Imaginez un peu : vous caressez votre chiot et, sous vos doigts, vous sentez du métal froid incrusté dans sa peau. Pas une médaille, non. Une chaîne. Une vraie chaîne qui a fini par disparaître sous les chairs gonflées et purulentes. C’est exactement ce qu’ont découvert les sauveteurs quand ils ont pris en charge Grizzly, à peine âgé de neuf mois.
Franchement, chaque fois que je tombe sur ce genre d’histoire, j’ai le cœur qui se serre et l’estomac retourné. Parce que derrière l’horreur pure, il y a toujours cette question qui cogne : comment peut-on laisser un bébé chien en arriver là ?
Une plaie qui raconte des semaines de souffrance silencieuse
Le 19 novembre dernier, en Seine-Saint-Denis, un jeune chien est amené dans une clinique vétérinaire. L’homme qui le dépose prétend s’en occuper mais refuse catégoriquement de payer les soins. Très vite, les vétérinaires et bénévoles comprennent qu’il y a un gros problème.
Autour du cou du chiot, baptisé ensuite Grizzly, une vision cauchemardesque : un collier étrangleur tellement enfoncé que la peau lanière métallique est presque invisible, recouverte par des tissus enflés et infectés. La chaîne pend encore, accrochée à ce qui reste du collier. Les chairs ont littéralement poussé par-dessus le métal, preuve que l’animal a porté cet instrument de torture pendant des semaines, voire des mois.
« Voir la chair complètement refermée sur la chaîne, c’est la certitude que personne n’a rien fait pendant très longtemps. »
Une bénévole présente lors de la prise en charge
Deux scénarios se dessinent, tous les deux glaçants :
- Soit le chiot a été attaché en permanence avec une chaîne trop courte et, en grandissant, le collier s’est incrusté sans que personne ne le desserre.
- Soit on lui a volontairement mis un collier étrangleur beaucoup trop serré, qui a fini par couper la peau à mesure que l’animal prenait du poids.
Dans les deux cas, le résultat est le même : une plaie ouverte, surinfectée, avec des risques de septicémie. Grizzly tremblait de douleur et de fièvre quand il est arrivé.
L’intervention d’urgence qui lui a sauvé la vie
Les vétérinaires n’ont pas hésité une seconde : opération immédiate. Il a fallu découper les tissus nécrosés, retirer la chaîne morceau par morceau (elle était littéralement fondue dans la chair), nettoyer en profondeur et refermer tant bien que mal.
Après l’intervention, Grizzly portait un énorme pansement autour du cou et une collerette. Mais surtout, il portait dans les yeux cette peur viscérale qu’ont tous les animaux qui ont compris que l’homme peut faire mal. Très mal.
Aujourd’hui, quelques semaines plus tard, la cicatrice est encore impressionnante, rouge et boursouflée. Mais le chiot mange, remue timidement la queue et commence à faire confiance. C’est long, c’est fragile, mais c’est en cours.
Le propriétaire retrouve… et refuse de payer
L’histoire prend une tournure encore plus sordide quand le vrai propriétaire se pointe à la clinique. Convoqué après que le premier homme a été démasqué, il arrive, regarde son chien dans un état effroyable et… refuse de régler la facture vétérinaire.
Autant dire que les bénévoles sont restés bouche bée. Le vétérinaire a immédiatement prévenu la police. Le propriétaire a été placé en garde à vue pour actes de cruauté et sévices graves sur animal domestique. Une plainte a été déposée et l’enquête suit son cours.
Entre nous, quand on sait que la loi française punit ces actes jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 € d’amende (et même 5 ans et 75 000 € en cas de mort de l’animal), on se dit que certains devraient y réfléchir à deux fois avant de « oublier » de changer le collier ».
Les colliers étrangleurs, bientôt totalement interdits ?
Ce genre d’affaire revient hélas régulièrement dans l’actualité. Et à chaque fois, on repose la même question : pourquoi ces outils de dressage d’un autre âge sont-ils encore en vente libre ?
Petit rappel : en janvier 2023, l’Assemblée nationale a voté presque à l’unanimité une proposition de loi pour interdire la vente et l’utilisation des colliers étrangleurs et à pointes. Le texte attend toujours son adoption définitive au Sénat. En attendant, ces objets continuent de faire des victimes.
- Ils provoquent des lésions graves à la trachée, au larynx et aux vertèbres cervicales.
- Ils augmentent l’agressivité de l’animal par peur et douleur.
- Ils sont totalement contre-indiqués pour les chiots en croissance.
Bref, même en dehors de cas extrêmes comme celui de Grizzly, ces colliers n’ont plus leur place en 2025.
Un raz-le-bol généralisé des associations
Les petites structures de protection animale croulent sous les signalements. En Île-de-France particulièrement, les bénévoles travaillent souvent 16 à 18 heures par jour, week-ends compris. L’été 2025 a été catastrophique : certaines refuges ont enregistré +30 % d’arrivées par rapport à 2024.
Manque de places, manque d’argent, manque de familles d’accueil… Et pourtant, ils continuent. Parce que derrière chaque photo insoutenable, il y a un animal qui peut encore être sauvé.
Grizzly, lui, a eu de la chance dans son malheur. Il est désormais suivi par une association sérieuse qui recherche une famille d’accueil patiente en région parisienne. Le chiot est décrit comme « très gentil mais craintif, besoin d’être rassuré en permanence ».
Et nous, on peut faire quoi ?
On peut déjà signaler. Un voisin qui laisse son chien attaché 365 jours par an avec une chaîne trop courte ? Un chiot qui hurle à la mort toute la journée ? On appelle le 3114 (numéro national de signalement maltraitance animale) ou la police municipale. Un signalement peut sauver une vie.
On peut aussi arrêter d’acheter des chiots sur internet ou dans des animaleries douteuses. 80 % des chiens maltraités graves viennent de trafics ou de particuliers irresponsables.
Et enfin, on peut aider les associations : don, bénévolat, famille d’accueil. Même quelques heures par mois, ça change tout.
« Un animal qui a connu l’enfer peut redevenir un compagnon formidable. Il suffit de lui redonner confiance, pas à pas. »
Au moment où j’écris ces lignes, Grizzly dort dans un panier douillet, loin de la chaîne qui a failli le tuer. Il a encore des cauchemars, il sursaute au moindre bruit, mais il commence à jouer. C’est peu, et c’est énorme à la fois.
Son histoire nous rappelle une chose toute simple : l’amour et la cruauté ne sont séparés que par quelques décisions humaines. À nous de choisir le bon camp qu’on veut défendre.
Si vous habitez Île-de-France et que vous avez de la place dans votre cœur (et votre canapé pour un chiot qui a besoin de douceur, n’hésitez pas à contacter les associations sérieuses. Des milliers de Grizzly attendent encore leur happy end.
Parce qu’eux, ils n’ont pas choisi de souffrir. Nous, on peut choisir d’arrêter ça.
