Vous est-il déjà arrivé de passer une nuit entière à retourner un décision dans tous les sens ? À peser le pour, le contre, à imaginer tous les scénarios possibles jusqu’à l’aube ? Roberto De Zerbi, lui, vient de vivre ça. Deux nuits blanches d’affilée. Et pour quoi ? Pour décider s’il allait aligner un gamin de 17 ans, Darryl Bakola, dès le coup d’envoi d’un match de Ligue des champions face à Newcastle. Franchement, qui fait ça ?
Mardi soir, l’Olympique de Marseille arrache une victoire précieuse 2-1 contre les Magpies. Tout le monde retient la frappe d’Aubameyang et l’ambiance dingue du Vélodrome. Mais le vrai tournant, c’est ce qu’on a vu à la 62e minute : Bakola, tout juste 17 ans, qui lève la tête, voit le appel d’Aubameyang et glisse un caviar parfait. Le stade explose. Et quelque part sur le banc, De Zerbi doit se dire que, finalement, il a bien fait de ne pas dormir.
Le pari fou d’un entraîneur sous pression
Reprenons depuis le début. On est lundi soir, veille de match. Nayef Aguerd déclare forfait. Problème : l’OM est déjà dans une position délicate en Ligue des champions et chaque point compte. De Zerbi a plusieurs options devant lui : décaler Angel Gomes, placer Matt O’Riley plus haut, essayer Ismaël Koné ou même repasser Mason Greenwood en numéro 10. Des solutions logiques, rassurantes, éprouvées.
Mais non. L’Italien choisit la voie la plus improbable : lancer Darryl Bakola titulaire pour la première fois chez les pros. Sept petites entrées en jeu en Ligue 1, jamais plus de vingt minutes. Et hop, bienvenue en enfer doux du Vélodrome en C1.
« Je n’ai pas dormi pendant deux nuits quand on m’a dit qu’Aguerd ne pouvait pas jouer. J’ai retourné le truc mille fois dans ma tête. »
Roberto De Zerbi, vendredi en conférence de presse
Ce genre de confidence, on ne l’entend presque jamais. Les entraîneurs aiment bien jouer les durs, ceux qui ont toujours tout sous contrôle. Là, De Zerbi nous ouvre la porte de ses doutes. Et ça change tout.
Pourquoi Bakola et pas un autre ?
De Zerbi l’explique avec une simplicité désarmante : parfois, on complique tout alors que la solution la plus évidente est juste sous notre nez. Bakola, c’est le gamin du coin. Formé à la maison, amoureux du maillot, capable de jouer entre les lignes avec une vista déjà impressionnante pour son âge.
Mais il y a plus. L’entraîneur italien répète souvent qu’il ne regarde pas la carte d’identité. S’il sent qu’un joueur est prêt mentalement, il le lance. Point. Et visiblement, Bakola lui a donné toutes les garanties.
« Qu’il ait 17, 18 ou 42 ans, si un joueur mérite et qu’il me prouve qu’il peut gérer la pression, c’est à moi de l’assumer. Sinon je repousse toujours à demain et un jour… il n’y a plus de demain. »
Cette phrase résume toute la philosophie De Zerbi. On repousse souvent les jeunes par peur de les brûler. Lui préfère les jeter dans le feu et voir s’ils dansent avec les flammes.
Le Vélodrome, cet accélérateur de talent
Il y a un détail qui a fini de convaincre l’entraîneur : le lieu. Le match se jouait au Vélodrome. Et De Zerbi le sait mieux que personne : ce stade-là ne mange pas les gamins du cru. Il les porte.
« Je ne l’aurais peut-être pas fait ailleurs », avoue-t-il. À l’extérieur, sous les sifflets, avec la pression d’un résultat à aller chercher dans un environnement hostile ? Peut-être pas. Mais à domicile, avec 65 000 personnes qui poussent derrière un gosse du centre de formation ? Là, c’est différent.
Le public marseillais a cette particularité : il adore les histoires. Et l’histoire d’un minot qui débute en Ligue des champions, ça parle provençal dans le vestiaire et porte le numéro 47, forcément, ça parle. Dès l’annonce de la compo, les réseaux s’enflamment. Le gamin n’a même pas encore touché le ballon qu’il est déjà adopté.
Une prestation qui dépasse les espérances
Sur le terrain, Bakola ne s’est pas contenté de faire de la figuration. Technique propre, déplacements intelligents, et surtout cette passe décisive venue d’ailleurs pour Aubameyang. Un ballon piqué par-dessus la défense anglaise, timing parfait, Auba n’a plus qu’à conclure. Le genre d’action qu’on voit chez les joueurs expérimentés.
- 87% de passes réussies
- 2 passes clés
- 1 passe décisive
- 3 duels gagnés sur 5
- 1 grosse occasion créée
Pour une première titularisation en C1, on a vu bien pire. Beaucoup de supporters, même les plus sceptiques, sont sortis du stade en se disant : « Ce gosse-là, il a quelque chose. »
Et maintenant ?
La question que tout le monde se pose : était-ce un coup isolé ou le début d’une vraie aventure ? De Zerbi reste prudent. Il répète qu’il ne faut pas s’enflammer, que le garçon doit continuer à travailler. Mais dans ses yeux, on sent la fierté. Et peut-être déjà l’envie de lui redonner du temps de jeu rapidement.
Ce qui est sûr, c’est que ce match laissera une trace. Pour Bakola, évidemment, qui a franchi un cap énorme en une soirée. Mais aussi pour l’OM version De Zerbi : un club qui ose, qui assume ses choix, même les plus fous. Et ça faisait longtemps qu’on n’avait pas ressenti ça.
Alors oui, l’entraîneur n’a pas dormi deux nuits. Mais au vu du résultat, je parie qu’il a dormi comme un bébé mercredi soir. Parfois, les plus belles victoires commencent par des insomnies.
Et vous, vous auriez osé ? Laisser un commentaire, je suis curieux de savoir si vous auriez lancé le gamin ou si vous auriez joué la sécurité. Le football, c’est aussi ça : des choix qui font débat pendant des jours. Et là, pour une fois, le débat est magnifique.
