Vous êtes-vous déjà demandé si les dieux du peloton, ces mecs capables de grimper l’Alpe d’Huez à 40 km/h, pouvaient vraiment se faire verbaliser comme n’importe quel cyclosportif du dimanche ? Eh bien la réponse est oui. Et plutôt deux fois qu’une ces dernières semaines sur les routes espagnoles.
Imaginez la scène : 135 km dans les jambes, 1 400 m de D+, les jambes qui commencent à chauffer gentiment, et paf, gyrophare. Un simple feu rouge oublié ou des écouteurs dans les oreilles, et voilà 100 € qui s’envolent. Ça pique plus que la note du resto après une sortie longue.
Quand la Guardia Civil sort le carnet à souches face aux pros
L’Espagne, c’est le paradis du cycliste l’hiver : routes parfaites, soleil, dénivelé à volonté. Toutes les grosses équipes WorldTour y posent leurs valises dès novembre. Mais cette année, la police locale semble avoir décidé de rappeler quelques vérités toutes simples : un vélo, c’est un véhicule comme un autre. Point final.
Résultat ? Des groupes entiers stoppés net, amendes distribuées comme des bonbons. Et pas à des anonymes : on parle de coureurs qui gagnent leur vie en roulant à 45 km/h de moyenne sur 200 bornes.
Le feu rouge qui coûte cher entre Calp et Lliber
L’histoire la plus croustillante, c’est celle d’un groupe d’une dizaine de coureurs arrêtés sur une petite route entre Calp et Lliber, dans la province d’Alicante. Un simple croisement, un feu rouge, et apparemment tout le monde qui passe sans ralentir. Habitude de peloton, réflexe de groupe… sauf que la Guardia Civil, elle, n’a pas l’habitude de fermer les yeux.
Un des coureurs a même partagé la photo sur son activité Strava : l’agent en train d’écrire, les vélos posés contre la voiture de police, et la légende qui fait mal : « 100 euros par tête, il s’est régalé ». La publication a vite disparu, mais trop tard, tout le milieu en parle.
« Bah alors on respecte pas le Code de la route ? »
a lancé un coéquipier en commentaire avant que tout soit effacé.
Franchement, on les plaint presque. Presque.
Les écouteurs, l’autre grand classique qui tombe mal
Un peu plus tôt dans le mois, un jeune talent norvégien s’est fait pincer pour… port d’écouteurs. Oui, les bons vieux AirPods blancs qui dépassent du casque. Pratique ultra-répandue dans le peloton pour écouter le briefing du directeur sportif ou simplement un peu de musique sur les sorties cool.
Le gars plaisantait même en conférence de presse : « Je crois que je vais investir dans un casque à conduction osseuse, ça évitera l’amende quotidienne ». Sauf que, mauvaise nouvelle, en Espagne comme en France, même les modèles à conduction osseuse sont interdits dès qu’ils émettent du son dans l’oreille. Amende identique : 135 € chez nous, 100 € là-bas.
Et là on touche à un vrai débat : la sécurité. Parce que oui, rouler à dix de front avec de la musique dans les oreilles sur une route ouverte, ce n’est pas l’idée du siècle. Mais quand tu fais 5 000 km par mois, tu as aussi envie de couper un peu le cerveau de temps en temps.
Pourquoi l’Espagne serre la vis cette année ?
Plusieurs raisons se croisent. D’abord, l’augmentation massive du nombre de cyclistes sur les routes depuis cinq ans. Les locaux en ont un peu marre de voir des pelotons de 30 gars rouler au milieu de la chaussée. Ensuite, quelques accidents graves impliquant des groupes pros ces dernières années ont marqué les esprits.
Ajoutez à ça une directive nationale qui pousse les forces de l’ordre à plus de sévérité envers tous les usagers vulnérables qui ne respectent pas le code, et vous avez la recette parfaite pour une vague de verbalisations.
- Feu rouge brûlé → 100 €
- Écouteurs ou oreillettes → 100 €
- Rouler à plus de deux de front sur certaines routes → jusqu’à 200 €
- Non-respect des stops dans les ronds-points → 100 €
Et le pire ? Les agents n’hésitent plus à attendre au même endroit plusieurs jours de suite. Stratégie payante : certains groupes se sont fait contrôler deux fois dans la même semaine.
Et chez nous, on en est où ?
En France, c’est exactement la même chose. Depuis 2015, l’article R412-6-1 du Code de la route interdit formellement tout dispositif émettant du son dans les oreilles, casque ou oreillettes. Amende de 135 € et retrait de 3 points… sur le permis, oui, même si tu roules à vélo.
Quant au feu rouge ou au stop, c’est 135 € également. Et les forces de l’ordre commencent aussi à sortir le carnet plus souvent, notamment en Île-de-France et sur les routes très fréquentées par les clubs.
J’ai personnellement vu un groupe de quinze coureurs se faire arrêter sur la D910 vers Fontainebleau l’an dernier. Ambiance glaciale. Le gendarme a été sympa, juste un rappel à l’ordre, mais il aurait très bien pu vider le portefeuille de tout le monde.
Les solutions qui existent déjà (et celles qu’on attend)
Pour les écouteurs, la solution la plus propre reste le casque à conduction osseuse haut de gamme (Shokz, notamment). Le son passe par vibration sur les os de la tempe, les oreilles restent libres. C’est cher (150-200 €), mais ça évite les ennuis. Beaucoup d’équipes commencent à les imposer.
Pour les feux rouges, il n’y a pas trente-six solutions : ralentir, regarder, et s’arrêter si nécessaire. Même si le groupe derrière pousse. Le leader du jour doit donner l’exemple, point.
Certains directeurs sportifs songent même à intégrer un motard ou une voiture ouvreuse avec gyrophare pour les sorties très longues, comme en course. Mais ça coûte une blinde et ça fait très « VIP » sur des routes publiques.
Un mal pour un bien ?
Soyons honnêtes : ces verbalisations, aussi rageantes soient-elles, rappellent une vérité toute bête. Un cycliste pro reste un usager de la route. Et quand on voit le nombre d’accidents mortels chaque année, on se dit que la sévérité n’est peut-être pas une si mauvaise chose.
Parce que oui, on adore voir les vidéos à 50 km/h en descente, mais quand tu partages la route avec des voitures, des camions, des motos, il y a des règles. Et elles s’appliquent à tout le monde.
Peut-être que cette vague d’amendes va pousser les équipes à mieux briefer leurs coureurs. Peut-être que ça calmera aussi certains comportements dangereux qu’on voit trop souvent en sortie club le week-end.
En attendant, la prochaine fois que vous verrez un peloton pro en stage à Calp ou à Denia, regardez bien : il y a de fortes chances qu’ils s’arrêtent au feu rouge maintenant. Et quelque part, c’est plutôt une bonne nouvelle.
Et vous, vous vous êtes déjà fait verbaliser à vélo ? Racontez-moi en commentaire, je suis curieux de savoir jusqu’où ça peut aller…
