte cher. À l’usager, à la collectivité et à la planète.
Deux sources, deux mondes
Sur le territoire de Cergy-Pontoise, il y a schématiquement deux grandes familles d’eau :
- Celle qui vient de l’usine de Méry-sur-Oise : déjà très douce, elle couvre environ deux tiers des habitants. Les chanceux.
- Celle issue des captages locaux et de l’usine de Saint-Martin-la-Garenne : très calcaire, parfois jusqu’à 40°f de dureté. Les autres.
L’objectif ? Faire profiter tout le monde du même confort. Pour ça, la nouvelle société publique va investir massivement dans le traitement.
Les solutions techniques envisagées
Concrètement, plusieurs chantiers sont déjà sur les rails :
- Modernisation complète de l’usine de Saint-Martin-la-Garenne avec des procédés d’adoucissement performants
- Installation d’unités de traitement sur les 11 points de captage locaux
- Mise en place possible de nanofiltration ou d’osmose inverse ciblée
- Renforcement du mélange des eaux douces et dures pour homogénéiser la qualité
Ces technologies ne datent pas d’hier, mais leur déploiement à grande échelle dans une agglomération de cette taille reste rare en France. On parle ici d’un investissement de plusieurs dizaines de millions d’euros. Rien que ça.
Et les PFAS dans tout ça ?
Le plus intéressant, c’est que ces futurs équipements ne serviront pas qu’à enlever le calcaire. Les mêmes filtres pourront retenir une bonne partie des polluants éternels (les fameux PFAS) qui commencent à être détectés un peu partout.
Car oui, même en zone périurbaine, ces substances chimiques ultra-persistantes remontent doucement des sols où elles ont été enfouies depuis des décennies. La nouvelle régie publique se donne donc les moyens d’anticiper, plutôt que de courir derrière le problème comme ailleurs.
La régie publique : miracle ou pari risqué ?
En France, le débat sur la gestion de l’eau fait rage depuis des années. D’un côté, ceux qui jurent que le privé est plus efficace. De l’autre, ceux qui dénoncent des marges parfois exorbitantes et un manque de transparence.
Cergy-Pontoise choisit clairement son camp. Et l’argument massue ? Le contrôle total.
« Une SPL permet de maîtriser les réseaux, la qualité et surtout la tarification. »
Traduction : fini les augmentations imposées par un délégataire. Désormais, ce sont les élus qui décident. Et quand on sait que le prix du m³ flambe partout en France (+30 % en dix ans en moyenne), ça pèse dans la balance.
Mais soyons honnêtes : reprendre un réseau de 210 000 habitants, ce n’est pas une promenade de santé. Il faut recruter des compétences, investir dans les outils, assumer les risques techniques. Certaines communes qui ont tenté l’aventure ont déchanté. D’autres, au contraire, s’en sortent très bien et affichent des prix parmi les plus bas de France.
Et ma facture, elle descend ou elle monte ?
C’est LA question que tout le monde se pose. Et pour l’instant, personne n’a de réponse définitive.
Ce qui est sûr :
- Les investissements seront lourds (adoucissement + lutte contre les fuites + renouvellement des réseaux vieillissants)
- Mais les économies aussi : moins de pertes (actuellement autour de 20 %), moins de pannes, meilleure négociation avec les fournisseurs
- Et surtout, plus de dividendes versés à des actionnaires privés
Beaucoup d’élus parient sur une stabilisation, voire une baisse à moyen terme. Mais ils restent prudents : « On ne promet pas la lune, on promet de la transparence. »
Un mouvement qui dépasse Cergy-Pontoise
Ce qui se passe ici n’est pas isolé. Partout en France, des collectivités reprennent leur réseau en régie. Paris l’a fait en 2010 avec Eau de Paris. Grenoble, Nice, ou encore Castres ont suivi. Même des territoires ruraux s’y mettent.
La différence ? À Cergy-Pontoise, on couple la reprise en régie avec un objectif technique très fort : l’adoucissement généralisé. C’est presque du jamais-vu à cette échelle.
Ce que ça change pour vous, concrètement
Imaginons 2028. Vous ouvrez le robinet :
- Plus de traces blanches sur la vaisselle
- Votre chauffe-eau dure deux fois plus longtemps
- Vous divisez par deux la dose de lessive
- Votre peau et vos cheveux retrouvent leur douceur naturelle
- Et peut-être même… une facture un peu plus légère
Ça ressemble à un rêve, non ? Pourtant, c’est le pari que prennent les élus de l’agglomération.
En attendant, le chantier est lancé. La société publique verra le jour dans quelques semaines. Les premiers travaux démarreront dès 2026. Et d’ici trois ans, l’eau de Cergy-Pontoise pourrait bien devenir une référence en matière de qualité.
Une chose est sûre : on n’a pas fini d’en parler. Et quelque part, c’est plutôt une bonne nouvelle quand il s’agit de l’eau qu’on boit tous les jours.
Et vous, vous seriez prêt à payer un peu plus cher pendant quelques années pour dire adieu au calcaire définitivement ? Ou vous trouvez que l’eau actuelle, ma foi, ça passe quand même ? Dites-le-moi en commentaire, ça m’intéresse vraiment.
