Vous êtes-vous déjà retrouvé à payer 400 € un aller-retour Ajaccio-Paris en plein mois de février ? Moi oui, et croyez-moi, ça fait mal au portefeuille. C’est exactement ce genre de situation que le dispositif de continuité territoriale tente de rendre moins douloureux pour les Corses et, par extension, pour tous ceux qui ont un lien avec l’île. Et aujourd’hui, l’État vient de mettre la gonfler de 50 millions d’euros supplémentaires. Une bonne nouvelle ? À moitié, dirais-je… mais on y reviendra.
Une enveloppe qui passe à 237 millions d’euros en 2026
Concrètement, l’aide dédiée aux transports aériens et maritimes entre la Corse et le continent va grimper à 237 millions d’euros l’an prochain. C’est 50 millions de plus qu’actuellement, une hausse d’environ 25 %. L’argument officiel ? Compenser la flambée du prix du carburant et absorber l’explosion du trafic passagers ces dernières années.
Parce que oui, même si on adore râler sur les ferries bondés en été, le reste de l’année les compagnies tournent aussi à plein régime. Résultat : les coûts d’exploitation grimpent et, sans subvention, le prix du billet suit la même courbe.
« Le gouvernement fait le choix clair d’accompagner la Corse, de soutenir son économie et de protéger le quotidien des habitants, y compris les plus modestes »
Communiqué du ministère délégué aux Collectivités territoriales
Pourquoi cette rallonge arrive-t-elle maintenant ?
Plusieurs raisons se croisent. D’abord, le prix du baril qui fait le yoyo depuis trois ans. Ensuite, l’inflation générale qui touche aussi les pièces détachées d’avion et les salaires des marins. Enfin, la fréquentation qui ne redescend plus : +18 % de passagers aériens entre 2019 et 2024 sur certaines lignes. Ajoutez à ça la grogne sociale qui monte régulièrement sur l’île dès que les tarifs s’envolent et vous avez la recette parfaite pour une intervention de l’État.
J’ai discuté il y a quelques semaines avec un pilote d’Air Corsica : il me disait que certains mois d’hiver, les appareils volent presque pleins alors qu’avant la crise sanitaire c’était loin d’être le cas. Le télétravail, les doubles résidences, les étudiants… tout ça a changé la donne.
Comment fonctionne concrètement la continuité territoriale ?
Beaucoup de gens croient que c’est « l’avion gratuit pour les Corses ». C’est faux. Le dispositif prend deux formes principales :
- Une subvention directe aux compagnies dans le cadre des délégations de service public (DSP) sur les lignes Marseille, Nice et (parfois) Paris.
- Un tarif résident bonifié : les Corses (et leurs descendants directs) bénéficient de 30 à 50 % de réduction selon les périodes et les compagnies.
En 2025, ce sont environ 250 000 billets aériens qui seront subventionnés hors saison pour attirer les touristes continentaux – une mesure validée récemment par l’Assemblée de Corse avec Volotea et Air Corsica. L’idée ? Faire tourner l’économie douze mois sur douze plutôt que de tout concentrer sur juillet-août.
50 millions, c’est beaucoup ou c’est peanuts ?
Faisons un calcul rapide. 237 millions divisés par les 340 000 habitants permanents, ça fait environ 700 € par habitant et par an. Dit comme ça, ça semble énorme. Mais quand on sait qu’un aller-retour peut coûter 350 € en haute saison sans aide… l’équation devient moins flatteuse.
Et puis il y a le ressenti. Sur les réseaux corses, nombreux sont ceux qui estiment que cette rallonge ne fait que suivre l’inflation sans vraiment améliorer le pouvoir d’achat. Un commentaire vu hier : « Merci pour les 50 millions, mais tant qu’on paiera 30 % plus cher notre caddie qu’à Toulouse, on reste des citoyens de seconde zone. » Dur, mais pas totalement faux.
Et le maritime dans tout ça ?
Le ferry, c’est l’autre grand oublié des débats. Pourtant, il transporte deux fois plus de passagers que l’avion chaque année. La nouvelle enveloppe supplémentaire bénéficiera aussi aux lignes subventionnées (Marseille-Ajaccio/Bastia/Propriano). Mais là encore, les prix restent très élevés pour une traversée de nuit en cabine.
Petite anecdote : l’an dernier, une famille de cinq personnes m’a raconté avoir payé 1 200 € l’aller-retour voiture + cabine en août. Avec l’aide, ils auraient « économisé » 250 €. Autant dire que le dispositif reste perfectible.
Un lien avec le processus d’autonomie ?
Impossible de ne pas faire le rapprochement. Depuis les accords de Beauvau et les discussions sur l’autonomie, chaque geste financier de Paris est scruté à la loupe en Corse. Cette augmentation budgétaire tombe à pic pour montrer que l’État « tient ses promesses » avant l’examen du projet de loi constitutionnelle annoncé pour début 2026.
Est-ce un chèque pour acheter la paix sociale ? Disons plutôt une carotte dans un contexte où les nationalistes modérés cherchent des résultats concrets à montrer à leur électorat.
Ce que ça change (ou pas) pour vous
Si vous êtes Corse ou résident permanent :
- Les tarifs résident devraient rester stables malgré l’inflation carburant.
- Plus de chances d’avoir des places disponibles en période de pointe grâce aux appareils supplémentaires financés indirectement.
- Peut-être une légère baisse des tarifs hors résident en basse saison (les compagnies répercutent parfois une partie des aides).
Si vous êtes touriste continental :
- Les 250 000 billets subventionnés hors saison devraient continuer (voire augmenter).
- Les prix d’appel à 39 € ou 49 € l’aller simple resteront probablement d’actualité.
Et demain ?
Franchement, je pense que cette rallonge est une bonne chose, mais elle ne règle pas le fond du problème : l’insularité a un coût structurel que 237 millions ne combleront jamais totalement. Tant qu’il n’y aura pas une vraie compagnie low-cost 100 % corse ou une révolution dans les énergies marines pour les ferries, on restera dans le pansement plutôt que dans la guérison.
Mais bon, en attendant, 50 millions de plus, c’est toujours ça de pris. Surtout quand on sait que certains départements ultramarins aimeraient bien avoir le quart de cette attention budgétaire.
Alors oui, on peut râler – c’est même un sport national en Corse – mais on peut aussi reconnaître que, pour une fois, l’État met la main à la poche sans qu’il y ait besoin d’incendier une préfecture. Et ça, mine de rien, c’est déjà un petit progrès.
Et vous, pensez-vous que cette augmentation sera suffisante pour rendre les transports vraiment accessibles ? Ou faut-il aller plus loin ? Dites-moi tout en commentaire, j’ai hâte de lire vos expériences de voyageurs !
