Vous êtes tranquillement devant votre télé, popcorn à la main, et soudain l’arbitre désigne le point de penalty. Encore ? Oui, encore. Et cette fois, c’est le 31e en Ligue des Champions pour le même homme en noir. Clément Turpin vient, sans faire de bruit, d’entrer dans l’histoire… mais par la petite porte que personne n’avait vraiment remarquée avant.
Franchement, quand on pense records en C1, on voit d’abord les 141 buts de Cristiano, les 15 titres du Real ou les passes décisives de Messi. Rarement un arbitre. Et pourtant, mercredi soir au Bernabéu, le Français de 43 ans a décroché une ligne statistique que personne ne lui disputera avant très longtemps.
Le record que personne n’attendait
31 penaltys sifflés en 58 matchs de Ligue des Champions depuis la saison 2014-2015. Faites le calcul : quasiment un tous les deux matchs. C’est énorme. Pour vous donner une idée, le précédent détenteur (un arbitre allemand très respecté) tournait à 30 en… 84 rencontres. Turpin l’a dépassé avec 26 matchs de moins. Autant dire qu’il a mis la turbo.
Et le plus fou ? Il aurait pu le battre dès la 2e minute contre le Real Madrid – Manchester City. Vinicius s’écroule, Turpin siffle… puis se ravise après visionnage VAR : faute dehors. Dommage pour le record, tant mieux pour le football. Mais à la 41e, Rüdiger fauche Haaland comme un débutant : cette fois, pas de discussion. 31e pénalty. Record validé.
« Un pénalty tous les 1,87 match en moyenne. Aucun autre arbitre n’a fait mieux (ou pire, selon le point de vue) depuis 1992. »
Statistiques spécialisées UEFA
Mais pourquoi autant de penaltys ?
La question brûle toutes les lèvres. Turpin est-il un « serial-pénalty » ? Un arbitre qui adore sortir le carton et le sifflet ? Pas vraiment. Ceux qui le suivent depuis des années vous diront l’inverse : il est plutôt du genre calme, posé, presque discret. Alors d’où vient ce chiffre hallucinant ?
Plusieurs explications se croisent.
- Le style Turpin : il laisse beaucoup jouer, mais il ne pardonne pas les fautes grossières dans la surface. Pas de demi-mesure.
- L’arrivée massive du VAR depuis 2019 : beaucoup de ses penaltys ont été confirmés ou même sifflés après visionnage. Sans VAR, il en aurait probablement moins.
- Il arbitre souvent les gros matchs : finales, demi-finales, chocs entre mastodontes. Forcément, plus de tension = plus de fautes = plus de penaltys possibles.
- Le football a changé : les attaquants sont plus rapides, les défenseurs plus agressifs dans la surface. Résultat : plus de contacts sanctionnables.
En clair, Turpin n’a pas forcément changé. C’est le jeu et les outils autour de lui qui ont évolué. Et il se trouve pile au bon endroit au bon moment pour ramasser la stat.
Un parcours sans faute (ou presque)
Retour en arrière. Clément Turpin n’est pas tombé dans l’arbitrage par hasard. Originaire de l’Oise, il commence très jeune et grimpe les échelons à une vitesse folle. Premier match de Ligue 1 à 28 ans, international à 31 ans, finale de la Ligue des Champions à 40 ans (Liverpool – Real Madrid 2022 au Stade de France). Peu d’arbitres français peuvent se targuer d’une telle trajectoire.
Ce soir-là d’ailleurs, il avait déjà fait parler : penalty sifflé pour le Real en première mi-temps, validé après VAR. Les supporters de Liverpool hurlent encore. Mais personne ne peut dire qu’il a volé qui que ce soit : le contact était là. Comme souvent avec lui.
Depuis, il enchaîne. 7 matchs la saison dernière (record personnel égalé), demi-finale Barcelone – Inter l’an dernier, et cette saison il est déjà à trois rencontres en décembre. L’UEFA lui fait une confiance aveugle. Et franchement, on comprend pourquoi.
Les moments où il a marqué l’histoire
Parce qu’un record, ce n’est pas qu’un chiffre. Ce sont des matchs, des instants, des images qui restent.
- Finale 2022 – Le pénalty de Benzema validé après cinq minutes de VAR. Moment de tension extrême.
- PSG – Bayern 2020 – Il refuse un pénalty au Bayern en fin de match. Décision courageuse, confirmée VAR.
- Manchester City – Real 2022 – Deux penaltys dans le même match en demi-finale. Historique.
- Real – City 2025 – Le 31e, celui du record. Haaland ne lui a pas laissé le choix.
Chaque fois, la même constante : il prend des décisions fortes dans les matchs qui comptent triple. Et presque toujours, le VAR lui donne raison. C’est peut-être ça, finalement, la vraie marque des grands arbitres.
Et maintenant ? Vers les 40 penaltys ?
À 43 ans, Turpin a encore de belles années devant lui. S’il continue à ce rythme (1 pénalty tous les 1,9 matchs environ), il pourrait facilement atteindre les 40 d’ici trois ou quatre saisons. Voire plus si le football continue de se durcir dans les surfaces.
Mais le plus intéressant n’est pas là. Ce record nous oblige à nous poser la bonne question : l’arbitrage européen est-il devenu plus strict ? Ou simplement plus juste ? Parce qu’au final, un pénalty sifflé, c’est souvent une faute qui, il y a dix ans, passait inaperçue.
Turpin n’a pas changé le football. Il l’accompagne dans sa mutation. Et il le fait avec une régularité qui force le respect, même quand on râle devant sa télé quand c’est contre notre équipe.
« Les grands arbitres ne se remarquent pas. Sauf quand ils font l’histoire sans le vouloir. »
Alors la prochaine fois que vous verrez Clément Turpin au milieu du terrain, avec son calme olympien et son sifflet prêt à sortir, souvenez-vous : vous regardez peut-être l’homme qui a, à sa manière, redessiné les contours de la Ligue des Champions moderne.
Et quelque part, c’est aussi beau qu’un but de volee en finale.
Ps : si un jour on fait un classement des plus grands records « bizarres » de la C1, celui-là sera en tête. Et on pourra dire qu’on l’a vu arriver, match après match, pénalty après pénalty.
