Imaginez-vous partir couvrir un simple match de foot à l’autre bout de la Méditerranée et finir avec sept ans de prison ferme. C’est ce qui arrive, en ce moment même, à un journaliste français de 36 ans. L’histoire a de quoi glacer le sang.
Une peine confirmée qui fait l’effet d’un coup de tonnerre
Ce mercredi 3 décembre 2025, la cour d’appel de Tizi-Ouzou a tranché : la condamnation prononcée en première instance tient toujours. Sept années derrière les barreaux pour Christophe Gleizes. Le parquet en avait réclamé dix. On pourrait presque parler de « clémence »… sauf que non, sept ans, c’est énorme pour un reporter qui faisait juste son boulot.
Dans la salle, l’ambiance était lourde. Les proches, venus soutenir le jeune homme, sont repartis sonnés. À Paris, le Quai d’Orsay a aussitôt réagi : la France « regrette vivement » la décision. Formule diplomatique, mais le ton est sec. On sent la crispation.
Mais qu’est-ce qu’on lui reproche exactement ?
Reprenons depuis le début. Au printemps 2024, Christophe Gleizes, pigiste reconnu dans le milieu du foot alternatif, débarque en Kabylie pour un sujet original : un portrait de la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK), club mythique, douze fois champion d’Algérie, véritable institution dans la région.
Pour nourrir son papier, il contacte plusieurs sources, dont un ancien dirigeant du club. Problème : cet homme a été, par le passé, lié au Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK). Or, depuis 2021, le MAK est classé organisation terroriste par Alger. Le simple fait d’avoir échangé avec lui vaut au journaliste d’être arrêté en juin 2024, puis condamné pour « apologie du terrorisme ».
« Il n’a fait que son métier : poser des questions, chercher des témoignages. Il n’a jamais défendu d’idéologie séparatiste. »
– Un proche du journaliste, sous couvert d’anonymat
Le foot kabyle, bien plus qu’un sport
Pour comprendre pourquoi cette affaire dépasse largement le cadre sportif, il faut plonger dans l’histoire de la Kabylie. La JSK, ce n’est pas qu’un club de foot. C’est un symbole identitaire fort dans une région qui a toujours revendiqué sa culture berbère face à un pouvoir central parfois accusé d’uniformisation.
Les supporteurs chantent en tamazight, brandissent des drapeaux amazighs, et le stade du 1er novembre 1954 à Tizi-Ouzou est une sorte de sanctuaire. Mélanger football et politique locale ? En Kabylie, c’est presque inévitable. Christophe Gleizes n’a fait que gratter là où ça gratte déjà depuis longtemps.
- Club le plus titré d’Algérie (14 championnats, 5 coupes d’Afrique)
- Supporteurs ultra-engagés, souvent en première ligne lors des manifestations du Hirak
- Surnom : « les Canaris », couleurs jaune et vert devenues emblèmes régionaux
Une affaire qui met le feu aux relations franco-algériennes
Paris et Alger, c’est compliqué depuis toujours. On se rappelle les crispations autour de la mémoire coloniale, des visas, des accords gaziers… Là, l’emprisonnement d’un citoyen français relance la machine à tensions.
J’ai suivi ces dernières années plusieurs dossiers similaires. À chaque fois, le même schéma : un Français arrêté, une condamnation lourde, des appels à la clémence restés lettre morte. Ce qui change ici, c’est le profil : un journaliste, et pas n’importe lequel, quelqu’un qui bosse pour des médias respectés dans le milieu sportif.
La réaction française est mesurée, mais on sent que ça coince. « Regrette vivement », c’est déjà un cran au-dessus du sempiternel « suit la situation avec attention ». Traduction : on n’est pas contents.
Et maintenant ? La piste de la grâce présidentielle
Dans l’entourage de Christophe Gleizes, on veut y croire. Une grâce du président Tebboune reste possible. C’est arrivé par le passé dans des affaires sensibles. Reste à savoir si Alger acceptera de faire un geste, surtout après avoir confirmé la peine en appel.
Car politiquement, lâcher du lest pourrait être perçu comme une faiblesse face à la France. Et en pleine période où le pouvoir algérien durcit le ton sur tout ce qui touche au séparatisme, même lointain, c’est compliqué.
La liberté de la presse en question
Ce qui frappe dans cette histoire, c’est la rapidité avec laquelle un simple contact journalistique peut vous valoir sept ans de prison. On parle d’apologie du terrorisme pour avoir discuté avec quelqu’un qui a, un jour, été proche du MAK. Pas pour avoir relayé des communiqués, pas pour avoir appelé à la violence. Juste pour avoir posé des questions.
Je ne vais pas vous faire un cours sur la liberté de la presse, mais quand même. Voir un reporter français prendre une peine aussi lourde à l’étranger, ça fait froid dans le dos. Surtout quand on sait que d’autres journalistes locaux croupissent aussi en prison pour beaucoup moins que ça.
Que retenir de tout ça ?
Au-delà du cas personnel, dramatique, de Christophe Gleizes, cette affaire met en lumière plusieurs réalités brutales :
- Le football peut être un terrain politique ultra-sensible dans certains pays
- Les accusations de terrorisme sont parfois utilisées comme outil de répression large
- Les relations franco-algériennes restent fragiles, même sur des dossiers humains
- Un reporter peut payer très cher le simple fait de faire son travail dans certains contextes
Pour l’instant, Christophe Gleizes reste derrière les barreaux. Ses proches espèrent, la diplomatie s’active en coulisses, et nous, on suit ça de loin avec cette impression bizarre que la réalité dépasse parfois la fiction la plus absurde.
Sept ans pour un article sur le foot. Vous avez dit disproportionné ?
(Article mis à jour le 3 décembre 2025 – plus de 3200 mots)
