Imaginez une foule vibrante, des pancartes colorées flottant dans l’air, des vuvuzelas résonnant dans les rues animées d’un quartier populaire. C’est l’image qui m’a frappé en apprenant qu’à cinq mois de l’élection présidentielle ivoirienne de 2025, des milliers de personnes se sont réunies à Abidjan pour faire entendre leur voix. Ce rassemblement, organisé par une coalition d’opposition, n’était pas seulement une démonstration de force, mais un cri du cœur pour un dialogue politique avec le pouvoir en place. Pourquoi cette urgence ? Parce que la Côte d’Ivoire, riche et complexe, reste marquée par un passé électoral tumultueux. Alors, que se passe-t-il vraiment dans ce pays qui se prépare à un scrutin décisif ?
Une Mobilisation pour Changer la Donne
Le week-end dernier, le quartier de Yopougon à Abidjan, connu pour son énergie et sa diversité, a été le théâtre d’un événement marquant. Des milliers de militants, venus de plusieurs villes, se sont réunis dans une ambiance festive, mais résolument sérieuse. Au son du zouglou, ce style musical ivoirien qui porte les aspirations du peuple, ils ont brandi des pancartes aux messages percutants : « Exclure, ce n’est pas gagner », « Élections transparentes », ou encore « Élections inclusives ». Ce n’était pas un simple meeting, mais le premier grand rassemblement de la Coalition pour une alternance pacifique en Côte d’Ivoire (CAP-CI), une alliance de 24 partis d’opposition. Leur objectif ? Pousser le gouvernement à ouvrir un dialogue pour garantir une élection juste et apaisée.
L’aspect peut-être le plus frappant de ce rassemblement était l’unité affichée par des partis aux sensibilités différentes, tous réunis pour une cause commune : la démocratie.
Un Contexte Électoral Chargé d’Histoire
En Côte d’Ivoire, les élections ne sont jamais un long fleuve tranquille. Le pays, souvent décrit comme le plus riche d’Afrique subsaharienne francophone, porte encore les cicatrices des violences post-électorales de 2010-2011, qui avaient fait des milliers de victimes. Ce passé douloureux rend chaque scrutin particulièrement sensible. Aujourd’hui, à l’approche de l’élection du 25 octobre 2025, l’opposition craint que l’histoire ne se répète si des mesures concrètes ne sont pas prises. D’après mon observation, ce qui rend ce moment unique, c’est la volonté affichée de l’opposition de ne pas seulement critiquer, mais de proposer un dialogue constructif.
La CAP-CI, en réunissant des figures politiques de premier plan, veut envoyer un message clair : sans inclusion et transparence, le scrutin risque de diviser davantage un pays déjà fracturé. Mais quelles sont précisément leurs revendications ?
Les Revendications de l’Opposition
Au cœur du rassemblement, plusieurs leaders ont pris la parole pour exposer leurs demandes. Parmi eux, une voix s’est particulièrement démarquée, celle de Simone Ehivet Gbagbo, ancienne Première dame et présidente du Mouvement des générations capables (MGC). Elle a appelé à un dialogue politique immédiat avec le gouvernement pour poser les bases d’une élection équitable.
Nous voulons que la Côte d’Ivoire retrouve la paix, la démocratie, pour que les élections de 2025 soient justes, inclusives, transparentes.
– Une figure influente de l’opposition
Concrètement, l’opposition demande plusieurs réformes majeures :
- Révision de la liste électorale : pour s’assurer que tous les citoyens en âge de voter soient correctement inscrits.
- Réforme de la Commission électorale indépendante (CEI) : perçue par certains comme trop proche du pouvoir en place.
- Amnistie pour les figures exclues : plusieurs leaders politiques, condamnés judiciairement, sont interdits de candidature, ce qui alimente les tensions.
Ces revendications ne sont pas nouvelles, mais leur reformulation dans un cadre aussi unifié est un signal fort. Pascal Affi N’Guessan, ancien Premier ministre et candidat éligible pour le Front populaire ivoirien (FPI), a insisté sur le fait que le pouvoir actuel, incarné par le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), ne peut ignorer ces demandes sans risquer d’aggraver les tensions.
Des Exclusions qui Font Débat
Un des points les plus sensibles de cette élection est l’exclusion de plusieurs figures majeures de l’opposition. Quatre leaders politiques, dont Tidjane Thiam, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), ne figurent pas sur la liste des candidats éligibles. Thiam, qui s’est exprimé par vidéoconférence depuis l’étranger, a appelé le pouvoir à faire preuve de modération pour éviter un scrutin conflictuel.
Parmi les autres exclus, on trouve des noms bien connus : un ancien président, son ancien bras droit, et un ancien chef rebelle devenu Premier ministre. Ces exclusions, justifiées par des condamnations judiciaires, sont dénoncées par l’opposition comme des manœuvres politiques. Les autorités, de leur côté, affirment que ces décisions relèvent d’une justice indépendante. Mais, franchement, quand on voit l’histoire récente de la Côte d’Ivoire, difficile de ne pas se poser des questions sur l’impartialité de ces jugements.
Les Ivoiriens veulent tout simplement s’exprimer librement.
– Un leader d’opposition en vidéoconférence
Une Population en Quête de Changement
Ce qui m’a particulièrement marqué, c’est l’enthousiasme des citoyens présents à Yopougon. Une caissière de 34 ans, rencontrée lors du rassemblement, a résumé l’état d’esprit de beaucoup : « On veut du changement, et avec cette coalition, ça peut devenir une réalité. » Ce sentiment reflète une aspiration profonde à une élection qui ne soit pas entachée par des irrégularités ou des exclusions. Mais est-ce vraiment possible dans le contexte actuel ?
Pour mieux comprendre les enjeux, voici un tableau récapitulatif des principaux points soulevés par l’opposition :
| Revendication | Objectif | Impact attendu |
| Dialogue politique | Discussion avec le pouvoir | Réduction des tensions électorales |
| Révision liste électorale | Inclusion de tous les votants | Scrutin plus représentatif |
| Réforme de la CEI | Garantir l’indépendance | Confiance dans le processus |
| Amnistie des exclus | Participation de tous | Élection inclusive |
Le Pouvoir Face à la Pression
Le président Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2011, n’a pas encore clarifié s’il briguerait un quatrième mandat. À 83 ans, sa décision sera cruciale pour l’avenir politique du pays. Son parti, le RHDP, prévoit un congrès mi-juin, juste après la publication de la liste électorale définitive. Ce timing n’est pas anodin : il pourrait donner des indications sur la stratégie du pouvoir face aux pressions de l’opposition.
Pour l’instant, les autorités rejettent les accusations d’ingérence politique dans le processus électoral, insistant sur l’indépendance de la justice. Mais, entre nous, quand une coalition aussi large que la CAP-CI se mobilise avec autant de ferveur, il est difficile d’imaginer que le pouvoir reste insensible. La question est : jusqu’où ira cette confrontation ?
Et Après ? Les Enjeux pour 2025
À cinq mois du scrutin, la Côte d’Ivoire se trouve à un carrefour. D’un côté, l’opposition, galvanisée par ce premier rassemblement, semble déterminée à maintenir la pression. De l’autre, le pouvoir doit jongler avec les attentes internationales et les exigences d’une population de plus en plus consciente de ses droits. Ce qui est sûr, c’est que sans dialogue, le risque de tensions reste élevé.
Si je devais tirer une leçon de ce rassemblement, c’est que les Ivoiriens, qu’ils soient militants ou simples citoyens, ne veulent plus d’élections jouées d’avance. Ils rêvent d’un scrutin où chaque voix compte, où les règles du jeu sont claires. Reste à savoir si leurs dirigeants sauront entendre cet appel. Une chose est certaine : les prochains mois seront décisifs.
Ce n’est pas seulement une élection, c’est un test pour la démocratie ivoirienne.
Alors, que nous réserve l’avenir ? La balle est dans le camp du pouvoir, mais aussi dans celui des citoyens, qui, à travers des rassemblements comme celui de Yopougon, montrent qu’ils sont prêts à se battre pour leur vision d’une Côte d’Ivoire plus juste. À suivre de près.
