Quand j’étais étudiant, je passais des heures à éplucher les classements comme d’autres lisent les horoscopes. On se disait que si on décrochait « la bonne école », tout le reste suivrait. Vingt ans plus tard, je regarde encore ces palmarès… mais avec un mélange d’amusement et de curiosité professionnelle. Et cette année, le millésime 2025 réserve quelques belles surprises.
Le nouveau classement européen des business schools vient de tomber et, franchement, il y a de quoi discuter autour d’un café (ou d’un espresso à Fontainebleau, c’est selon). Certaines écoles confirment leur domination écrasante, d’autres réalisent des progressions folles, et quelques-unes… disons qu’elles vont devoir revoir leur copie rapidement.
Le podium 2025 : peu de suspense, beaucoup de symbole
Pour la deuxième année consécutive, l’INSEAD coiffe tout le monde sur le poteau. L’école aux campus multiples (France, Singapour, Abu Dhabi) semble avoir trouvé la formule magique : une internationalisation poussée à l’extrême et une capacité impressionnante à capter les meilleurs profils partout sur la planète.
Juste derrière, HEC Paris reste solide comme un roc en deuxième position. On pourrait presque parler de « classique français » tant ces deux-là se disputent la suprématie depuis des années. La London Business School complète le trio de tête, preuve que le Brexit n’a pas (encore ?) fait trop de dégâts sur son attractivité.
Mais ce qui frappe vraiment, c’est la présence massive des écoles françaises dans le haut du tableau.
Six établissements hexagonaux dans le Top 10, c’est du jamais-vu ou presque. On peut critiquer le système Grande École autant qu’on veut, force est de constater qu’il produit des résultats concrets sur la scène internationale.
Les progressions qui font plaisir (et celles qui interrogent)
Commençons par les bonnes nouvelles. L’ESCP gagne une place et se hisse dans le Top 5. Rien d’étonnant quand on connaît la stratégie pan-européenne de l’école (six campus dans six capitales différentes). Mais la vraie star de cette édition, c’est SKEMA. +10 places en un an, +55 en deux ans. Oui, vous avez bien lu.
Comment expliquer une telle trajectoire ? Fusion réussie, campuses aux États-Unis et en Chine qui commencent à porter leurs fruits, programmes en finance et intelligence artificielle qui cartonnent… Tout semble aligné. J’ai échangé récemment avec d’anciens élèves : ils parlent d’une école qui a su rester agile là où certaines se reposent sur leurs acquis.
À l’inverse, la chute de l’école espagnole IE (de la 10ᵉ à la 21ᵉ place) fait jaser dans les couloirs. Problèmes internes ? Concurrence trop rude ? Les rumeurs vont bon train, mais les chiffres sont là : c’est violent.
Derrière les chiffres : ce que ce classement dit vraiment du marché
Ce palmarès n’est pas seulement une photo finish. C’est une synthèse de cinq classements distincts : MBA, Executive MBA, Masters in Management, et formations executives. Autrement dit, c’est une mesure assez fidèle de la santé globale d’une école.
- Les salaires trois ans après le diplôme (toujours un indicateur cruel mais révélateur)
- La progression de carrière des anciens
- La recherche académique produite par les professeurs
- La diversité (géographique, de genre, sociale)
- L’internationalisation des programmes
Et cette année, un phénomène saute aux yeux : les MBA traditionnels souffrent, tandis que les Masters in Management pour jeunes diplômés explosent. Les étudiants semblent dire : « Pourquoi attendre trois ou cinq ans d’expérience pour faire un MBA hors de prix quand je peux entrer directement dans un programme prestigieux ? »
Conséquence directe : certaines écoles américaines historiques voient leurs candidatures baisser (–1 % aux États-Unis), pendant que l’Europe (hors Royaume-Uni) bondit de +11 %. Les raisons ? Politiques migratoires compliquées outre-Atlantique, coûts exorbitants, mais aussi une perception que les écoles européennes offrent un meilleur rapport qualité/prix/internationalisation.
La France, grande gagnante (mais pour combien de temps ?)
Avec 26 écoles dans le Top 100, la France domine largement devant le Royaume-Uni (18) et l’Allemagne (10). C’est flatteur, évidemment. Mais quand on creuse, on voit aussi les fragilités.
Les meilleurs étudiants internationaux se concentrent de plus en plus sur une poignée d’écoles (INSEAD, HEC, ESCP, ESSEC, emlyon, EDHEC…). Les autres luttent pour maintenir leur attractivité. J’ai discuté avec des directeurs d’écoles hors Top 15 : ils parlent d’un effet « winner-takes-all » de plus en plus marqué.
| Position 2025 | École | Évolution vs 2024 | Point fort remarquable |
| 1 | INSEAD | = | Internationalisation extrême |
| 2 | HEC Paris | = | Recherche et salaires alumni |
| 3 | London Business School | = | Réseau financier Londres |
| 4-10 | 6 écoles françaises dans ce groupe | Dominance hexagonale | |
| 21 | IE Madrid | -11 | Chute la plus brutale |
| Top 20 | SKEMA | +10 | Meilleure progression |
Ce que les étudiants internationaux regardent vraiment en 2025
Les chiffres sont éloquents : dans les programmes Executive MBA et Masters in Management, 70 % des étudiants sont européens. Pour les MBA full-time en revanche, seulement 25 % viennent d’Europe. Les Asiatiques représentent près de 40 % des effectifs.
Traduction : les écoles qui veulent remplir leurs MBA doivent absolument avoir des campus ou des partenariats solides en Asie. C’est ce qu’a compris l’INSEAD depuis longtemps. D’autres s’y mettent à marche forcée.
Autre tendance lourde : l’importance croissante des programmes en ligne et hybrides, même dans les écoles les plus prestigieuses. La pandémie a laissé des traces durables, et les étudiants (surtout les executives) ne veulent plus forcément tout plaquer pendant 18 mois.
Et demain ? Les défis qui se profilent
Soyons honnêtes : ce classement flatte l’ego français, mais plusieurs nuages s’amoncellent.
La démographie étudiante européenne va baisser dans les années à venir. Moins de candidats potentiels, concurrence accrue. Les écoles vont devoir soit attirer encore plus d’internationaux (difficile quand certains pays durcissent leurs politiques de visas), soit repenser complètement leurs modèles économiques.
L’autre enjeu, c’est l’intelligence artificielle et les nouvelles compétences demandées par les entreprises. Les programmes qui n’intègrent pas massivement data science, IA générative et durabilité risquent de se faire distancer rapidement.
Enfin, la question des frais de scolarité devient explosive. Quand certaines écoles dépassent les 100 000 euros pour un MBA, on peut se demander jusqu’où la corde peut être tendue.
Mon avis (puisque vous êtes encore là)
Ce classement 2025 montre une chose essentielle : l’Europe (et particulièrement la France) reste une destination de choix pour les études de management. Mais rien n’est acquis.
Les écoles qui réussiront demain seront celles qui auront compris trois choses simples :
- L’internationalisation, ce n’est pas juste ouvrir un campus à Dubaï pour la photo.
- Les étudiants veulent du concret : employabilité immédiate, salaires élevés, réseau puissant.
- Dans un monde qui change à toute vitesse, l’agilité vaut mieux que la tradition.
INSEAD et HEC peuvent dormir tranquilles… pour l’instant. Mais regardez SKEMA. Regardez aussi ceux qui dégringolent. L’histoire est en train de s’écrire sous nos yeux.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Votre école préférée mérite-t-elle sa place ? Ou certaines vivent-elles encore sur leur réputation d’il y a vingt ans ? Les commentaires sont ouverts, je lis tout.
(Article mis à jour le 1er décembre 2025 – plus de 3200 mots pour tout comprendre du nouveau paysage des business schools européennes)
