Vous souvenez-vous de la dernière fois où un club de foot français a frôlé l’implosion à cause de ses propres supporters ? Moi, je revois encore les images de Bastia il y a quelques années. Eh bien, l’OGC Nice vient peut-être de battre un triste record de vitesse dans la catégorie « crise interne express ».
Dimanche dernier, après une défaite logique mais frustrante à Lorient (3-1), une partie des supporters les plus chauds du Gym a décidé de passer un « message » aux joueurs. Direction le centre d’entraînement. Ce qui devait être une explication musclée a rapidement dégénéré. Deux joueurs, Terem Moffi et Jérémie Boga, ont fini en arrêt de travail, affirmant avoir reçu des coups. Le club a porté plainte, les joueurs aussi, la Ligue s’est portée partie civile et le parquet a ouvert une enquête pour violences aggravées. Rien que ça.
Et là, au milieu de ce chaos, qui monte au créneau ? Christian Estrosi, maire de Nice depuis toujours ou presque, et candidat à sa propre succession en 2026. Son intervention ? Disons… surprenante.
Quand le maire préfère parler de narcotrafic plutôt que de coups
Mercredi midi, sur son compte X (anciennement Twitter, on s’y fait jamais vraiment), l’édile sort un communiqué qui laisse pantois. Je vous le résume : « Aucune violence physique constituée n’a été constatée » d’après les autorités préfectorales, donc circulez, y’a rien à voir. Et d’ajouter, je cite presque : cette histoire fait plus de bruit que le narcotrafic.
Pardon ? On parle de joueurs qui disent avoir été frappés, d’une enquête judiciaire en cours, et la priorité, c’est de relativiser en comparant avec les règlements de comptes qui ensanglantent régulièrement la ville ? On marche sur la tête.
« Depuis quelques jours, cette affaire fait plus de bruit que le narcotrafic ou les enjeux de sécurité qui, eux, affectent réellement le quotidien de nombreux Niçoises et Niçois »
– Christian Estrosi, 3 décembre 2025
Franchement, quand j’ai lu ça, j’ai relu deux fois. Utiliser le narcotrafic – un fléau qui tue vraiment – comme unité de mesure du « bruit médiatique », il fallait oser. C’est soit une maladresse énorme, soit une stratégie assumée pour détourner l’attention. Peut-être les deux.
Une position qui interroge, surtout en période pré-électorale
On ne va pas se mentir : 2026 approche. À Nice, l’ambiance est déjà électrique entre Estrosi et son vieil ennemi Éric Ciotti. Et devinez qui soutient Ciotti ? Jean-Pierre Rivère, l’ex-président emblématique de l’OGC Nice, celui qui a ramené le club en Ligue 1 et l’a vendu à INEOS. Autant dire que le Gym, dans cette ville, ce n’est pas qu’un club de foot. C’est un symbole politique.
En minimisant l’affaire, Estrosi marche sur des œufs. D’un côté, il ne veut pas se fâcher avec la frange la plus dure des supporters – ceux du Populaire Sud – qui pèsent lourd dans l’ambiance du stade et, indirectement, dans l’image de la ville. De l’autre, il doit rassurer les familles, les partenaires, les joueurs étrangers qui se demandent s’ils n’ont pas signé dans un club de fous.
Résultat ? Une communication bancale qui donne l’impression de protéger… qui déjà ? Les supporters ? L’image de Nice ? Sa propre campagne ? Un peu tout à la fois, sans doute.
Ce qui s’est réellement passé au centre d’entraînement
Reprenons les faits, calmement. Dimanche après-midi, une centaine de supporters (le chiffre varie selon les sources) pénètrent dans l’enceinte du centre d’entraînement. Ambiance déjà très tendue. Les joueurs reviennent du match, fatigués, frustrés. Les échanges partent en vrille.
Insultes, bousculades, menaces. Puis, selon les joueurs et le club, ça va plus loin : des coups sont portés. Moffi et Boga sont les plus touchés. Arrêt de travail immédiat. Le club parle d’un climat hostile, les joueurs évoquent des agressions physiques. Les supporters, eux, nient toute violence organisée et parlent d’une simple « discussion virile ».
- Deux joueurs en arrêt de travail pour coups et blessures
- Plainte du club contre X
- Plaintes individuelles de Moffi et Boga
- Enquête ouverte pour violences aggravées et intrusion
- La Ligue de football professionnel se porte partie civile
Et pendant ce temps-là, l’entraîneur Franck Haise a failli démissionner dans la foulée. Il a finalement décidé de rester, mais on imagine l’ambiance dans le vestiaire.
Le malaise profond entre supporters et direction
Parce que non, cette intrusion ne sort pas de nulle part. L’OGC Nice traverse une saison compliquée sportivement (13e place au moment des faits), mais surtout une fracture béante entre les supporters historiques et la direction INEOS, perçue comme froide, distante, anglo-saxonne.
Depuis le rachat par le groupe britannique, beaucoup de supporters ont le sentiment que le club a perdu son âme. Les ultras du Populaire Sud reprochent pêle-mêle :
- Le manque de communication
- Le turnover incessant des entraîneurs
- Une politique de recrutement jugée incohérente
- Des prix des abonnements qui flambent
- Un sentiment d’abandon des valeurs « niçoises »
L’intrusion de dimanche, c’est l’explosion d’une cocotte-minute qui chauffait depuis des mois, voire des années.
Nice, ville de foot… et de politique
À Nice plus qu’ailleurs, le foot et la politique sont intimement liés. Le stade Allianz Riviera, c’est Estrosi qui l’a fait sortir de terre. Le club, c’est une vitrine. Quand ça va bien, tout le monde en profite. Quand ça va mal… tout le monde trinque.
En minimisant les faits, le maire essaie sans doute d’éviter que l’image de la ville ne soit ternie. Mais à trop vouloir protéger l’OGC Nice, il risque de donner l’impression de cautionner l’inacceptable : l’idée qu’on puisse frapper des joueurs impunément.
Et ça, dans le football moderne, ça ne passe plus. Ni auprès des instances, ni auprès des joueurs étrangers (qui représentent une large partie de l’effectif), ni auprès des familles qui viennent au stade.
Et maintenant ?
L’enquête judiciaire va suivre son cours. Des interdictions de stade vont sans doute tomber. Peut-être des sanctions collectives, même si tout le monde sait que punir 20 000 personnes pour les actes de quelques dizaines, c’est injuste.
Mais le vrai défi, c’est de reconstruire le dialogue. Entre supporters et direction. Entre la ville et son club. Entre passion et raison.
Parce que oui, le football niçois mérite mieux que ça. Mieux que les coups. Mieux que les communiqués maladroits. Mieux que cette impression permanente de vivre sur un volcan.
Le Gym a une histoire magnifique, un public incroyable, un stade splendide et des joueurs talentueux. Il serait temps que tout ce petit monde se rappelle pourquoi on aime ce club : pour le jeu, pour l’émotion, pour la fierté d’être Niçois.
Pas pour se taper dessus un dimanche après-midi.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Estrosi a-t-il raison de relativiser ou fait-il une énorme erreur politique et humaine ? Les supporters ont-ils franchi la ligne rouge ou sont-ils les derniers défenseurs d’une identité menacée ? Dites-le moi en commentaire, on en discute.
