Vous vous souvenez quand vous étiez petit et que voir le Père Noël dans la galerie commerciale vous faisait briller les yeux ? Moi aussi. Pourtant, en cette fin 2025, quelque chose a changé. Les annonces « Recherche Père Noël » fleurissent partout dès octobre, mais elles restent souvent lettre morte. Et franchement, quand on regarde de plus près les conditions proposées, on comprend vite pourquoi.
Parce que oui, être le grand bonhomme rouge, aujourd’hui, c’est souvent synonyme de SMIC horaire, de journées debout dans un costume qui gratte, et d’enfants parfois… disons très énergiques. Alors, la magie de Noël, où est-elle passée pour ceux qui l’incarnent ?
Le costume rouge ne fait plus recette
Il y a encore dix ou quinze ans, les retraités se battaient presque pour décrocher le rôle. Aujourd’hui, même eux boudent les offres. Et les jeunes ? Ils préfèrent largement faire caissier ou livreur, des jobs tout aussi saisonniers mais souvent mieux payés ou plus flexibles.
J’ai discuté avec plusieurs responsables d’animation commerciale ces dernières semaines. Tous me disent la même chose : « On galère comme jamais. » Certains centres commerciaux ont même dû réduire le nombre de jours où le Père Noël est présent, faute de candidats.
« Avant, j’avais vingt candidatures en une semaine. Là, j’en suis à trois en deux mois, et encore, deux n’ont pas donné suite après avoir vu le salaire. »
Un recruteur d’une grande enseigne parisienne
Un salaire qui n’a pas suivi l’inflation
Le nerf de la guerre, c’est évidemment la rémunération. La plupart des contrats proposent le SMIC brut, parfois légèrement au-dessus (11,88 € brut de l’heure en 2025), mais rarement plus de 13-14 €. Et encore, c’est pour les profils expérimentés avec leur propre costume et leur vraie barbe.
Quand on sait qu’un livreur à vélo peut gagner jusqu’à 18-20 € de l’heure en période de fêtes, le calcul est vite fait. Surtout quand enfiler le costume implique :
- Des journées de 8 à 10 heures debout ou assis sur un trône inconfortable
- Des pauses très courtes (parfois 30 minutes pour toute la journée)
- L’obligation de sourire non-stop, même quand un enfant vous tire la barbe ou vous vomit dessus
- Un costume chaud, lourd, qui donne envie de pleurer quand il fait 25°C dans la galerie
Et n’oublions pas les faux ventres qui serrent, les bottes trop petites prêtées par l’enseigne, ou encore l’interdiction formelle de boire ou manger devant les enfants. Franchement, on comprend mieux pourquoi le métier perd de son attrait.
Des conditions de travail qui laissent à désirer
Au-delà du salaire, c’est tout l’environnement qui pose problème. Les Pères Noël d’aujourd’hui sont souvent considérés comme de simples animateurs saisonniers, sans réelle reconnaissance.
Certains me racontent qu’ils doivent gérer seuls des files d’attente interminables, sans agent de sécurité à proximité. D’autres doivent supporter les remarques des parents pressés ou les pleurs des tout-petits terrifiés par ce grand barbu rouge.
Et que dire des horaires ? Commencer à 10h pour finir à 20h, avec juste une heure de pause décomptée, ça use. Surtout quand il faut rajouter le trajet, souvent en transport en commun avec le costume dans un sac (parce que oui, certains employeurs ne fournissent même pas de vestiaire digne de ce nom).
Un métier qui attire désormais les très jeunes
Face à la pénurie, les recruteurs abaissent drastiquement leurs exigences. Exit le retraité jovial à la barbe blanche naturelle. Bienvenue aux étudiants de 18-20 ans, parfois même sans expérience, qui enfilent une fausse barbe et un costume trois tailles trop grand.
Le résultat ? Des Pères Noël qui font à peine plus vieux que les enfants qui viennent les voir. L’illusion s’effrite un peu plus chaque année.
« L’année dernière, j’ai vu un Père Noël avec des AirPods sous son bonnet. Les gamins ont tout de suite : “Mais il écoute de la musique le Père Noël ?!” »
Une maman amusée… ou désabusée
Certains centres commerciaux vont jusqu’à proposer le poste à des animateurs polyvalents : un jour lutin, un jour Père Noël, un jour photographe. La magie en prend un coup, forcément.
Pourtant, certains y croient encore dur comme fer
Heureusement, il reste des irréductibles. Des passionnés qui préparent leur rôle dès l’été, laissent pousser leur barbe, apprennent des blagues, travaillent leur “ho ho ho”. Pour eux, l’argent passe après le plaisir de voir les yeux des enfants s’illuminer.
Ces Pères Noël-là négocient souvent de meilleures conditions : salaire horaire plus élevé, pauses dignes de ce nom, costume sur mesure. Ils travaillent dans les entreprises pour les arbres de Noël, ou dans les quartiers chics où les budgets sont plus confortables.
Mais ils sont de plus en plus rares. Et même eux commencent à sentir le vent tourner. L’un d’eux me confiait récemment : « Si l’année prochaine on me propose encore le SMIC, je crois que j’arrêterai. J’adore ce métier, mais il faut aussi vivre. »
Et si on réinventait le Père Noël de demain ?
Face à cette crise, certaines enseignes commencent à réagir. Augmentation de 20 à 30 % du salaire horaire, primes de fin de contrat, prise en charge du pressing du costume, vestiaires chauffés… Les efforts sont timides, mais réels.
D’autres misent sur la modernité : Père Noël en réalité virtuelle, hologrammes, ou visites à domicile à des tarifs beaucoup plus élevés. Mais est-ce vraiment la même chose ?
Personnellement, je crois qu’on touche à quelque chose de plus profond. Le Père Noël saisonnier à bas coût est peut-être en train de payer le prix d’une société où tout doit rapporter immédiatement. Où même la magie de Noël devient une variable d’ajustement budgétaire.
Alors cette année, quand vous croiserez un Père Noël fatigué dans votre centre commercial, pensez à lui sourire un peu plus fort. Et qui sait, peut-être que votre enfant lui offrira le plus beau des cadeaux : croire encore un peu en lui.
Parce qu’après tout, tant qu’il y aura des enfants qui y croient, il y aura toujours quelqu’un pour enfiler le costume rouge. Mais pour combien de temps encore ?
(Article rédigé à partir de nombreux témoignages recueillis auprès d’anciens Pères Noël, recruteurs et parents – décembre 2025)
