Vous êtes-vous déjà demandé ce qui pousse un électeur fidèle à changer de camp après des décennies de loyauté ? En Corée du Sud, l’élection présidentielle de ce mardi 2025 n’est pas une simple formalité : elle cristallise des tensions, ravive des souvenirs douloureux et met à nu une société profondément divisée. À Daegu, bastion conservateur, et à Gwangju, fief de la gauche, les habitants se confient sur leurs espoirs, leurs doutes et leurs blessures. Cette élection, marquée par la crise de la tentative avortée de loi martiale en décembre dernier, pourrait redessiner le paysage politique sud-coréen. Plongeons dans ces deux villes emblématiques pour comprendre ce qui anime les électeurs et ce qui pourrait façonner l’avenir du pays.
Une élection sous haute tension
La Corée du Sud traverse une période de turbulences. La tentative de l’ancien président d’imposer la loi martiale en décembre a choqué le pays, rappelant à beaucoup les heures sombres des dictatures militaires. Ce scandale a non seulement précipité cette élection anticipée, mais il a aussi ébranlé les fidélités partisanes. D’un côté, le Parti démocrate, porté par un candidat de centre-gauche, semble favori selon les sondages. De l’autre, le Parti du pouvoir au peuple (PPP), conservateur, tente de limiter les dégâts dans un contexte de méfiance généralisée. Mais au-delà des chiffres, c’est dans les rues de Daegu et de Gwangju que se joue le vrai récit de cette élection.
Daegu : le bastion conservateur vacille
Daegu, située dans le sud-est du pays, est depuis des décennies un fief conservateur. Scrutin après scrutin, les habitants ont voté massivement pour le PPP, identifiable à sa couleur rouge. Pourtant, cette fois-ci, quelque chose semble avoir changé. La tentative de loi martiale a laissé des traces, et les témoignages des habitants révèlent un malaise grandissant.
« Cet épisode m’a vraiment secoué. J’ai toujours voté conservateur, mais là, je ne sais plus. »
– Un professionnel du divertissement de 45 ans
Ce quadragénaire, comme beaucoup d’autres de sa génération, semble désillusionné. Pour lui, cet événement a ravivé des souvenirs de récits entendus dans sa jeunesse, ceux des régimes autoritaires qui ont marqué la Corée du Sud jusqu’aux années 1980. Il n’est pas seul. Les discussions avec ses proches, notamment les aînés, montrent un rejet croissant de la couleur rouge du PPP. « Ils sont choqués, presque trahis », confie-t-il. Ce sentiment pourrait-il suffire à faire basculer Daegu ?
Les jeunes électeurs réécrivent les règles
Si les aînés semblent ébranlés, les jeunes, eux, affichent une rupture encore plus nette. À Daegu, les nouvelles générations ne se contentent plus de suivre la tradition conservatrice. Un étudiant en génie électrique, âgé d’une vingtaine d’années, observe des « fissures » dans ce bastion. « Les jeunes ne veulent plus voter par réflexe », explique-t-il. Cette rébellion discrète pourrait marquer un tournant. Les préoccupations des jeunes – emploi, coût de la vie, libertés – prennent le pas sur les loyautés héritées. Mais cette fracture générationnelle ne se limite pas à Daegu. Elle reflète une tendance nationale : les jeunes Sud-Coréens veulent du changement.
- Les jeunes électeurs privilégient les enjeux économiques et sociaux.
- La loyauté envers les partis traditionnels s’effrite.
- La tentative de loi martiale a amplifié leur méfiance envers le PPP.
Gwangju : la mémoire vive de la démocratie
À 150 kilomètres à l’ouest, Gwangju raconte une tout autre histoire. Cette ville, bastion historique de la gauche, est marquée par le soulèvement de mai 1980, lorsque des citoyens se sont dressés contre la dictature militaire, au prix de nombreuses vies. Ce passé résonne encore dans les esprits, et la tentative récente de loi martiale a ravivé des blessures jamais vraiment cicatrisées.
« La démocratie nous permet de vivre librement. Mais certains partis ne semblent pas comprendre ce que cela signifie. »
– Une habitante de Gwangju, 79 ans
Cette femme, née et élevée à Gwangju, incarne l’attachement indéfectible de la ville au Parti démocrate. Pour elle, voter pour la gauche, c’est défendre les libertés chèrement acquises. Mais au-delà de cet engagement, elle exprime une inquiétude : la polarisation croissante du pays menace l’unité nationale. Son témoignage illustre une vérité plus large : à Gwangju, le vote est autant un acte de mémoire qu’un choix politique.
Un équilibre fragile
Si Gwangju reste fidèle à la gauche, certains habitants, comme une femme travaillant dans une entreprise sociale, se disent prêts à transcender les clivages. À 64 ans, elle se décrit comme centriste, une position qui suscite souvent des réactions vives dans son entourage. « Les gens me demandent tout de suite : alors, tu ne soutiens pas les démocrates ? Tu es avec les conservateurs ? », raconte-t-elle. Pour elle, le candidat conservateur, un ancien syndicaliste, pourrait incarner une chance de réconciliation. « Les divisions sont trop profondes. Il faut quelqu’un qui puisse rassembler », insiste-t-elle.
Ce désir d’unité est partagé par d’autres, même à Daegu. Un ancien ouvrier de l’automobile, âgé de 60 ans, hésite encore sur son vote. Il condamne la tentative de loi martiale, qu’il juge responsable d’un « chaos extrême ». Mais il craint qu’une victoire écrasante de l’opposition, qui contrôle déjà le Parlement, ne déséquilibre le pouvoir. « L’équilibre, c’est crucial », martèle-t-il. Cette quête d’un juste milieu reflète une tension centrale de cette élection : entre sanctionner le passé et préserver la stabilité.
| Ville | Tendance politique | Enjeu principal |
| Daegu | Conservatrice | Crise de confiance post-loi martiale |
| Gwangju | Progressiste | Mémoire démocratique et polarisation |
L’économie, l’autre priorité
Si la politique domine les débats, l’économie n’est jamais loin. À Daegu, un commerçant de 69 ans minimise la gravité de la tentative de loi martiale : « C’était une erreur, mais il ne s’est rien passé de grave après. On devrait avancer. » Pour lui, le vrai problème, c’est l’économie locale, laminée depuis la pandémie. « Tenir un commerce, c’est devenu impossible. Les loyers, les salaires, le stress… tout s’accumule », soupire-t-il. Il sait que le prochain président, quel qu’il soit, ne pourra pas tout résoudre d’un coup. Mais il espère des mesures concrètes pour relancer l’activité.
Ce constat n’est pas isolé. Partout dans le pays, les électeurs s’inquiètent du coût de la vie, du chômage et de la stagnation économique. Ces préoccupations transcendent les clivages politiques, mais elles ne suffisent pas à apaiser les tensions. À Gwangju comme à Daegu, les électeurs se demandent si le prochain président saura répondre à ces défis tout en restaurant la confiance.
Un tournant pour la nation ?
À l’approche du scrutin, une question plane : cette élection peut-elle apaiser les fractures ? Pour une enseignante à la retraite de Gwangju, âgée de 65 ans, ce vote est une opportunité de tourner la page. Ayant vécu le massacre de 1980, elle voit dans cette élection un moment décisif. « L’histoire compte », affirme-t-elle. « Ce qui s’est passé en décembre nous rappelle pourquoi nous devons protéger notre démocratie. » Elle espère que le prochain président saura tirer les leçons du passé pour construire un avenir plus uni.
« Cette élection est un moment critique. Elle doit marquer un tournant pour le pays. »
– Une enseignante retraitée de Gwangju
Mais l’unité reste un défi. La polarisation entre Daegu et Gwangju, entre jeunes et aînés, entre progressistes et conservateurs, ne disparaîtra pas du jour au lendemain. Pourtant, les témoignages recueillis montrent une volonté commune : dépasser les clivages pour bâtir un avenir plus stable. Cette élection, bien plus qu’un simple choix entre deux candidats, est un test pour la résilience de la démocratie sud-coréenne.
En observant ces dynamiques, je ne peux m’empêcher de penser que la Corée du Sud se trouve à un carrefour. Les électeurs, qu’ils soient à Daegu ou à Gwangju, portent en eux à la fois les cicatrices du passé et l’espoir d’un renouveau. Cette élection ne se contente pas de désigner un président ; elle interroge la capacité d’une nation à se réconcilier avec elle-même. Et vous, que feriez-vous face à un tel choix ? Voteriez-vous pour la mémoire, pour le changement, ou pour un fragile équilibre ? Une chose est sûre : le résultat de ce scrutin résonnera bien au-delà des frontières sud-coréennes.
