Imaginez un instant : vous êtes journaliste, vous couvrez un événement sportif comme vous le faites depuis des années, et soudain, une condamnation tombe. Sept ans de prison. Pas pour corruption, pas pour violence, non. Juste pour avoir écrit, enquêté, informé. C’est ce qui arrive à Christophe Gleizes, et franchement, ça fait froid dans le dos.
On parle beaucoup de valeurs olympiques – respect, excellence, amitié – mais quand un reporter spécialisé dans le sport se retrouve derrière les barreaux pour avoir exercé son métier, on est en droit de se demander si ces mots ont encore un sens. Et quand un champion olympique historique décide de prendre la plume pour alerter le monde entier, on se doit d’écouter.
Guy Drut sonne l’alarme auprès du CIO
Il y a quelques heures à peine, Guy Drut, champion olympique du 110 m haies en 1976 et membre respecté du Comité international olympique, a envoyé une lettre ouverte à la présidente Kirsty Coventry. Le ton est grave, mesuré, mais sans ambiguïté. Il demande au CIO de sortir de son silence face à la condamnation confirmée en appel de Christophe Gleizes à sept années d’emprisonnement.
Pourquoi maintenant ? Parce que, selon lui, cette affaire touche directement au cœur même de ce que représente le mouvement olympique. Sans liberté de la presse, pas de transparence. Sans transparence, pas de crédibilité. Et sans crédibilité… eh bien, l’idéal olympique prend l’eau de toutes parts.
Sa condamnation et sa détention portent directement atteinte à la liberté de la presse sportive, laquelle constitue un pilier indispensable à la transparence, à la crédibilité et à l’intégrité du mouvement olympique.
Extrait de la lettre de Guy Drut
Difficile de dire les choses plus clairement. Et pourtant, à l’heure où j’écris ces lignes, l’institution olympique n’a toujours pas réagi publiquement. Un silence qui pèse lourd.
Une peine qui choque par sa sévérité
Sept ans. Prononcés en première instance, confirmés en appel à Tizi-Ouzou. Pour un journaliste qui couvrait des sujets sportifs en Algérie. On peut retourner la situation dans tous les sens, ça reste disproportionné. D’autant que les conditions de détention décrites par la famille et les proches sont particulièrement rudes.
Christophe Gleizes n’est pas un inconnu dans le milieu. Spécialiste du sport maghrébin, il a couvert des dizaines d’événements, toujours avec rigueur. Alors quand on voit un professionnel reconnu se retrouver dans une telle situation, on ne peut pas s’empêcher de penser que c’est aussi un signal envoyé à toute la profession : attention à ce que vous écrivez.
Et ça, personnellement, je trouve ça inquiétant. Parce que le sport sans journalisme libre, c’est un peu comme un stade sans lumière : on voit encore les formes, mais on ne comprend plus vraiment ce qui se passe.
Le CIO peut-il vraiment rester les bras croisés ?
C’est la grande question que pose Guy Drut. Et il a raison de la poser publiquement. Le Comité international olympique dispose d’une autorité morale unique. Quand il parle, le monde écoute – ou du moins, il est obligé de tendre l’oreille.
Alors oui, on me dira que la diplomatie sportive a ses limites, que le CIO n’est pas une ONG de défense des droits humains à temps plein. Mais quand un journaliste sportif est emprisonné dans des conditions discutables, est-ce que ça ne concerne pas directement le mouvement ? Après tout, la Charte olympique parle de respect de la dignité humaine, de promotion de la paix, de liberté d’expression. Tout y est.
- Respect de la dignité humaine → difficile quand un reporter dort en prison pour ses articles
- Solidarité internationale → rester muet, c’est choisir son camp
- Liberté d’expression → pilier mis à mal quand on sanctionne ceux qui informent
Je ne dis pas que le CIO doit déclencher une crise diplomatique. Mais un communiqué, une prise de position claire, un appel discret auprès des autorités concernées… ce ne serait déjà pas mal. Parfois, un simple rappel des valeurs suffit à faire bouger les lignes.
Et la France dans tout ça ?
Du côté français, on sent la mobilisation monter. La famille, les proches, les collègues : tout le monde pousse. On parle de grâce présidentielle, de discussions au plus haut niveau. Mais on sait aussi que ce genre de dossier est long, complexe, et que les relations franco-algériennes ne sont pas toujours au beau fixe.
L’intervention de Guy Drut pourrait changer la donne. Parce qu’elle internationalise le débat et le place sur le terrain du sport, un terrain où l’Algérie reste très présente et ambitieuse. Organiser des événements, accueillir des délégations, briller sur la scène mondiale : tout ça passe aussi par une image respectueuse des libertés fondamentales.
Et là, je pose la question sans détour : est-ce que le silence actuel ne risque pas, à terme, de compliquer les choses pour tout le monde ? Le sport est censé rassembler. Pas diviser.
Ce que cette affaire nous dit du journalisme sportif aujourd’hui
Derrière le cas Gleizes, il y a une réalité plus large. Le journalisme sportif n’est plus cette petite bulle où on ne parle que de performances et de médailles. Il touche à la politique, à l’argent, aux droits humains, aux questions de société. Et dès qu’on sort des sentiers battus, ça peut chauffer.
J’ai couvert moi-même des événements dans des pays où la liberté de ton n’était pas vraiment la norme. On apprend vite à peser ses mots. Mais il y a une différence entre être prudent et être réduit au silence par une condamnation aussi lourde. Là, on franchit un cap.
Et c’est peut-être ça le plus inquiétant : si même les journalistes 2024, 2028, 2032 se passent dans des contextes où les journalistes risquent gros, qu’est-ce que ça dit de l’avenir du sport mondial ?
Et maintenant ?
La balle est dans le camp du CIO. Kirsty Coventry a reçu la lettre. Les membres vont en parler, c’est certain. Restera à voir s’ils choisissent la voie du communiqué discret, de l’action en coulisses, ou s’ils préfèrent continuer à observer de loin.
En attendant, la famille de Christophe Gleizes continue de se battre. Les collègues aussi. Et quelque part, chaque article, chaque post, chaque prise de parole compte. Parce que l’indifférence, c’est le pire allié de l’injustice.
Moi, je garde espoir. Le sport a déjà prouvé qu’il pouvait faire bouger des montagnes quand il le voulait vraiment. Espérons que cette fois encore, il saura se montrer à la hauteur de ses valeurs. Parce que sept ans, c’est long. Trop long pour un journaliste qui n’a fait que son travail.
(Article mis à jour le 4 décembre 2025 – l’affaire est en évolution rapide)
