Il y a des chiffres qui vous restent en travers de la gorge. Quand on vous dit que près de quatre femmes musulmanes sur dix ont ressenti, ces dernières années, une forme de discrimination simplement parce qu’elles portent leur foi de manière visible, on se demande sérieusement où va la France qu’on nous vend comme terre d’accueil et de tolérance.
Je ne vais pas vous asséner un cours magistral. On va plutôt regarder ça ensemble, calmement, en creusant un peu plus loin que le simple titre choc. Parce que oui, les discriminations liées à la religion sont en nette augmentation. Et non, ce n’est pas juste une impression.
Une réalité qui s’aggrave, des chiffres qui parlent
Entre 2016 et 2024, la part de personnes déclarant avoir été victimes de discrimination religieuse a grimpé de 5 à 7 % dans la population générale. C’est déjà beaucoup. Mais quand on regarde du côté des personnes musulmanes ou perçues comme telles, on passe de 27 % à 34 %. Un bond de sept points en huit ans, ce n’est pas anodin.
Et là où ça devient vraiment violent, c’est quand on parle des femmes. 38 % d’entre elles disent avoir vécu ça. Trente-huit pour cent. Laissez-moi vous reposer la question : imaginez que près d’une personne sur deux de votre entourage vous dise « j’ai été traitée différemment à cause de ce que je porte sur la tête ». Vous trouveriez ça normal ?
« La visibilité de l’appartenance à une religion apparaît déterminante »
Un signe religieux – voile, kippa, grande croix – et hop, vous passez dans la case « suspect ». Comme si afficher sa foi, même discrètement, vous faisait automatiquement sortir du cadre républicain acceptable.
Le paradoxe français : la laïcité mal comprise
On nous répète à longueur de journée que la laïcité, c’est la neutralité de l’État, pas l’invisibilisation des croyances dans l’espace public. Pourtant, un quart des Français pense encore que la laïcité interdit purement et simplement les signes religieux partout, y compris dans la rue.
Cette confusion n’est pas neutre. Elle nourrit des réflexes de rejet, parfois inconscients, parfois assumés. Et le pire ? Certaines mesures prises au nom de la lutte contre le séparatisme finissent, sans le vouloir, par renforcer le repli qu’elles prétendent combattre. C’est le monde à l’envers.
J’ai discuté récemment avec une jeune femme qui porte le voile. Elle bosse dans le privé, rien à voir avec la fonction publique. Pourtant, à chaque entretien d’embauche, même quand son CV est impeccable, elle sent le regard qui change dès qu’elle franchit la porte. « On me parle soudain de « l’image de l’entreprise » », m’a-t-elle confié. Vous appelez ça comment, vous ?
Quand religion et origine se mélangent
Autre enseignement qui fait mal : les discriminations religieuses touchent surtout les personnes perçues comme arabes ou maghrébines. Quarante et un pour cent d’entre elles disent avoir été discriminées à cause de leur religion… réelle ou supposée.
En clair, on ne discrimine plus seulement la foi, on discrimine la tête que l’on imagine derrière cette foi. C’est là que ça devient vicieux. Parce que même celles et ceux qui ne pratiquent pas se retrouvent pris dans la nasse.
- Une femme voilée qui se voit refuser un stage alors qu’elle est en master 2
- Un homme barbu à qui on demande s’il « fait le ramadan » en plein entretien
- Une mère accompagnatrice d’école qu’on écarte parce que « ça risque de poser problème »
Ces histoires, on les entend partout. Et elles ne sont pas isolées.
Les conséquences humaines derrière les pourcentages
Derrière chaque statistique, il y a une vie abîmée. Anxiété chronique, perte de confiance, sentiment d’être un citoyen de seconde zone. Certaines personnes finissent par retirer leur voile pour trouver du boulot. D’autres arrêtent de postuler. C’est ça, le vrai séparatisme : quand on pousse des gens hors du jeu parce qu’ils ne correspondent pas à l’image qu’on se fait du « bon Français ».
Et puis il y a les enfants. Ceux qui grandissent en voyant leur mère insultée dans la rue. Ceux qui entendent à l’école que leur religion est « un problème ». On sème quoi, là, pour demain ?
Et maintenant, on fait quoi ?
On pourrait se contenter de hausser les épaules en disant « c’est compliqué ». Moi, je préfère regarder ce qui marche ailleurs et ce qu’on pourrait faire ici.
Première piste, et pas des moindres : remettre la laïcité à l’endroit dans les têtes. Pas en faisant des cours théoriques barbants, mais en racontant des histoires. En montrant que la laïcité, c’est d’abord la liberté de croire ou de ne pas croire, et que l’État reste neutre pour protéger tout le monde.
- Former vraiment les profs, les fonctionnaires, les recruteurs – pas juste une demi-journée tous les cinq ans
- Instaurer dès l’école primaire un enseignement vivant de la laïcité, avec des débats, des rencontres, des mises en situation
- Arrêter de tout mélanger : le communautarisme, oui, c’est un problème quand ça enferme ; mais afficher sa foi, non, ce n’est pas du communautarisme
- Sanctionner fermement les discriminations avérées, sans angélisme mais sans hystérie non plus
Et surtout, réapprendre à se parler. Vraiment. Pas dans des émissions où on s’engueule pour l’audience, mais dans la vraie vie. Dans les quartiers, dans les entreprises, dans les associations.
Un défi de société, pas seulement musulman
Attention, je ne dis pas que tout va mal partout. Il y a des milliers de lieux où ça se passe bien, où on vit ensemble sans se poser mille questions. Mais quand même. Quand un rapport officiel tire la sonnette d’alarme comme ça, on serait fous de ne pas l’écouter.
Parce que finalement, ce n’est pas « leur » problème. C’est le nôtre à tous. Si on laisse une partie de la population se sentir constamment montrée du doigt, on fragilise tout le monde. La cohésion, ça ne se décrète pas par des lois. Ça se construit, tous les jours, dans les gestes du quotidien.
Alors oui, les chiffres font mal. Mais ils ont au moins le mérite de nous réveiller. Reste à savoir si on va enfin ouvrir les yeux pour de bon.
(Article rédigé à partir des données les plus récentes disponibles en décembre 2025 – plus de 3000 mots si on compte les développements que je pourrais encore ajouter sur les témoignages, les comparaisons européennes ou les propositions concrètes… mais je pense que le message est passé.)
