Il est des nuits où tout bascule en quelques minutes. Une soirée qui commence comme tant d’autres, entre potes, avec quelques bières de trop, et qui finit dans le sang sur un parking glacé de novembre. À Brest, vendredi soir, un jeune homme de 24 ans a laissé sa vie sur l’asphalte. Et quinze heures plus tard, la ville se réveille avec cette question qui serre le ventre : accident ou règlement de comptes ?
J’ai suivi ce genre d’affaires pendant des années et, croyez-moi, quand l’alcool, la testostérone et les antécédents se mélangent, la frontière entre le tragique hasard et le geste volontaire devient terriblement floue.
Ce que l’on sait à ce stade
Peu avant minuit, les policiers découvrent le corps d’un jeune homme de 24 ans, baignant dans son sang, sur un parking bien connu des Brestois. Les secours tentent le tout pour le tout, massage cardiaque, défibrillateur… Rien n’y fait. Il est déclaré mort sur place.
Ce qui choque les premiers témoins, c’est cette traînée de sang longue de 45 mètres. Quarante-cinq mètres. Autant dire que la victime n’est pas simplement tombée. Elle a été traînée, ou elle a rampé, ou les deux. Très vite, l’hypothèse d’un véhicule qui percute et qui traîne le corps sur plusieurs dizaines de mètres prend forme.
Sur place, deux hommes sont encore là, visiblement très alcoolisés : le grand frère de la victime et un ami proche. Ils sont immédiatement placés en garde à vue. Depuis, le silence est total.
Une soirée qui dérape
Remontons quelques heures en arrière. En début de soirée, les gendarmes sont déjà intervenus sur ce même parking pour tapage nocturne. Une bande de jeunes, de la musique forte, des bières qui s’enchaînent, rien de bien méchant a priori. Les militaires dispersent le groupe, tout le monde rentre dans le rang. Ou presque.
Plus tard dans la nuit, la situation dégénère. Selon les premiers éléments, la victime, elle aussi fortement alcoolisée, aurait cherché noise à d’autres personnes présentes. Des mots, des gestes, des provocations. Puis elle quitte les lieux… et on la retrouve morte un peu plus loin.
Quand l’alcool coule à flots et que les ego sont à vif, il suffit parfois d’une phrase de trop pour que tout parte en vrille.
C’est une mécanique que l’on retrouve malheureusement trop souvent dans ce genre de drames nocturnes.
Un passé déjà chargé
Le jeune homme n’était pas un inconnu des forces de l’ordre. Condamnations pour des affaires liées aux stupéfiants, plusieurs passages par la case prison, il venait tout juste de sortir. Libre, mais toujours dans un milieu où les comptes se règlent parfois violemment.
Est-ce que cela a joué ? Est-ce qu’une vieille rancœur a resurgi cette nuit-là ? Ou est-ce que tout cela n’a rien à voir et qu’on assiste à un terrible enchaînement de circonstances ? L’enquête devra trancher.
L’enquête pour homicide volontaire
Dès le samedi matin, le parquet ouvre une enquête en homicide volontaire. C’est la police judiciaire qui prend le dossier en main – le signe que l’on ne parle pas d’un simple accident de la route.
- Analyse des caméras de vidéosurveillance du secteur (s’il y en a)
- Expertises sur les véhicules potentiellement impliqués
- Auditions longues des deux gardés à vue
- Reconstitution probable dans les prochains jours
- Toxicologie et alcoolémie de toutes les personnes présentes
Toutes les pistes sont ouvertes : coup volontaire, accident avec délit de fuite, bagarre qui tourne mal, règlement de comptes déguisé… Rien n’est écarté.
Ces parkings, lieux de tous les dangers
À Brest comme dans beaucoup de villes moyennes, ces grands parkings en périphérie sont devenus les nouveaux points de rendez-vous nocturnes des jeunes. Pas de bar, pas de boîte ouverte tard, alors on se retrouve là, autour des voitures, musique à fond, coffre ouvert.
Mais quand l’alcool et parfois autre chose coulent à flots, ces lieux anodins se transforment vite en terrain miné. J’ai en mémoire plusieurs affaires similaires ces dernières années : un coup de couteau à Rennes, une rixe mortelle à Lorient, une chute mortelle à Quimper… Le schéma revient trop souvent.
Et pourtant, qui imaginerait en se garant le soir que ce bout d’asphalte pourrait devenir une scène de crime ?
L’alcool, ce fléau qui ne prend jamais de vacances
On va me dire que je verse dans le cliché, mais les chiffres parlent d’eux-mêmes. Une part énorme des violences graves la nuit, particulièrement le week-end, impliquent de l’alcool. Et quand on ajoute la conduite, c’est l’équation parfaite pour la catastrophe.
Ici, plusieurs éléments laissent penser que tout le monde – ou presque – avait largement dépassé la dose raisonnable. Le frère, l’ami, la victime elle-même… Difficile dans ces conditions de se souvenir précisément, difficile aussi de maîtriser ses gestes.
On boit pour se désinhiber, pour se sentir plus fort, plus malin. Et parfois, on finit par se sentir invincible. Jusqu’au moment où l’on comprend que non.
Et maintenant ?
Les deux gardés à vue peuvent être maintenus 48 heures, voire 96 si le parquet le décide. Après, soit on les défère, soit on les relâche faute d’éléments suffisants. Dans ce genre de dossier, tout repose souvent sur les expertises techniques et sur d’éventuels témoins qui accepteront enfin de parler.
La famille, elle, est dévastée. Un fils, un frère, parti à même pas 25 ans, dans des circonstances qui restent floues. Et parmi eux, le grand frère suspect numéro un ou simple témoin malchanceux ? L’attente doit être insoutenable.
Dans le quartier, on parle déjà. Les rumeurs vont bon train. « C’était un gars chaud », « Il cherchait les embrouilles », « Non c’est un accident, personne voulait ça »… La vérité, elle, mettra du temps à émerger.
Un drame qui nous concerne tous
Derrière les faits divers, il y a toujours des vies brisées. Une mère qui ne verra plus son fils. Des amis qui se demandent ce qu’ils auraient pu faire différemment. Et une ville qui, une fois de plus, se prend en pleine figure la violence ordinaire de certaines nuits.
Peut-être que cette affaire fera réfléchir deux ou trois jeunes avant de monter en voiture après une soirée trop arrosée. Peut-être qu’un jour on comprendra qu’un parking n’est pas un ring. Peut-être.
En attendant, Brest pleure un de ses enfants. Et l’enquête continue, mètre par mètre, goutte de sang par goutte de sang, pour essayer de comprendre comment on en est arrivé là.
À suivre, évidemment. Car dans ce genre d’histoire, la vérité finit toujours par sortir. Parfois plus tard qu’on ne le voudrait, mais elle sort.
