Vous est-il déjà arrivé de vous battre pour quelque chose que tout le monde semble avoir abandonné ? Moi, quand j’ai lu ce qui vient d’arriver aux bénévoles du château de Serquigny, j’ai eu mal au ventre. Vraiment. Parce que, franchement, il y a des jours où on se demande si le sort ne s’acharne pas sur ceux qui essaient encore de croire que le patrimoine, ça vaut la peine qu’on se lève le samedi matin.
Reprenons depuis le début, calmement. Fin 2023, dans la nuit du 30 au 31 décembre, un incendie ravage une grande partie de ce magnifique château du XVIIe siècle niché dans l’Eure. Les images avaient fait le tour des écrans : toitures effondrées, façades noircies, un spectacle de désolation. On aurait pu croire que c’était la fin de l’histoire.
Eh bien non. Des gens ont refusé la fatalité.
Un château à un euro symbolique : quand la commune dit oui
Très vite après le sinistre, les 21 propriétaires, épuisés par des années de galères et l’ampleur des dégâts, décident de passer la main. Direction : la commune. Pour la somme symbolique d’un euro. Oui, vous avez bien lu. Un château entier pour un euro. C’est le genre d’histoire qu’on n’ose même plus rêver dans les films.
Mais un château, même offert, ça ne se restaure pas avec des sourires et des bonnes intentions. Il faut déjà entretenir le parc, dégager les abords, rendre l’endroit présentable pour espérer attirer un jour un investisseur, un mécène, quelqu’un qui croira au projet. C’est là qu’entre en scène l’association créée spécialement pour ça.
Tous les deuxièmes samedis du mois, une poignée de passionnés se retrouvent, sécateurs et tondeuses en main, pour tailler, ramasser, nettoyer. Gratuitement. Par amour du patrimoine et par envie de voir renaître un jour ces vieilles pierres.
Le coup de massue du 11 novembre
Ils venaient juste d’investir dans du matériel neuf. Une débroussailleuse, une souffleuse thermique – des outils costauds, indispensables quand on doit affronter des hectares de ronces et de feuilles mortes. Quelques jours après l’achat, tout disparaît. Volé en pleine nuit.
450 euros, ce n’est pas une somme folle quand on parle de restauration d’un château. Mais quand cet argent vient de vide-greniers, de tombolas, de dons de 5 ou 10 euros récoltés pendant des mois, chaque centime compte. Et surtout, chaque outil représente des heures de travail bénévoles qui partent en fumée une deuxième fois.
« Ce matériel représentait bien plus que de simples outils ; il était le fruit de l’engagement collectif, de la générosité de nos donateurs et du dévouement de nos bénévoles. Leur disparition constitue une atteinte directe à nos projets et à l’esprit de solidarité qui anime notre association depuis sa création. »
Le bureau de l’association
Quand on lit ça, on sent la colère, mais surtout une immense tristesse. C’est le genre de phrase qui vous reste en travers de la gorge.
Et maintenant ? On baisse les bras ou on continue ?
La réponse est claire : on continue. Plainte a été déposée à la gendarmerie, évidemment. Mais en parallèle, les bénévoles ont lancé une cagnotte en ligne. Pas pour pleurnicher, non. Pour transformer ce coup bas en élan de solidarité plus large.
Parce que oui, parfois, il faut que ça aille mal pour que les gens se réveillent. J’ai vu ça mille fois : un incendie, un vol, une tempête, et soudainement tout le monde se souvient que ce château, c’est un bout de notre histoire commune.
- Ils ont besoin de remplacer la débroussailleuse et la souffleuse
- Mais aussi d’acheter des outils plus sécurisés (antivols, coffres…)
- Et pourquoi pas investir dans quelques panneaux solaires pour éclairer le parc sans dépendre du réseau
- Ou tout simplement financer les gants, les bottes, le café qui réchauffe les mains en hiver
Rien de luxueux. Juste de quoi continuer à rendre ce lieu accessible et attirant.
Pourquoi ce château mérite qu’on se batte pour lui
Serquigny, ce n’est pas Versailles, je vous l’accorde. Mais c’est précisément pour ça qu’il compte. Ce sont ces châteaux de seconde zone, comme on les appelle parfois un peu trop vite, qui racontent la vraie vie de nos territoires. Construit au XVIIe, modifié au XVIIIe, habité, vendu, racheté, négligé, aimé à nouveau… Il a tout connu.
Au-delà des pierres, c’est tout un écosystème qui gravite autour : les promeneurs du dimanche, les écoles qui viennent en sortie, les photographes amateurs, les amoureux d’histoire locale. Si demain le parc redevient une jungle impénétrable, c’est tout ça qui meurt doucement.
Et puis, soyons honnêtes : combien de projets magnifiques ont démarré grâce à quelques fous furieux qui refusaient d’abandonner ? J’en connais des dizaines. Des églises sauvées, des moulins restaurés, des théâtres repris par des habitants… Ça commence toujours comme ça. Par une association qui se retrousse les manches. Et parfois par un vol qui met tout en péril.
Ce que ce vol nous dit de notre société
On pourrait s’énerver – et on s’énerve, croyez-moi. Voler les outils de bénévoles qui bossent gratuitement pour le bien commun, il faut quand même avoir une sacrée conception de la vie. Mais au-delà de la colère, il y a une question qui me trotte dans la tête : pourquoi est-ce si facile de détruire et si dur de construire ?
Un incendie (peut-être criminel, l’enquête le dira un jour), puis un cambriolage… On dirait presque un acharnement. Comme si certains refusaient de voir renaître ce lieu. Ou pire : comme si ça n’avait simplement aucune importance pour eux.
Et pourtant, chaque euro donné aujourd’hui, chaque partage de la cagnotte, chaque message d’encouragement, c’est une petite victoire contre cette indifférence.
Comment vous pouvez aider, concrètement
Si vous habitez dans l’Eure ou en Normandie, peut-être que vous pourriez rejoindre les chantiers du deuxième samedi du mois. Si vous êtes plus loin, un don, même modeste, fait toute la différence. Et si vous n’avez ni temps ni argent, partagez l’information. Parlez-en autour de vous. C’est déjà énorme.
Parce que l’histoire du château de Serquigny, finalement, c’est un peu la nôtre. Celle d’un pays qui a la mémoire courte mais qui, quand il se souvient qu’il a un patrimoine à protéger, est capable de se mobiliser comme personne.
Alors oui, aujourd’hui, les bénévoles ont le cœur lourd. Mais quelque part, je suis convaincu que ce vol idiot va se transformer en accélérateur. Parce que quand on touche à ceux qui se battent pour le beau, on réveille souvent bien plus de monde qu’on ne l’imagine.
Le château de Serquigny n’est pas encore sauvé. Loin de là. Mais tant qu’il y aura des gens pour couper les ronces un samedi matin, même sans débroussailleuse, il restera debout.
Et ça, aucun voleur ne pourra jamais le leur prendre.
