Imaginez-vous partir couvrir un événement sportif à l’étranger, tout se passe normalement, et puis un post sur les réseaux sociaux vous vaut sept ans de prison. C’est exactement ce qui arrive à Christophe Gleizes depuis l’été dernier. Et quand, ce mercredi, la justice algérienne confirme la sentence, c’est tout un pays qui retient son souffle.
Je ne vous cache pas que cette affaire me noue l’estomac à chaque fois que j’y pense. Parce qu’au-delà du cas personnel, elle touche à des questions qu’on préfère souvent laisser dans l’ombre : jusqu’où va la liberté d’expression, même maladroite, et comment un État protège-t-il vraiment ses ressortissants quand les relations diplomatiques sont électriques ?
Une condamnation qui tombe comme un couperet
Retour en arrière. Juin 2025. Christophe Gleizes, journaliste sportif bien connu des amateurs de boxe et de sports de combat, se trouve en Algérie pour son travail. Rien d’extraordinaire jusque-là. Sauf qu’un message publié sur les réseaux sociaux, jugé comme une apologie du terrorisme par les autorités locales, va tout faire basculer.
Arrêté, placé en détention provisoire, puis jugé en première instance : sept ans ferme. Mercredi, la cour d’appel a purement et simplement confirmé le verdict. Autrement dit, aucune réduction de peine, aucun signe d’apaisement. Pour beaucoup, c’est un choc.
« Profonde inquiétude » : les mots sont rares, mais lourds de sens quand ils sortent de l’Élysée.
Et là, Emmanuel Macron sort du silence. Dans un communiqué sec et déterminé, le président français assure qu’il suit l’affaire « avec la plus grande attention » et promet d’agir pour obtenir « la libération » du journaliste. On sent la colère contenue, mais aussi la prudence : on ne parle pas ici d’un simple différend commercial, on parle de relations entre deux États aux souvenirs historiques encore à vif.
Que reproche-t-on exactement à Christophe Gleizes ?
La question mérite d’être posée calmement. Selon les autorités algériennes, le message incriminé ferait l’éloge d’actes terroristes. Point. Mais quand on gratte un peu, les choses deviennent plus floues.
Des proches du journaliste parlent d’une phrase sortie de son contexte, peut-être maladroite, publiée dans le feu de l’actualité. D’autres évoquent une possible confusion avec un autre compte ou un montage. Ce qui est sûr, c’est que la qualification d’apologie du terrorisme est extrêmement large dans le code pénal algérien, et qu’elle est souvent utilisée dans des affaires sensibles.
- Un simple post sur les réseaux sociaux
- Une interprétation jugée dangereuse par les autorités
- Une procédure accélérée et une lourde peine
- Zéro marge de manœuvre en appel
Et voilà comment on passe de la couverture sportive à la cellule de prison en quelques semaines.
La réaction française : entre fermeté et realpolitik
L’Élysée n’a pas attendu longtemps pour réagir. Le ton est grave, presque solennel. On sent que cette affaire embarrasse autant qu’elle indigne.
« Le Président de la République suit cette affaire avec la plus grande attention et agit pour la libération de notre compatriote. »
Communiqué de l’Élysée, 3 décembre 2025
Mais agir, ça veut dire quoi concrètement ? On parle de discrètes négociations au plus haut niveau, de pressions en coulisses, peut-être de gestes d’apaisement sur d’autres dossiers brûlants (mémoire, visas, coopération sécuritaire). Car l’Algérie n’est pas n’importe quel partenaire : c’est un voisin, un fournisseur de gaz, un acteur majeur dans la lutte antiterroriste au Sahel.
Autrement dit, la France marche sur des œufs. On ne peut pas se permettre une crise ouverte, mais on ne peut pas non plus laisser un citoyen croupir en prison pour un motif que beaucoup jugent disproportionné.
Un climat judiciaire de plus en plus tendu en Algérie
Il faut le dire franchement : ces dernières années, les affaires impliquant des peines lourdes pour des publications en ligne se multiplient de l’autre côté de la Méditerranée. Journalistes, blogueurs, simples citoyens : la liste s’allonge.
L’article incriminé relève souvent de la loi sur le terrorisme ou de celle sur la cybersécurité, deux textes très larges qui laissent une marge d’interprétation énorme aux juges. Et quand le contexte politique est tendu, cette marge devient un outil.
Je ne porte pas de jugement global ici, mais force est de constater que la liberté d’expression, même imparfaite, en prend un coup. Et quand un ressortissant étranger est touché, l’affaire prend immédiatement une dimension internationale.
Et maintenant ? Les scénarios possibles
On peut imaginer plusieurs issues, même si aucune n’est garantie :
- Une grâce présidentielle algérienne, solution la plus propre mais la plus rare
- Une expulsion vers la France, avec interdiction de territoire (on l’a déjà vu dans d’autres affaires)
- Une réduction de peine en cassation, scénario long et incertain
- Une libération conditionnelle après plusieurs mois, le temps que les tensions retombent
En attendant, chaque jour passé en prison est un jour de trop. Pour Christophe Gleizes, pour sa famille, et pour tous ceux qui voient dans cette affaire un signal inquiétant.
Ce que cette affaire nous dit, au fond
Derrière les communiqués et les déclarations officielles, il y a une réalité plus brute. Celle d’un journaliste qui faisait simplement son métier, ou du moins qui pensait le faire. Celle d’un État qui protège ses ressortissants, mais qui doit parfois composer avec des partenaires aux règles très différentes des nôtres.
Et puis il y a nous, lecteurs, spectateurs, qui nous indignons à juste titre, mais qui oublions parfois à quel point la liberté de dire, d’écrire, de publier, reste fragile dès qu’on franchit une frontière.
Cette histoire n’est pas finie. Loin de là. Et quelque part, j’espère que la mobilisation – discrète ou publique – portera ses fruits. Parce qu’un journaliste en prison pour un post, même maladroit, c’est toujours un peu de nous tous qui prend sept ans.
(Article mis à jour le 4 décembre 2025 – Suivi en temps réel de l’évolution de l’affaire)
