Vous êtes-vous déjà demandé à quoi ressemblait le yacht d’un riche marchand ou d’un haut dignitaire égyptien il y a deux millénaires ? Moi, franchement, je n’y avais jamais vraiment réfléchi… jusqu’à cette semaine. Et là, bam : une équipe d’archéologues sous-marins annonce la découverte d’un bateau de plaisance de l’époque romaine, long de plus de 35 mètres, qui dormait tranquillement sous sept petits mètres d’eau au large d’Alexandrie. Autant vous dire que ça m’a scotché.
Le premier bateau de luxe égyptien jamais retrouvé
Oui, vous avez bien lu : c’est une première mondiale. On connaissait ces embarcations par les textes anciens, par quelques mosaïques magnifiques, mais jamais, au grand jamais, on n’en avait sorti une intacte des fonds marins. Jusqu’à maintenant.
L’épave repose dans l’ancien port royal de l’île d’Antirhodos, un lieu déjà mythique puisque c’est là que se trouvaient, dit-on, les palais de Cléopâtre. Le bateau, lui, date très probablement de la première moitié du Ier siècle après J.-C., juste avant ou pendant la période où la dernière reine lagide régnait sur l’Égypte.
Un géant de 35 mètres propulsé uniquement à la rame
35 mètres de long, environ 7 mètres de large : c’est énorme pour l’époque, surtout pour un bateau qui n’était pas destiné au transport de marchandises ou à la guerre. On parle ici d’un véritable navire de plaisance, pensé pour le confort et le prestige.
Les premières observations montrent qu’il n’avait pas de voile (ou alors très secondaire). Tout reposait sur la force des rameurs – probablement plusieurs dizaines – et sur une coque particulièrement élégante. On imagine déjà une cabine centrale richement décorée, des tentures, des tapis, des banquettes pour recevoir les invités pendant que l’on glisse sur le Nil ou le long de la côte.
C’est extrêmement excitant, car c’est la toute première fois qu’une telle embarcation est découverte en Égypte.
Un archéologue maritime de renommée internationale
Et il a raison d’être excité. Parce que ce bateau, ce n’est pas juste un bout de bois vieux de 2000 ans. C’est une capsule temporelle qui va nous apprendre des tonnes de choses sur le mode de vie des élites à Alexandrie à l’époque où la ville était l’une des plus riches et des plus cosmopolites du monde.
Des graffitis grecs qui parlent
Parmi les détails qui font rêver les chercheurs : des graffitis en grec gravés sur la poutre centrale de la carlingue. Ces inscriptions, datées avec précision de la première moitié du Ier siècle av. J.-C., prouvent que le bateau a très probablement été construit à Alexandrie même.
Pourquoi c’est important ? Parce que ça confirme qu’Alexandrie n’était pas seulement une ville qui consommait du luxe importé. Elle le produisait aussi, avec un savoir-faire exceptionnel en construction navale. On savait déjà que les chantiers navals de la ville sortaient des monstres de guerre à centaines de rames. On découvre maintenant qu’ils savaient aussi faire des yachts d’exception.
- Inscriptions en grec ancien encore parfaitement lisibles
- Construction locale confirmée
- Techniques de charpenterie marine très avancées
- Absence (ou rôle mineur) de la voile, tout reposait sur la rame
Pourquoi ce bateau a-t-il coulé ?
La réponse est assez brutale : une série de tremblements de terre et de tsunamis particulièrement violents entre le IVe et le VIIIe siècle ont littéralement englouti toute la côte royale d’Alexandrie. L’île d’Antirhodos a disparu sous les flots avec ses palais, ses temples… et ce magnifique bateau amarré dans son port privé.
Le plus fou ? L’épave n’était qu’à 1,50 mètre sous les sédiments. Elle attendait là, presque à portée de main, depuis deux millénaires. Parfois, les plus grandes découvertes sont juste sous nos pieds – ou sous sept mètres d’eau, en l’occurrence.
Antirhodos, l’île perdue des rois et de Cléopâtre
Petit rappel pour ceux qui découvrent : Antirhodos était une île (aujourd’hui une presqu’île engloutie) située juste en face du grand port d’Alexandrie. On y trouvait le quartier royal, des temples, des jardins suspendus… Tout le gratin de l’Égypte ptolémaïque y avait sa résidence secondaire.
Depuis les années 1990, les plongées successives ont déjà ramené des colonnes de granit rose, des sphinx, des statues colossales de Ptolémées et même – peut-être – des vestiges du palais de Cléopâtre. Ce bateau vient s’ajouter à la liste déjà longue des trésors de ce site exceptionnel.
Et maintenant ? Que va-t-on apprendre de plus ?
Les fouilles ne font que commencer. L’épave est en relativement bon état, ce qui laisse espérer une moisson d’informations incroyables :
- Reconstitution 3D complète du bateau
- Analyse des bois utilisés (cèdre du Liban ? pin d’Alep ?)
- Étude des techniques de construction (tenons, mortaises, étanchéité)
- Découverte éventuelle d’objets de luxe à bord (verrerie, bijoux, mobilier)
- Analyse des sédiments pour comprendre l’environnement de l’époque
On peut même rêver à la découverte d’un nom gravé, d’une dédicace à Isis ou à Sérapis, ou d’un objet appartenant à un personnage historique connu. Après tout, on est à deux pas du palais de Cléopâtre…
Alexandrie, une ville qui disparaît sous les eaux
Il y a aussi une note plus sombre à cette découverte. Alexandrie est aujourd’hui l’une des villes les plus menacées par la montée des eaux. Dans le scénario le plus optimiste, un tiers de la ville pourrait être inhabitable d’ici 2050.
Ironie du sort : ce qui a englouti Antirhodos il y a 1500 ans risque de recommencer. Ces fouilles sous-marines prennent donc une dimension supplémentaire : elles sont une course contre la montre pour sauver ce qui peut encore l’être avant que la mer ne reprenne définitivement ses droits.
Et quelque part, c’est aussi une leçon d’humilité. Les plus grandes civilisations finissent toujours par retourner à l’eau… ou au sable.
Pourquoi cette découverte me touche autant
Je ne vais pas vous mentir : j’ai toujours été fasciné par Alexandrie. Cette ville qui a concentré pendant plusieurs siècles le savoir, le luxe et la démesure. Retrouver un bateau de plaisance de cette époque, c’est comme ouvrir la porte d’une villa romaine oubliée et découvrir la déco intacte.
On parle d’un monde où des gens naviguaient pour le plaisir, recevaient leurs amis sur l’eau, organisaient des banquets flottants pendant que des musiciens jouaient. Deux mille ans plus tard, on fait exactement la même chose sur nos yachts modernes. La boucle est bouclée.
Cette épave, c’est la preuve que le goût du luxe et du beau n’a pas attendu le XXIe siècle pour exister. Et ça, personnellement, je trouve ça profondément réconfortant.
Alors oui, c’est une découverte scientifique majeure. Mais c’est aussi une madeleine de Proust géante qui nous rappelle que l’être humain, depuis toujours, aime les belles choses, les voyages tranquilles et les moments partagés. Ce bateau n’a peut-être jamais vu Cléopâtre, mais il a sans doute transporté des rêves similaires aux nôtres.
Et quelque part, sous l’eau d’Alexandrie, il continue de nous les raconter.
