Imaginez-vous marcher dans une rue animée de Rabat, le soir, avec en tête mille projets qui bouillonnent. Et puis, d’un claquement de porte, plus rien. Plus de nouvelles, plus de traces, juste le vide. C’est exactement ce qui est arrivé à un jeune Français de 29 ans en avril 2024. Une histoire qui, un an et demi plus tard, continue de hanter sa famille et de faire naître mille questions.
Je ne vais pas vous assommer tout de suite avec des dates et des détails administratifs. D’abord, essayons de comprendre qui était vraiment ce garçon que tout le monde décrit comme « plein de vie ».
Un parcours qui sort de l’ordinaire
Clément Besneville n’a rien du cliché du jeune perdu ou dépressif. Titulaire d’un master en informatique, il avait déjà un bagage solide. Mais à un moment de sa vie, il a choisi une autre voie, plus spirituelle. Il s’est converti à l’islam, une décision profonde, réfléchie, qui l’a poussé à vouloir vivre sa foi pleinement. Et pour ça, direction le Maroc.
Début 2024, il pose ses valises à Rabat. Quartier de l’Océan, avenue Laalou, un appartement proche de la mer. L’air iodé, les appels à la prière, une nouvelle vie qui commence. Et comme il déborde d’énergie, il ne se contente pas de découvrir le pays : il prépare déjà son futur commerce. Une pizzeria. Oui, une pizzeria italienne dans la capitale marocaine. Parce que Clément, c’est le genre de personne qui mélange les cultures sans se poser de questions.
« Clément fourmille d’idées et de projets… Projets de vie, projet de commerce, projet en tous genres »
Un proche, sur la pétition lancée pour lui
Des proches racontent un garçon curieux, généreux, toujours prêt à aider. Le genre de personne qu’on remarque, qu’on n’oublie pas. Et pourtant…
Le soir où tout bascule
Nous sommes le 10 avril 2024. Clément doit signer cinq jours plus tard le bail de son futur restaurant, dans le quartier chic d’Agdal. Tout est prêt. Il est excité, il en parle à tout le monde.
Ce soir-là, vers 22 h 30, des voisins le voient sortir de son immeuble. Comme d’habitude, il ferme sa porte à clé et glisse celle-ci sous un pot de fleurs – une habitude qu’il avait prise pour ne jamais la perdre. Et puis… plus personne ne le reverra.
Aucun cri, aucun signe de lutte, aucune trace de sang. Juste une disparition nette, propre, terrifiante par son silence.
Ce qu’on a retrouvé chez lui
- Son passeport et sa carte d’identité
- Son téléphone portable
- Son ordinateur
- Ses lunettes (il en avait besoin pour voir de loin)
- De l’argent liquide
- Tous ses vêtements, ses affaires personnelles
Bilan ? Rien n’a bougé. Aucun retrait bancaire suspect, aucun billet d’avion, aucun passage de frontière détecté. Clément n’a pas fui. Il s’est littéralement évaporé dans la nuit rabatie.
Franchement, quand on lit ça, on a la chair de poule. Parce que ça pourrait arriver à n’importe qui, n’importe où.
Les premiers jours : l’angoisse qui monte
Trois jours passent. Un ami marocain, inquiet, finit par alerter la police locale le 13 avril. En France, la famille tente de le joindre sans succès. Le 25 avril, signalement officiel à la gendarmerie de Cély-en-Bière, près de Paris. Le dossier file ensuite vers les autorités françaises, puis marocaines.
Mais entre-temps, l’angoisse est déjà insupportable. Imaginez être parent et ne plus avoir de nouvelles de votre enfant de 29 ans, à l’autre bout de la Méditerranée, sans la moindre piste.
« Pas un signe. Pas une trace. Pas la moindre information sur ce qui lui est arrivé. Clément s’est simplement volatilisé, générant une inquiétude terrible »
Son père, Didier Besneville
Une enquête qui patine… pendant plus d’un an
Pendant des mois, la famille court après les informations. Les enquêteurs marocains assurent que le dossier avance. En réalité ? Rien. Aucune réponse concrète, aucun témoin crédible, aucune piste sérieuse.
En mars 2025, excédés, les parents portent plainte pour « enlèvement et séquestration » avec constitution de partie civile. Objectif : forcer l’ouverture d’une information judiciaire en France.
Puis, enfin, un tournant. Fin juillet 2025, le parquet national antiterroriste (PNAT) ouvre une enquête préliminaire. En octobre, une demande d’entraide pénale internationale est lancée. Cela signifie que la justice française va pouvoir consulter le dossier marocain, chose qui n’était pas possible jusqu’ici.
Pourquoi le PNAT ? La conversion à l’islam, le contexte géopolitique, le fait que le Maroc soit parfois une zone de passage pour certains profils radicalisés… Tout ça a forcément pesé. Même si, pour l’instant, rien ne prouve que Clément ait été impliqué dans quoi que ce soit de ce genre.
Les hypothèses qui circulent
Quand une disparition reste aussi opaque, les scénarios se multiplient. En voici quelques-uns, sans ordre de probabilité :
- Enlèvement crapuleux – même si rien n’a été demandé comme rançon
- Disparition volontaire – mais pourquoi laisser passeport, téléphone et lunettes ?
- Accident ou malaise – corps jamais retrouvé, aucun signalement correspondant
- Lien avec des milieux extrémistes – la piste qui a déclenché l’intervention du PNAT
- Règlement de comptes personnel – aucune dette connue, aucun ennemi déclaré
Ce qui frappe, c’est l’absence totale d’indices matériels. C’est rare. Et c’est ce qui rend l’affaire aussi glaçante.
Une famille qui se bat sans relâche
Didier et son épouse font des allers-retours réguliers au Maroc. Ils rencontrent la police, les consulats, les avocats. Ils ont écrit au président français, au roi du Maroc. Une pétition en ligne tourne, un site internet diffuse les photos de Clément – avec et sans barbe, pour maximiser les chances de reconnaissance.
Ils refusent que le dossier « finisse sous la poussière ». Et on les comprend.
« On doit ça à notre gamin. On ne sait pas où il est. On ne sait pas pourquoi il a disparu. Il ne faut pas qu’on oublie notre fils »
Derrière ces mots, il y a une douleur qu’on n’imagine même pas.
Pourquoi cette affaire nous touche autant
Parce qu’elle parle à tous ceux qui ont un jour rêvé de tout plaquer pour vivre ailleurs. Parce qu’elle montre à quel point, parfois, la vie peut basculer en une seconde. Et parce qu’elle rappelle que des milliers de familles, partout dans le monde, attendent encore des réponses.
Clément n’était pas un touriste de passage. Il construisait quelque chose. Il avait choisi le Maroc comme terre d’accueil. Et aujourd’hui, il manque à l’appel.
Un an et demi après, l’espoir reste intact. Tant que le corps n’est pas retrouvé, tant qu’aucune preuve définitive n’existe, il est possible d’imaginer qu’il est encore en vie quelque part.
Mais chaque jour qui passe rend cet espoir un peu plus fragile.
Si vous avez été à Rabat en avril 2024, si vous avez croisé un jeune Français barbu ou imberbe, parlant bien français avec un accent parisien, si vous avez vu ou entendu quoi que ce soit d’étrange autour du quartier Océan ou d’Agdal… parlez. Un détail, même minuscule, peut tout changer.
Parce que derrière les statistiques de disparitions, il y a toujours des visages, des familles, des histoires inachevées.
Et celle de Clément Besneville mérite qu’on continue à en parler.
