Vous êtes-vous déjà demandé jusqu’où certains partis étaient prêts à aller pour financer leurs ambitions nationales avec l’argent de l’Europe ? Franchement, quand j’ai vu cette nouvelle plainte déposée début décembre 2025, j’ai eu un petit frisson. Pas vraiment de surprise, soyons honnêtes, mais plutôt cette sensation que l’on touche à quelque chose de plus vaste, de plus structuré.
On parle d’une formation au média training payée par le Parlement européen… mais qui aurait surtout servi à préparer la campagne présidentielle française de 2022. Autrement dit : l’argent censé aider des élus à mieux parler d’Europe aurait été détourné pour muscler la communication d’un parti sur la scène nationale. Et là, on ne parle pas de quelques euros oubliés dans un tiroir.
Quand le média training devient un outil de campagne
Tout commence, semble-t-il, à l’automne 2021. Un formateur est officiellement recruté pour aider les eurodéputés d’un grand parti de droite nationale à mieux maîtriser leurs interventions face aux journalistes européens. Jusque-là, rien de choquant : chaque élu dispose d’une enveloppe pour se former, se faire accompagner, organiser son travail à Bruxelles et Strasbourg.
Mais voilà, d’après les éléments révélés récemment, ce même formateur aurait passé une bonne partie de son temps à coacher le président du parti – qui n’était pas encore très connu du grand public à l’époque – sur des sujets très… hexagonaux. Objectif ? Le rendre plus percutant à la télévision française en vue de l’élection présidentielle du printemps suivant.
Autrement dit, on serait passé d’une formation « comment parler du budget européen » à « comment répondre quand on vous attaque sur l’immigration ou le pouvoir d’achat ». Le décalage est énorme.
« Utiliser les fonds européens pour préparer une campagne nationale, c’est prendre les citoyens européens pour des vaches à lait. »
– Un observateur régulier des affaires bruxelloises
Une plainte ciblée et argumentée
L’association qui a décidé d’agir ne sort pas de nulle part. Spécialisée dans la lutte contre la corruption, elle a l’habitude de scruter les dépenses publiques avec une loupe grossissante. Vendredi dernier, elle a donc déposé une plainte avec constitution de partie civile devant le parquet national financier.
Le chef d’accusation ? Détournement de fonds publics. Rien que ça.
Dans le document, on trouve des dates précises, des missions officiellement déclarées, et surtout la preuve – selon eux – que le formateur a basculé d’une mission européenne à une mission strictement française dès septembre 2021. Le timing ne doit rien au hasard : c’est exactement le moment où la campagne présidentielle commence à monter en puissance.
- Contrat initial : formation des élus européens sur les dossiers communautaires
- Réalité alléguée : coaching intensif pour les plateaux télé français
- Financement : 100 % sur l’enveloppe du Parlement européen
- Conséquence potentielle : enrichissement indu et concurrence déloyale
Et là, on touche à un point sensible : l’égalité entre les partis. Quand certains respectent scrupuleusement les règles et financent leurs campagnes avec leurs propres moyens (ou ceux autorisés), d’autres puisent apparemment là où l’argent coule à flots sans trop de contrôles.
Un air de déjà-vu inquiétant
Ce n’est pas la première fois que ce parti se retrouve dans le viseur pour sa gestion des fonds européens. Souvenez-vous : il y a l’affaire des assistants parlementaires, cette histoire où des collaborateurs payés par l’Europe travaillaient en réalité pour le parti en France. Un dossier qui a déjà valu des condamnations en première instance, avec des peines lourdes – dont une inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire pour la figure principale.
L’appel est prévu début 2026, et croyez-moi, les agendas sont chargés.
Mais il y a plus récent encore. L’été dernier, le parquet européen – oui, celui qui a été créé justement pour traquer les fraudes au budget de l’UE – a ouvert une enquête sur l’ancien groupe politique auquel appartenait ce parti au Parlement. Plus de 4,3 millions d’euros auraient été dépensés de façon douteuse entre 2019 et 2024. C’est énorme.
| Affaire | Montant estimé | Période | Statut |
| Assistants parlementaires | Près de 7 millions € | 2004-2016 | Condamnations en 1re instance |
| Dépenses groupe ID | 4,3 millions € | 2019-2024 | Enquête en cours |
| Média training | Montant non précisé | 2021-2022 | Plainte déposée |
On commence à voir se dessiner un schéma. Et c’est peut-être ça le plus inquiétant.
L’argent européen, une tentation trop forte ?
Il faut comprendre une chose : être eurodéputé, c’est confortable financièrement. Entre l’indemnité (environ 9 000 € brut par mois), les frais de mandat, l’enveloppe pour les assistants (plus de 20 000 € mensuels), et les budgets alloués aux groupes politiques, on parle de centaines de milliers d’euros par élu sur une législature.
Quand un parti a du mal à boucler ses fins de mois au niveau national – et certains en ont connu des périodes très compliquées –, la tentation existe de faire « glisser » une partie de ces fonds vers des activités purement françaises. Un assistant qui bosse pour le siège plutôt que pour le bureau de Strasbourg, un formateur qui prépare les élections nationales… ça commence petit, et puis ça devient une habitude.
Le problème, c’est que cet argent n’est pas un cadeau personnel. Il appartient aux contribuables européens. Et quand on voit le niveau de défiance envers Bruxelles, ce genre d’histoires n’arrange rien.
Et maintenant ?
La plainte est entre les mains du parquet national financier, mais l’association demande aussi que le parquet européen se saisisse du dossier. Pourquoi ? Parce que dès qu’il y a des fonds communautaires en jeu, ce jeune parquet basé à Luxembourg a compétence prioritaire.
On peut imaginer plusieurs scénarios :
- Le PNF classe sans suite (peu probable vu le contexte)
- Une enquête préliminaire est ouverte en France
- Le parquet européen récupère le dossier et l’intègre à l’enquête déjà en cours sur le groupe politique
- Une mise en examen tombe rapidement, avec peut-être des perquisitions
Ce qui est sûr, c’est que 2026 s’annonce sous haute tension judiciaire pour plusieurs figures majeures de ce parti. Entre l’appel du procès des assistants et les suites possibles de cette nouvelle plainte, sans oublier l’enquête sur les 4,3 millions, on risque d’assister à un feu d’artifice.
Une question de démocratie
Au-delà du cas particulier, cette affaire pose une question de fond : comment garantir que l’argent public européen serve vraiment l’intérêt général et non les stratégies nationales des partis ?
J’ai discuté avec plusieurs personnes qui suivent ces dossiers de près. Beaucoup estiment que les contrôles ont été renforcés ces dernières années, mais qu’il reste des failles. Notamment sur les formations et les prestations intellectuelles : comment prouver qu’un coaching était bien européen et pas français ? C’est souvent parole contre parole.
Certains proposent même de rendre obligatoire l’enregistrement vidéo des formations financées par l’Europe. Radical, mais efficace.
« Tant qu’il y aura des enveloppes opaques et des partis en difficulté financière, le risque existera. La vraie solution, c’est la transparence totale. »
En attendant, cette nouvelle plainte rappelle une chose essentielle : personne n’est au-dessus des règles, même quand on siège à Bruxelles ou Strasbourg. Et quand on joue avec l’argent public, tôt ou tard, la facture arrive.
À suivre, donc. Très attentivement.
