Vous avez déjà eu cette impression bizarre en lisant les chiffres officiels : tout semble sous contrôle, et pourtant on sent que quelque chose cloche ? C’est exactement ce que j’ai ressenti en découvrant les dernières annonces sur le déficit de la Sécurité sociale pour 2026. On nous parle d’un « simple » 19,6 milliards, presque une bonne nouvelle. Mais quand on creuse un tout petit peu, on tombe sur un abîme de 30 milliards. Comment est-ce possible ? Accrochez-vous, on va démêler tout ça ensemble.
Le déficit de la Sécu en 2026 : un numéro de prestidigitation budgétaire ?
Commençons par le spectacle. D’un côté, les ministres s’avancent sur scène avec le sourire : « Grâce à notre budget, le déficit sera inférieur à 20 milliards en 2026 ». Applaudissements polis. De l’autre, les mêmes personnes reconnaissent, presque en chuchotant, qu’en réalité, sans un petit tour de passe-passe comptable, on dépasserait allègrement les 30 milliards. Le public, lui, reste un peu perplexe. C’est normal, on vient d’assister à un grand classique de la magie budgétaire française.
Le chiffre officiel : 19,6 milliards, mais avec un gros astérisque
Le chiffre de 19,6 milliards n’est pas inventé. Il correspond à la prévision une fois le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) voté. Mais ce montant repose sur une condition essentielle : un transfert de 4,5 milliards d’euros venant directement des caisses de l’État. Autrement dit, on fait les poches de l’État pour boudiné pour remplir le trou de la Sécu. Sans ce transfert, le déficit brut atteindrait environ 24 milliards, et certains experts parlent même de 30 milliards si on intègre tous les scénarios pessimistes.
En clair : on présente un déficit « maîtrisé » uniquement parce qu’on déplace la dette d’une colonne à l’autre. C’est un peu comme si vous annonciez fièrement que votre découvert bancaire a baissé… parce que vous avez piqué dans l’épargne de votre conjoint. Techniquement vrai, moralement discutable.
« On est à 19,6 milliards de déficit » a déclaré la ministre de la Santé ce matin-là, avec l’assurance de quelqu’un qui sait que le diable se cache dans les détails.
Pourquoi le trou s’est-il creusé depuis l’automne ?
À l’origine, le gouvernement avait déposé un projet avec 17,5 milliards de déficit. Deux milliards de plus en quelques semaines, ce n’est pas rien. La raison ? Les concessions politiques. Pour faire passer le texte à l’Assemblée, il a fallu lâcher du lest, notamment aux groupes de gauche et écologistes.
Le cadeau le plus coûteux ? La révision à la hausse de l’Ondam – l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. Initialement fixé à +1,6 %, il a été porté à +3 % via un amendement voté à la dernière minute. Traduction : on autorise 5 à 6 milliards de dépenses supplémentaires pour les hôpitaux, les médecins libéraux et les établissements médico-sociaux. C’est généreux, c’est humain… mais ça creuse mécaniquement le déficit.
- Augmentation de l’Ondam : +1,4 point = environ 5-6 milliards supplémentaires
- Autres concessions (revalorisations, aides ciblées) : +1 à 2 milliards
- Effet cumulé : +2,1 milliards par rapport au projet initial
On le voit, la démocratie a un coût. Et ce coût, c’est vous et moi qui le paierons, un jour ou l’autre.
30 milliards : le scénario noir que personne ne veut voir
Imaginons une seconde qu’aucun budget ne soit voté – ce qui arrive régulièrement ces dernières années avec le 49.3 ou les rejets. Dans ce cas, les dépenses continuent sur leur trend naturel. Résultat ? Le déficit exploserait vers 28 à 30 milliards d’euros. C’est le chiffre que brandissent les oppositions pour dénoncer un « dérapage incontrôlé ».
Et franchement, ce scénario n’est pas si fou. Entre le vieillissement de la population, la hausse des maladies chroniques, les innovations médicales hors de prix et les revalorisations salariales dans les hôpitaux, les dépenses de santé croissent structurellement plus vite que le PIB. C’est une réalité démographique, pas une fatalité politique.
J’ai regardé les courbes sur vingt ans : même dans les meilleures années, la Sécu n’a jamais vraiment retrouvé l’équilibre durable. On alterne les petites améliorations et les gros dérapages. 2026 risque de faire partie de la seconde catégorie.
Transfert de l’État : cache-misère ou solidarité légitime ?
Le fameux transfert de 4,5 milliards, c’est la grande astuce de l’année. L’État, déjà endetté jusqu’au cou, va quand même trouver ces milliards quelque part (probablement en augmentant sa propre dette). On transfère donc une partie du problème plutôt que de le résoudre.
Certains y voient une forme de solidarité : après tout, la Sécu finance des missions d’intérêt général. D’autres, dont je fais partie, y voient surtout un moyen de présenter des comptes flatteurs tout en repoussant l’addition aux générations futures. Parce que cette dette, il faudra bien la rembourser un jour. Avec des intérêts.
| Scénario | Déficit annoncé | Réalité sous-jacente |
| Avec PLFSS + transfert | 19,6 milliards | Transfert de 4,5 milliards de l’État |
| Sans transfert | 24 milliards | Déficit brut de la Sécu |
| Sans budget voté | 28-30 milliards | Dérapage naturel des dépenses |
Et nous, dans tout ça ?
La vraie question, c’est l’impact sur le quotidien. Un déficit plus élevé, cela signifie soit des hausses de cotisations (CSG, CRDS, etc.), soit des baisses de remboursements, soit les deux. On l’a déjà vu par le passé : déremboursements de médicaments, hausse du forfait hospitalier, reste à charge plus important.
Personnellement, je trouve ça assez décourageant. On nous vend sans arrêt la « protection sociale française » comme la meilleure du monde, mais on la finance à crédit depuis trente ans. À force, on risque de se retrouver avec le pire des deux mondes : des cotisations parmi les plus élevées d’Europe et des remboursements qui se tassent doucement.
Il suffirait pourtant de quelques décisions courageuses : refonte des affections de longue durée, meilleure maîtrise des prix des médicaments innovants, lutte réelle contre la fraude, réforme des indemnités journalières… Mais politiquement, c’est du troisième rail. Personne n’ose y toucher.
Vers une crise ouverte des finances sociales ?
À moyen terme, le tableau n’est pas réjouissant. Avec le papy-boom qui arrive en force et les dépenses de santé qui croissent de 4-5 % par an en moyenne, on risque de franchir rapidement la barre des 40 milliards de déficit annuel si rien ne change vraiment.
Certains économistes parlent déjà d’un « mur budgétaire » à horizon 2030. D’autres, plus optimistes, misent sur la croissance et les gains de productivité dans la santé. Moi, je reste prudent : on a déjà entendu ces promesses il y a vingt ans.
Ce qui est sûr, c’est que le débat sur le déficit de la Sécu en 2026 n’est qu’un symptôme. Le vrai sujet, c’est la soutenabilité de notre modèle social dans un monde où l’on vit plus longtemps, où les traitements coûtent toujours plus cher et où la population active stagne.
Alors, 19, 24 ou 30 milliards ? La réponse dépend surtout dépend de la paire de lunettes qu’on choisit de mettre. Mais une chose est certaine : derrière les chiffres, il y a notre avenir collectif. Et pour l’instant, on continue de l’hypothéquer joyeusement.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Êtes-vous prêt à accepter des réformes douloureuses pour sauver la Sécu, ou préférez-vous qu’on continue à faire semblant que tout va bien ? Les commentaires sont ouverts.
