Il y a des nouvelles qui vous tombent dessus comme une masse. Hier, en ouvrant les alertes, je suis resté scotché : un homme de 54 ans retrouvé mort chez lui, à Albert, dans la Somme, une blessure à l’arme blanche. Et celles qui ont prévenu les secours ? Sa propre fille. Sa femme et elle sont actuellement en garde à vue. On parle d’un drame familial comme on en voit trop souvent, mais chaque fois, c’est le même choc.
Un drame qui glace le sang dans une ville tranquille
Albert, c’est cette petite ville de la Somme qu’on traverse sans forcément s’arrêter, marquée par la Grande Guerre et ses mémoires. Une commune où tout le monde se connaît plus ou moins, où les maisons sont souvent mitoyennes et où la vie semble couler doucement. Et pourtant, mardi soir, derrière l’une de ces façades banales, quelque chose a basculé dans l’horreur.
Le corps de l’homme, âgé de 54 ans et sans emploi, gisait dans le domicile familial. Une blessure profonde, visiblement causée par une arme blanche. Les gendarmes, arrivés rapidement sur place, ont immédiatement placé les deux femmes qui vivaient avec lui sous le régime de la garde à vue : son épouse et leur fille, une jeune femme d’une vingtaine d’années.
L’appel qui a tout déclenché
C’est la fille qui a composé le numéro des secours. Imaginez la scène : une voix jeune, probablement tremblante, qui explique que son père ne bouge plus, qu’il y a du sang. Les pompiers arrivent, puis les gendarmes. Et là, très vite, l’hypothèse de l’accident domestique s’effondre. La blessure est trop nette, trop profonde. On bascule dans le registre criminel.
Pourquoi la fille a-t-elle appelé ? Panique ? Remords ? Besoin d’aide médicale avant de réaliser l’irréversible ? Les enquêteurs vont passer des heures à décortiquer chaque mot de cet appel, chaque intonation. Dans ce genre d’affaires, le premier coup de fil est souvent une mine d’informations.
Un huis clos familial explosif
Ce qui frappe, c’est que tout s’est déroulé à l’intérieur de la maison. Pas de voisin qui signale des cris, pas (pour l’instant) de témoins extérieurs. Juste trois personnes qui partageaient le même toit et qui, pour une raison encore inconnue, ont franchi la ligne rouge.
Dans ce genre de configuration, on pense immédiatement aux tensions accumulées. Un chômage de longue durée, ça pèse sur un couple, sur une famille. Les disputes qui s’enveniment, les reproches qui deviennent quotidiens, les silences lourds. Et puis un jour, un geste de trop.
Dans les drames familiaux, la violence n’arrive jamais par hasard. Elle est souvent la conclusion tragique d’une longue série de signaux qu’on n’a pas voulu voir.
– Un ancien enquêteur de la gendarmerie
Cette phrase, je l’ai entendue tellement de fois. Et pourtant, elle reste vraie. On parle beaucoup (et à juste titre) des féminicides. Mais il existe aussi ces affaires où les rôles s’inversent, où la victime est un homme, tué par sa compagne ou parfois par ses propres enfants. C’est plus rare, mais ça existe. Et c’est tout aussi glaçant.
Que sait-on vraiment des protagonistes ?
Pour l’instant, presque rien. L’homme était au chômage. Un détail qui peut tout dire ou ne rien dire. Dans certaines familles, ça crée une pression terrible. L’impression de ne plus « servir à rien », les remarques acides, la perte d’estime de soi. Dans d’autres, c’est juste une période difficile qu’on traverse ensemble.
La fille, elle, a une vingtaine d’années. À cet âge-là, on vit encore souvent chez ses parents, surtout dans les petites villes où le logement est cher et les jobs rares. Était-elle proche de son père ? Était-elle plutôt du côté de sa mère dans les conflits ? Ou au contraire écrasée entre les deux ? Les psychologues et les enquêteurs vont essayer de reconstituer la dynamique familiale, pièce par pièce.
- Est-ce que des violences antérieures avaient été signalées ?
- Y a-t-il eu des mains courantes déposées au commissariat ?
- Des proches avaient-ils remarqué des tensions ?
- Et surtout : où était l’arme du crime ? Dans la cuisine ? Dans un tiroir ? Encore sur place ?
Toutes ces questions, les gendarmes se les posent en ce moment même, pendant que les deux femmes sont entendues séparément. Trente-six heures de garde à vue, c’est long. C’est fait pour ça : fatiguer, faire craquer, obtenir des versions qui se contredisent.
Les scénarios possibles (et pourquoi aucun n’est rassurant)
À ce stade, plusieurs hypothèses circulent dans les couloirs de la gendarmerie :
- La mère qui porte le coup fatal, la fille qui couvre ou qui participe.
- La fille qui agit seule, peut-être après des années de maltraitance (physique ou psychologique).
- Une dispute qui dégénère et où les deux femmes se retrouvent impliquées, l’une tenant, l’autre frappant.
- La légitime défense… mais face à un homme sans emploi et apparemment sans antécédents violents connus, c’est compliqué à tenir.
Ce qui est sûr, c’est que l’enquête s’oriente clairement vers un homicide volontaire. L’arme blanche, ça ne pardonne pas : c’est intime, brutal, personnel. On ne tue pas « par accident » avec un couteau de cuisine en visant le cœur ou la gorge.
J’ai couvert assez de faits divers pour savoir que derrière chaque affaire de ce type, il y a des mois, des années de non-dits. Des voisins qui diront « on ne se doutait de rien », des collègues qui parleront d’un type « discret », et puis des proches qui avoueront, la voix tremblante, qu’ils avaient bien remarqué quelque chose… mais qu’ils n’ont rien dit.
La Somme, terre de silence
La Somme, ce n’est pas la première fois qu’elle fait la une pour un drame familial. Il y a quelques années, on se souvient de cette affaire à Abbeville, ou encore de ce couple retrouvé mort à Péronne. Des histoires qui finissent toujours pareil : « ils étaient si discrets », « on ne les voyait jamais ».
Dans les petites villes, on cultive le silence. On ne se mêle pas des affaires des autres. Et parfois, ce silence devient complice.
Et maintenant ?
La garde à vue peut durer jusqu’à 48 heures dans ce genre d’affaires. Ensuite, soit on défère au parquet avec une mise en examen, soit on relâche. Mais vu la gravité des faits, je serais très surpris que les deux femmes sortent libres sans contrôle judiciaire, au minimum.
Les autopsies, les analyses ADN, les perquisitions, les auditions de voisinage : tout ça va prendre des semaines. Et pendant ce temps, Albert va vivre avec ce poids. Les regards en coin, les chuchotements au supermarché, les journalistes devant la maison.
Ce qui me reste en tête, c’est cette phrase d’un vieux gendarme à la retraite que j’avais interviewé il y a longtemps : « Les pires affaires, ce ne sont pas celles avec les voyous. Ce sont celles où l’assassin et la victime dormaient dans le même lit. »
Dans quelques jours, on en saura probablement plus. Peut-être que l’une des deux parlera. Peut-être qu’elles resteront murées dans le silence. Mais une chose est sûre : dans cette maison d’Albert, quelque chose s’est brisé depuis longtemps. Et mardi soir, ça a fini dans le sang.
À suivre, bien sûr. Parce que derrière les faits divers, il y a toujours des vies broyées. Et des questions qu’on préférerait ne jamais avoir à se poser.
