Vous est-il déjà arrivé de vous dire que la France perd doucement le contrôle face aux trafiquants ? Moi, oui. Et visiblement, je ne suis pas le seul. Hier soir, un ancien Premier ministre a mis les pieds dans le plat en proposant quelque chose que personne n’osait vraiment formuler à voix haute : un véritable état d’urgence contre le narcotrafic.
Un « état d’urgence narco » : la proposition qui fait trembler le débat public
Imaginez : des perquisitions à toute heure sans passer par un juge, des confiscations de biens en quelques jours au lieu de plusieurs années, des moyens exceptionnels concentrés sur une ville ou un quartier gangréné. C’est exactement ce que défend désormais ouvertement Édouard Philippe. Et il assume totalement la comparaison avec la lutte antiterroriste.
Franchement, quand on voit l’explosion des règlements de comptes à Marseille, les fusillades en plein jour à Sevran ou les dockers du Havre qui avouent avoir peur de venir travailler, on se dit que le droit commun ne suffit plus. Le maire du Havre, qui connaît parfaitement son port, le dit sans détour : c’est le seul sujet qui terrorise vraiment les salariés du premier port français.
« Le seul sujet sur lequel j’ai vu les dockers du Havre avoir vraiment peur, c’est la question du narcotrafic »
Édouard Philippe
Mais concrètement, à quoi ressemblerait cet état d’urgence spécial ?
L’idée n’est pas de le déclarer partout et tout le temps. Non. Il s’agirait d’un régime temporaire et géographiquement limité, activable quand une zone devient hors de contrôle. Un peu comme on l’a fait en 2015 après les attentats.
- Perquisitions administratives de nuit comme de jour
- Confiscation accélérée des biens acquis grâce au trafic (voitures de luxe, appartements, comptes bancaires)
- Possibilité de couvre-feu ciblés ou d’interdiction de circulation dans certains quartiers
- Assignation à résidence de personnes soupçonnées d’être liées aux réseaux sans attendre un jugement
- Moyens massifs déployés : douanes renforcées, police judiciaire, services de renseignement intérieur
Le principe ? Frapper vite et fort là où les narcos se sentent intouchables. Parce qu’aujourd’hui, même quand on arrête un gros poisson, ses avocats font traîner les procédures pendant des années pendant que l’argent continue de couler.
L’exemple italien qui inspire
Édouard Philippe cite souvent l’Italie. Et pour cause. Dans les années 80-90, la mafia était partout : attentats, assassinats de juges, contrôle de régions entières. Rome a fini par créer une infraction spécifique : l’association de type mafieux. Résultat ? Il suffit de prouver l’appartenance à une organisation criminelle structurée pour envoyer quelqu’un en prison des années, même sans crime de sang direct.
En parallèle, l’Italie a mis en place la confiscation systématique et définitive des biens. Aujourd’hui, d’anciens palaces de la Cosa Nostra sont devenus des écoles ou des centres culturels. Symboliquement et concrètement, ça fait mal.
L’Allemagne, elle, a choisi une autre voie : des moyens colossaux dans les ports (Rotterdam et Hambourg étant les portes d’entrée principales en Europe). Scanners dernière génération, chiens, effectifs douaniers multipliés). Résultat : les trafiquants se rabattent… sur la France et la Belgique. Merci les voisins.
Pourquoi maintenant ? Parce que la situation devient ingérable
Regardons les chiffres en face. On estime que le trafic de cocaïne génère entre 3 et 6 milliards d’euros par an en France. C’est plus que le budget de certains ministères. Et ce n’est pas que de la poudre blanche pour bobos parisiens. C’est aussi du cannabis en quantités industrielles, des drogues de synthèse, et surtout une violence qui explose.
2025 a connu plus de 450 règlements de comptes liés au narco-banditisme. Des gamins de 14-15 ans armés de kalachnikovs. Des mères de famille tuées par balle perdue. Des quartiers entiers où les habitants baissent les yeux quand ils croisent certains jeunes. On est loin du folklore des Tontons flingueurs.
Et le pire ? Les trafiquants recrutent désormais dans les cités, mais aussi dans les campagnes. Uberisation du deal : des livreurs qui font 200 km pour livrer quelques kilos, payés 2000 euros le trajet. Impossibles à tracer. Une armée de petites mains au service de réseaux très organisés.
Les critiques ne vont pas tarder (et elles sont déjà là)
Évidemment, dès qu’on parle d’état d’urgence, les associations de défense des libertés hurlent au retour de l’État policier. Je comprends. L’état d’urgence de 2015-2017 a été prolongé deux ans, utilisé parfois pour des perquisitions douteuses chez des militants écolos ou lors de manifestations. Il y a eu des abus.
Mais là, on ne parle pas de gaz lacrymo sur des gilets jaunes. On parle de réseaux qui assassinent des adolescents pour un regard de travers. Il y a un moment où la protection des libertés individuelles doit aussi prendre en compte le droit des habitants à ne pas vivre sous la menace permanente.
« Les organisations criminelles en souffrent vraiment quand on touche à leur argent »
Édouard Philippe
Et la prévention dans tout ça ?
On me dira : « Oui mais il faut traiter les causes ! Pauvreté, éducation, désœuvrement… » Bien sûr. Personne ne le nie. Mais quand un quartier est aux Amandiers à Sevran ressemble à une zone de guerre, on ne peut pas attendre dix ans que les politiques sociales fassent effet.
Il faut les deux. Une réponse répressive immédiate et forte là où c’est invivable, et un travail de fond sur l’éducation, l’emploi, le lien social. L’un n’exclut pas l’autre. Ceux qui opposent systématiquement les deux jouent le jeu des trafiquants.
Vers une droitisation du débat sécuritaire ?
Ce qui est intéressant, c’est de voir Édouard Philippe, souvent présenté comme le modéré par excellence, reprendre un marqueur traditionnellement porté par la droite dure et l’extrême droite. L’état d’urgence à Marseille avait été réclamé il y a quelques semaines par des élus du Rassemblement national.
Le centre droit se déplace. La menace narcotrafic devient le pousse à adopter un discours qu’on n’attendait pas il y a encore cinq ans. Et quelque part, ça en dit long sur l’évolution de la société française : quand même les modérés parlent d’état d’urgence, c’est que le sujet est devenu explosif.
Et maintenant ?
La proposition n’est pour l’instant qu’une idée lancée dans le débat. Mais elle a le mérite de poser la question brutalement la question : jusqu’où est-on prêt à aller pour reprendre le contrôle ?
Personnellement, je crois qu’on est à un tournant. Soit on accepte de donner des outils exceptionnels (et très encadrés) à l’État dans les zones les plus touchées, soit on continue avec les moyens actuels et on regarde le narcotrafic gangréner toujours plus de territoires.
Le choix est difficile. Mais faire comme si tout allait bien, ça ne l’est plus depuis longtemps.
Alors, état d’urgence narco : solution courageuse ou dérive autoritaire ? À vous de me dire dans les commentaires ce que vous en pensez. Parce que ce débat nous concerne tous.
