Imaginez la scène : huit inspecteurs débarquent un matin dans votre collège, fouillent le CDI en commentant qu’on pourrait très bien y trouver Mein Kampf, isolent des enfants de six ans pour leur poser des questions en tête-à-tête, ou demandent au prof de sport s’il connaît l’orientation sexuelle de ses élèves. Science-fiction ? Non, réalité vécue par plusieurs chefs d’établissement privés sous contrat ces derniers mois.
Depuis l’affaire Bétharram et la loi contre le séparatisme, les contrôles se sont multipliés. Objectif officiel : s’assurer que les valeurs de la République sont bien transmises. Mais pour beaucoup de directeurs d’écoles catholiques, la méthode a largement dépassé le cadre légal et frise parfois l’intimidation.
Quand la laïcité devient un prétexte à l’acharnement
Je ne suis pas du genre complotiste, mais là, franchement, on se pose des questions. Comment expliquer que des inspections qui duraient autrefois une journée s’étirent maintenant sur trois, quatre, parfois cinq jours ? Pourquoi des équipes de huit personnes pour un petit collège de 300 élèves ?
Le patron de l’enseignement catholique sous contrat, Guillaume Prévost, ne mâche pas ses mots : les contrôles sont devenus « une volonté systématique de mettre à mal nos établissements ». Il reconnaît qu’ils sont nécessaires – évidemment – nécessaires. Mais il pointe des « graves dérives » qui n’ont plus grand-chose à voir avec la pédagogie ou la sécurité des enfants.
« On a l’impression d’être considérés comme coupables par principe »
Un chef d’établissement ayant requis l’anonymat
Des exemples qui font froid dans le dos
Parmi les témoignages qui circulent dans les réseaux de l’enseignement privé, certains sont proprement hallucinants.
- Un inspecteur demande à voir la liste des prénoms des élèves pour vérifier s’il y a « trop de prénoms à consonance musulmane » (sic).
- Une autre équipe photographie systématiquement chaque croix ou image religieuse visible dans l’établissement, même une petite icône dans le bureau du directeur.
- Dans un lycée, on reproche à l’infirmière de proposer des préservatifs… tout en lui reprochant de ne pas assez parler contraception dans un établissement catholique. Cherchez l’erreur.
- On interroge des CM2 sur leur vision de l’homosexualité alors que le programme officiel n’aborde le sujet qu’en sixième.
Et puis il y a cette histoire qui revient souvent : l’inspecteur qui, devant le rayon philo du CDI, lâche avec un sourire en coin : « De toute façon ici vous pouvez tout avoir, même Mein Kampf… » Comme si proposer des œuvres philosophiques ou historiques controversées était en soi suspect.
La loi séparatisme, déclencheur d’une chasse aux sorcières ?
Revenons deux ans en arrière. La loi « confortant le respect des principes de la République » (dite loi séparatisme) a donné de nouveaux outils à l’État pour contrôler les établissements privés, surtout ceux sous contrat. L’idée n’était pas absurde : éviter que certains établissements hors contrat ne deviennent des foyers de radicalisation.
Mais voilà, comme souvent en France, on est passé du tout au rien au tout ou rien. Du jour au lendemain, des établissements catholiques centenaires, parfaitement intégrés, se sont retrouvés dans le même panier que des structures douteuses créées la veille.
Résultat ? Une explosion du nombre de contrôles. Et surtout un changement de ton. Là où l’inspecteur venait autrefois discuter pédagogie autour d’un café, il arrive maintenant avec un dossier sous le bras et une attitude de procureur.
Entre excès de zèle et idéologie : le malaise des troupes
Ce qui choque le plus les équipes, ce n’est pas tant le contrôle en lui-même – tout le monde comprend qu’on vérifie la bonne utilisation de l’argent public – c’est l’attitude. Une forme de mépris à peine voilé.
« On nous parle comme si on était des délinquants qui s’ignorent »
Une directrice d’école élémentaire
Certains inspecteurs semblent avoir intégré que l’enseignement privé catholique est par nature suspect. Un peu comme si le simple fait d’avoir une chapelle dans l’établissement faisait de vous un potentiel ennemi de la République.
J’ai discuté avec un ancien inspecteur devenu directeur d’école privée. Il m’a confié, un peu amer : « Quand j’étais de l’autre côté, on nous briefait sur la nécessité de “traquer le communautarisme”. Mais on ne nous a jamais dit où s’arrête la vigilance légitime et où commence l’acharnement idéologique. »
Les conséquences concrètes sur le terrain
Au-delà de l’humiliation ressentie, ces contrôles ont des effets bien réels.
- Des enseignants qui n’osent plus aborder certains sujets en classe par peur d’être mal interprétés.
- Des directeurs qui passent des semaines à préparer des dossiers défensifs au lieu de s’occuper de leurs élèves.
- Une ambiance délétère où tout le monde se méfie de tout le monde.
- Et parfois, des sanctions totalement disproportionnées : retrait d’agrément pour un établissement à cause… d’une prière avant le repas filmée par un parent et postée sur les réseaux.
Pire : certains établissements choisissent désormais de censurer eux-mêmes leurs projets. Plus de sortie à la mosquée pour comprendre l’islam, plus d’intervenant juif pour parler de la Shoah, de peur que cela soit interprété comme du « prosélytisme inversé ». Triste ironie.
Et les parents dans tout ça ?
Les familles, elles, commencent à se poser des questions. Pourquoi choisir le privé si c’est pour avoir les mêmes contraintes que le public, avec en plus la menace permanente d’un contrôle musclé ?
Dans certains diocèses, on note déjà une baisse des inscriptions dans les établissements les plus exposés. Les parents préfèrent parfois le hors-contrat, paradoxalement plus libre malgré ses contraintes financières.
Une mère de famille m’écrivait récemment : « J’ai mis mes enfants dans le privé catholique pour qu’ils aient une éducation ouverte sur le monde mais ancrée dans des valeurs. Pas pour qu’on les inspecteurs leur demandent à 8 ans s’ils prient à la maison. »
Vers un nécessaire retour à la raison ?
Heureusement, tout n’est pas noir. Certains rectorats ont compris le problème et tentent de recadrer leurs équipes. Des formations sont mises en place pour rappeler la différence entre vigilance républicaine et harcèlement administratif.
Le secrétaire général de l’enseignement catholique appelle à un « dialogue apaisé ». Belle formule. Reste à savoir si elle sera entendue.
Car au fond, la question est simple : veut-on des établissements privés sous contrat qui transmettant les valeurs républicaines tout en gardant leur caractère propre ? Ou veut-on les transformer en clones du public avec une croix au mur pour faire joli ?
Personnellement, je crois qu’on a besoin des deux. D’un service public fort et neutre, et d’établissements privés qui osent proposer autre chose, dans le respect des lois évidemment. Sinon, on tue la diversité pédagogique qui fait aussi la richesse de notre système éducatif.
Alors oui, contrôlons. Vérifions. Sanctionnons quand il le faut. Mais avec mesure, intelligence et respect. Parce que des inspecteurs cow-boys, on peut s’en passer. Les enfants, eux, ont besoin de sérénité pour grandir.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Avez-vous été témoin ou victime de ce genre de pratiques ? Les commentaires sont ouverts.
