Vous souvenez-vous de la dernière fois où l’équipe de France de basket a gagné en Finlande ? Moi non plus. Il faut remonter à 1988, l’époque où les portables n’existaient pas et où la chute du Mur de Berlin était encore dans les journaux du futur. Trente-sept ans plus tard, la série noire continue : ce 1er décembre 2025, dans la banlieue d’Helsinki, les Bleus se sont encore inclinés. 83-76. Et franchement, ça fait mal au cœur.
Je ne vais pas vous refaire le match minute par minute comme un commentateur essoufflé. Non, ce qui m’intéresse, c’est ce que cette défaite dit de nous, de notre basket, de cette étrange période où nos stars brillent aux JO mais disparaissent dès qu’il s’agit des « petites » fenêtres FIBA.
Une soirée où les loups ont vraiment mordu
Entrer dans la Metro Areena d’Espoo, c’est déjà plonger dans une ambiance particulière. Sept mille Finlandais, une bonne partie déguisés en loups gris – le surnom de leur sélection, les Susijengi – qui hurlent dès l’échauffement. Le parquet vibre, la buée sort de la bouche des joueurs, on se croirait presque dans un film de survival nordique. Et pourtant, pendant trente-cinq minutes, les Français tiennent le choc.
On mène, parfois de huit, neuf points. On contrôle. Et puis… le dernier quart arrive. Comme un mauvais rêve qui se répète. Les tirs ne rentrent plus, les lancers francs fusent sur le cercle, la défense devient perméable. En dix minutes, tout s’effondre. Les Finlandais renversent la table et remportent une victoire qu’ils attendaient depuis leur défaite contre la Hongrie trois jours plus tôt.
Un effectif « B » face à un vrai collectif
Allons droit au but : sans les joueurs NBA ni ceux d’Euroligue, la France redevient une équipe ordinaire. C’est cruel à dire, mais c’est la réalité. Face à nous, la Finlande alignait quasiment le même groupe qui avait atteint les demi-finales de l’Euro 2025 et éliminé la Serbie en quart. Eux, ils étaient au complet. Nous, on bricolait avec du cœur et du talent, mais pas assez d’expérience au très haut niveau international.
« On savait que ça allait être dur, mais on a craqué mentalement dans le money-time. »
Un proche du staff tricolore, sous couvert d’anonymat
Et puis il y avait lui. Mikael Jantunen. Vous savez, ce grand gaillard qui a été champion de France il y a quelques mois avec le Paris Basketball. Rentré au pays pour l’occasion, il a joué comme un homme en mission. Des rebonds rageurs, des écrans solides, des tirs clutchs. Il connaissait la maison, il a fermé la porte à double tour.
Les stats qui font mal
Allez, on regarde les chiffres sans filtre, parce que parfois ils parlent mieux que mille mots :
- Adresse aux lancers francs : 58 % pour les Bleus (contre 80 % pour les Finlandais)
- Pertes de balle dans le 4e quart-temps : 7 (sur 15 au total)
- Rebonds offensifs concédés : 14
- Écart maximal : +9 pour la France… jamais +10
- Dernière victoire française en Finlande : 1988 (cinq défaites consécutives depuis)
Vous additionnez tout ça et vous obtenez une défaite logique. Pas scandaleuse, non. Juste logique.
Andrew Albicy, la fin d’une belle histoire
Il y a des soirs où le basket devient plus grand que le simple résultat. Ce 1er décembre en était un. Andrew Albicy disputait (probablement) son dernier match en bleu. 110 sélections. Un soldat, un meneur de poche au cœur énorme. Il rêvait d’un happy end dans le pays de sa femme. Le destin en a décidé autrement.
Je l’ai vu après le match, tête baissée, entouré par ses coéquipiers qui venaient l’embrasser. Pas de larmes, juste une immense fatigue. Celle d’un gars qui a tout donné pendant quinze ans et qui repart sans la victoire qu’il méritait. Le basket est parfois d’une cruauté rare.
Et maintenant ? Le chemin vers 2027 est encore long
Respirez. Rien n’est perdu. On a gagné contre la Belgique, on a perdu en Finlande. Prochain rendez-vous : février 2026, double confrontation contre la Hongrie. Deux victoires et on sera quasiment qualifiés. En juillet, on récupérera (peut-être) quelques NBA pour aller chercher la première place du groupe.
Mais soyons honnêtes deux minutes : ces fenêtres FIBA sans les meilleurs joueurs, c’est un peu du grand n’importe quoi. D’un côté, on demande à des gamins ou à des joueurs de Pro B de défendre les couleurs nationales face à des équipes quasi au complet. De l’autre, on s’étonne quand ça coince. Il faudrait peut-être un jour se poser les bonnes questions sur le calendrier international. Mais ça, c’est un autre débat.
Ce que cette défaite nous apprend vraiment
Au-delà du score, ce match en dit long sur l’état actuel du basket français. On a un réservoir incroyable, des jeunes qui explosent partout en Europe, mais on reste dépendants de nos stars NBA. Quand elles ne sont pas là, on redevient une équipe « normale ». Capable du meilleur (la victoire contre la Belgique) comme du pire (le craquage du dernier quart en Finlande).
Et puis il y a cette génération intermédiaire – les Albicy, Labeyrie, Cornelie – qui tire sa révérence doucement. Derrière, les Risacher, Sarr, Coulibaly, Strazel arrivent à toute vitesse. Mais ont-ils déjà l’expérience pour porter l’équipe seuls dans ce genre de contexte hostile ? La réponse, pour l’instant, est non.
Ce qui me frappe le plus, c’est qu’on a presque tout bien fait pendant trois quarts. On a tenu le rythme, on a limité les meilleurs Finlandais, on a proposé du jeu collectif propre. Et en dix minutes, tout s’est envolé. C’est ça, le haut niveau : il ne pardonne rien. Ni les lancers francs ratés, ni les choix douteux, ni la fatigue mentale.
Les enseignements à retenir pour Freddy Fauthoux
- Travailler la gestion de la pression en fin de match (on craque trop souvent dans ces situations)
- Insister sur la discipline aux lancers francs – c’est criminel de laisser autant de points en route
- Développer un vrai leader vocal sur le terrain quand les cadres historiques partent
- Préparer des plans B quand le tir extérieur ne rentre plus (on a trop forcé à 3 points dans le money-time)
Le coach a du boulot. Mais il le sait. Et il a l’avantage d’avoir du temps devant lui avant les prochaines échéances.
Un mot sur les Finlandais : respect
Parce qu’il faut aussi savoir rendre à César… Les Finlandais ont été impressionnants de solidarité. Menés presque tout le match, jamais ils n’ont lâché. Leur public y est pour beaucoup, évidemment, mais leur mental aussi. Ce n’est pas un hasard s’ils ont fait un Euro exceptionnel il y a quelques mois. Ils construisent quelque chose de durable, eux.
Et si un jour on arrêtait de les considérer comme des « petits » ? Parce que clairement, en Europe, la Finlande fait partie des nations qui montent. Et vite.
Alors oui, cette défaite fait mal. Elle laisse un goût amer, surtout pour la génération Albicy qui méritait mieux pour clôturer le chapitre. Mais dans le même temps, elle rappelle une vérité simple : rien n’est jamais acquis. Ni les JO argentés, ni le statut de grande nation du basket.
Le chemin vers la Coupe du monde 2027 est encore long, semé d’embûches et de fenêtres FIBA imprévisibles. Mais c’est aussi ça qui rend le basket français passionnant à suivre : on peut tutoyer les sommets avec Wembanyama et Gobert, et se faire peur avec les « petits » matchs. C’est notre ADN.
Rendez-vous en février contre la Hongrie. On remettra les compteurs à zéro. Et qui sait, peut-être qu’un jour, on gagnera enfin en Finlande. Trente-sept ans d’attente, ça commence à faire long…
