Franchement, quand on suit le rugby français depuis vingt ans, on a vu passer pas mal de tempêtes financières. Mais là, pour une fois, on sent poindre une éclaircie. Un déficit divisé presque par deux en une saison, ça ne court pas les rues à la Fédération. Et pourtant, les nuages noirs de la Coupe du monde 2023 planent toujours au-dessus de Marcoussis.
Alors oui, 6,9 millions d’euros de rouge, ce n’est pas encore la fête. Mais venir de -13,3 M€ l’année précédente, c’est déjà un petit exploit. Et surtout, ça valide une stratégie qui commence à porter ses fruits. On va décortiquer tout ça calmement.
Un déficit en nette amélioration : les chiffres qui font du bien
Allez, soyons honnêtes : personne n’aime voir sa fédération dans le rouge. Mais là, on passe sous la barre symbolique des 10 millions. C’est concret. Et surtout, c’est approuvé à plus de 93 % par les clubs. Quand on sait à quel point les présidents de clubs aiment râler (et ils ont bien raison), ce vote-là veut dire quelque chose.
Ce qui change la donne ? Plusieurs leviers actionnés en même temps.
- Une négociation rondement menée sur le loyer du Stade de France (on y reviendra)
- Une billetterie qui repart enfin à la hausse
- Une augmentation de la part reversée par le Tournoi des Six Nations (de 16 à 19 %)
- Et surtout : plus de 350 000 licenciés, en croissance pour la troisième année consécutive
C’est cette dernière ligne qui me fait le plus plaisir personnellement. Parce que derrière les millions, il y a des gamins qui découvrent l’ovalie dans des clubs de village. Et ça, aucune Coupe du monde ratée ne pourra jamais l’effacer.
L’engagement fort : pas un euro de plus sur la licence
Il l’avait promis pendant sa campagne. Et il a tenu parole. Malgré la tentation évidente d’augmenter la licence de dix euros (ça aurait rapporté 4 millions facile), la Fédération a préféré trouver l’argent ailleurs.
Résultat ? Trois millions d’euros dégagés cette année pour équiper les clubs en outils numériques. Sans taxer les familles. Dans un contexte où tout augmente, c’est plutôt classe.
« Il aurait été facile de faire payer les licenciés, mais je m’y étais engagé. »
Florian Grill, président de la FFR
Et franchement, dans le rugby amateur qu’on aime, cette promesse tenue pèse lourd dans la balance de la confiance.
Le growth des licenciés : le vrai trésor caché
On parle souvent des Bleus, du Top 14, des stars. Mais le rugby français, c’est d’abord 2 000 clubs. Contre 13 000 pour le foot, oui. Il y a de la marge. Et pourtant, la dynamique est là.
Trois saisons de hausse consécutives, c’est du jamais vu depuis longtemps. Et ça tombe au meilleur moment. Parce que chaque licencié, c’est non seulement une cotisation, mais aussi un spectateur potentiel, un parent qui va acheter un maillot, un gamin qui remplira les tribunes dans dix ans.
Le rugby français a cette image positive, presque intouchable malgré les tempêtes. Il faut la transformer en actes. Et là, on sent que ça commence à bouger sérieusement.
Le dossier brûlant : les 54 millions de la Coupe du monde
Maintenant, on attaque le gros morceau. Celui qui fait grincer des dents dans tous les bureaux de Marcoussis.
54 millions d’euros. C’est le montant des dettes liées à l’organisation du Mondial 2023. Pour l’instant, rien n’a été payé. Et la Fédération estime qu’elle ne doit pas être la seule à mettre la main à la poche.
Pourquoi ? Parce que l’État, lui, a empoché environ 800 millions d’euros de TVA pendant l’événement. Difficile de ne pas voir le contraste.
« S’il y a eu des erreurs ou des malversations, un contrôleur d’État était toujours autour de la table. »
Le ton est posé, mais la phrase est lourde de sens. On sent que les discussions avec les pouvoirs publics sont tendues, mais qu’elles avancent.
Surfacturation des hospitalités : la plainte qui peut tout changer
Et là, on touche au cœur du scandale. 27 millions d’euros de préjudice estimé sur les packages hospitalités. Une plainte a été déposée contre une société spécialisée et trois de ses dirigeants pour escroquerie.
Autant dire que si une partie de cet argent revient dans les caisses, ça change complètement la donne. On passe d’une situation tendue à un vrai bol d’air.
Et quelque part, c’est aussi une question d’honneur. Le rugby français a organisé l’un des plus beaux Mondiaux de l’histoire sur le terrain. Hors du terrain, il mérite que la vérité éclate et que les responsabilités soient assumées.
Le Stade de France : enfin une bonne nouvelle durable ?
On en parle moins, mais la renégociation du loyer du Stade de France est probablement le coup le plus malin de l’année.
Quand on sait à quel point ce poste de dépense plombe les comptes depuis des années, chaque million économisé est une petite victoire. Et là, on parle de plusieurs millions par an. Ça compte.
Parce qu’au fond, le problème n’est pas de jouer au Stade de France. C’est de le faire à un prix raisonnable. Et pour une fois, on a l’impression que la balance penche du bon côté.
Objectif équilibre en 2027 : pari réaliste ou vœu pieux ?
Alors, on y croit ou pas ? Personnellement, je penche pour le oui. Pas par naïveté, mais parce que les signaux sont plutôt cohérents.
- Trajectoire budgétaire clairement descendante
- Croissance des recettes propres (billetterie, Six Nations)
- Développement du nombre de licenciés
- Négociations en cours sur les dettes du Mondial
- Possible récupération sur les hospitalités
Évidemment, rien n’est gagné. Un mauvais Tournoi, une blessure collective dans les clubs, un retournement sur le dossier des dettes… et tout peut basculer.
Mais pour la première fois depuis longtemps, on a un cap clair, une équipe qui semble savoir où elle va, et des clubs qui suivent.
Dans deux ans, on reparlera de tout ça. Et quelque chose me dit qu’on aura peut-être une bonne surprise.
En attendant, le rugby français continue de vivre. Sur le terrain et en dehors. Avec ses galères, ses espoirs, et cette capacité unique à se relever. Comme un bon pilier après un placage un peu trop enthousiaste.
Parce qu’au fond, c’est aussi ça, notre sport. Prendre des coups, serrer les dents, et repartir de l’avant. Marcoussis vient de le prouver une nouvelle fois.
