Vous savez ce moment où l’on croit tenir la barre bien droite et que, soudain, la mer se déchaîne sans prévenir ? C’est un peu l’impression que donne Édouard Philippe en cette fin d’année 2025.
On l’imaginait en capitaine tranquille, celui qui traverse les crises avec le calme d’un ancien Premier ministre rompu à l’exercice. Mais là, franchement, la séquence budgétaire ressemble davantage à un grain particulièrement violent. Et le maire du Havre se retrouve au milieu, trempé jusqu’aux os.
Quand même tes amis te lâchent
Mardi soir, vote du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. La majorité relative oblige tout le monde à marcher sur des œufs. Édouard Philippe, pragmatique jusqu’au bout des ongles, avait tranché : abstention recommandée pour le groupe Horizons. Pas d’adhésion totale au texte gouvernemental, pas de participation à un éventuel chaos non plus.
Résultat ? Neuf députés Horizons sur trente environ ont dit non. Neuf. Autant dire que la recommandation a été prise pour une suggestion polie qu’on range dans un tiroir. Parmi eux, des poids lourds, des fidèles de la première heure, des gens qu’on n’imaginait pas jouer les francs-tireurs.
« On ne peut pas demander aux Français de se serrer la ceinture et voter un budget qui creuse le déficit sans contrepartie claire. »
Un député Horizons ayant voté contre, sous couvert d’anonymat
Dans n’importe quel autre parti, neuf voix dissidentes, c’est déjà embêtant. Quand on dirige un micro-parti de trente élus dont l’existence même repose sur la cohérence du chef, c’est une claque retentissante.
Un positionnement qui ne passe plus
Le problème n’est pas seulement numérique. Il est stratégique. Édouard Philippe a bâti toute son image sur la rigueur budgétaire, le sérieux, le « en même temps » qui permet de parler à la droite sans effrayer le centre. Or, là, il se retrouve coincé dans une tenaille.
- Il vote le budget → il avalise un texte qu’il jugeait lui-même insuffisant il y a encore quelques mois.
- Il vote contre → il fait tomber le gouvernement et ouvre la voie à une dissolution que personne ne veut.
- Il s’abstient → il apparaît comme un suiveur sans colonne vertébrale.
Il a choisi la troisième option en espérant que ça passe inaperçu. Raté. Les oppositions, de gauche comme de droite, se sont engouffrées dans la brèche avec une joie non dissimulée.
Les sondages qui font mal
Et puis il y a les chiffres. Ceux qu’on préfère garder pour soi quand on est candidat. Dernier sondage en date : au second tour de la présidentielle, Jordan Bardella serait devant avec 53 % contre 47 % pour Édouard Philippe. Oui, vous avez bien lu. Le président du RN battrait l’ancien Premier ministre.
Il y a six mois, le même duel donnait Philippe vainqueur avec huit points d’avance. La chute est brutale. Et elle n’est pas isolée. Tous les indicateurs sont au rouge : intention de vote en baisse, cote de popularité qui stagne, image de « présidentiable » qui s’effrite doucement.
Dans les couloirs de l’Assemblée, certains murmurent déjà que le costume commence à être trop large. Pas encore une panique, mais un vrai malaise.
L’entourage serre les dents
Évidemment, autour de lui, on minimise. Gilles Boyer, son ami de trente ans et eurodéputé, répète à qui veut l’entendre que « c’est le lot de tout candidat déclaré ». Vrai. Mais quand même. Même les plus fidèles commencent à se poser des questions en off.
« Il ne dévie pas. C’est sa force et parfois son défaut. Mais là, il va falloir qu’il parle aux Français autrement que par des tableaux Excel. »
Un proche historique, mi-admiratif mi-inquiet
Car c’est peut-être ça, le cœur du problème. Édouard Philippe reste dans son registre : sérieux, chiffres, long terme. Or les Français, en 2025, semblent vouloir autre chose. De l’émotion, de la proximité, du rêve ou du bouc émissaire – selon qu’on regarde à gauche ou à droite.
Les Républicains sentent le sang
À droite, on jubile à peine voilé. Laurent Wauquiez n’a même pas besoin de parler : son silence en dit long. Bruno Retailleau, lui, ironise sur ceux qui « découvrent soudain la rigueur budgétaire ». Traduction : Philippe a voulu jouer les adultes dans la pièce, il se retrouve avec les habits d’un premier de la classe qu’on chambre dans la cour de récré.
Et pendant ce temps, le RN avance ses pions tranquillement. Jordan Bardella n’a pas besoin de crier : il lui suffit de laisser les « républicains » se déchirer entre eux.
Et maintenant ?
La question n’est pas de savoir si Édouard Philippe va abandonner – il n’en est évidemment pas là. La question est de savoir s’il va réussir à transformer cette tempête en opportunité.
Certains dans son entourage poussent pour un grand discours de rupture début 2026. Quitte à assumer une ligne plus droitière sur l’immigration ou la sécurité. D’autres plaident pour un recentrage sur les classes moyennes et le pouvoir d’achat. Lui, pour l’instant, reste droit dans ses bottes.
Une chose est sûre : 2026 sera l’année de vérité. Soit il parvient à reprendre la main et à imposer son rythme, soit la dynamique actuelle risque de l’emporter comme un courant trop fort.
Parce qu’en politique, on le sait, les zones de turbulences, ça passe ou ça casse. Et pour l’instant, Édouard Philippe est secoué. Fortement secoué.
À suivre, donc. De très près.
